Voulez-vous une machine à baffes pour vous réveiller en cette période de rentrée qui peut être difficile pour certain(e)s ? Cryptopsy sort de sa léthargie discographique, du moins en termes d’album studio, pour nous pondre une huitième bombe de brutal death metal technique et « in your face » comme on l’aime ! Alors certes, on avait eu droit à deux EP successifs (la série des deux tomes « The Book Of Suffering ») et leur compilation. D’accord, le quatuor de Montréal n’a pas chômé non plus car il a aussi écumé les scènes et festivals ces dernières années à travers le monde avant de rentrer en hibernation durant la plandémie, pour accoucher d’As Gomorrah Burns. Mais ça fait du bien quand même de retrouver nos cousins québécois en belle forme olympique et en pleine possession de leurs moyens, onze ans après leur album éponyme sorti en autoproduction !! En témoigne leur premier single « In Abeyance » qui va rappeler de quels bois se chauffent nos quatre compères, pionniers du genre sur la scène québécoise, face à la horde de nouveaux groupes plus véloces les uns que les autres, avides de violence et de technique instrumentale, qui ne rêvent que d’une chose : être calife à la place du calife.
A leur apparition dans les années 90 sur la scène de Montréal, au côté des Gorguts, Kataklysm et autres formations de renom qui allaient lancer la scène death metal canadienne, on qualifiait même Cryptopsy d’hyper blast metal tant il faisait mal en mêlant death metal et grindcore à fond les ballons. Leur second album None So Vile (Wrong Again Rec./1996) suivi de Whisper Supremacy (Century Media/1998) devint rapidement des albums cultes car ils posèrent les fondations à ce genre, concurrençant sérieusement leurs voisins yankees en matière de vitesse et d’agressivité. Puis sur And Then You’ll Beg, ils intégrèrent des influences grindcore modernes, influençant même de jeunes combos comme Coalesce ou The DEP. En 2023, Cryptopsy reste tout aussi frais, avec un son énorme. Le disque a été produit par le guitariste Christian Donaldson, qui a fait oublier finalement Jon Levasseur parti en 2011 alors que les deux musiciens ont cohabité durant plusieurs années. Comme nous l’a confié en interview le chanteur Matt McGachy, Donaldson s’est avéré être un excellent leader d’équipe lors du travail de composition et d’écriture, mais aussi en studio lors de l’enregistrement de ces huit nouveaux péchés capitaux pour le retour du groupe sur la scène internationale. Chacun dépasse ses limites ici, à commencer par l’unique gratteux Donaldson qui abat un sacré boulot sur sa six cordes Ibanez, que ce soit dans les riffs tranchants et monstrueux ou les soli qui déchiquètent tout au passage, mais aussi le bassiste Olivier Pinard qui n’est pas en reste, lui qui vit du côté des Etats-Unis et évolue également au sein des excellents Cattle Decapitation. C’est vous dire le bonhomme ! Celui-ci se fait entendre dans l’excellent mixage sonore, et n’est pas sans rappeler Alex Webster (Cannibal Corpse) comme sur le premier morceau d’ouverture « Lascivious Undivine ». Côté rythmique, c’est un dédale de ponts et de break. Tantôt on passe au feu vert puis stoppe aussitôt au feu rouge, avec des stop & go comme au basket. Tout part à cent à l’heure, ou plutôt à plus de 320 bpm pour s’arrêt net et repartir de plus belle sur une toute autre cadence ou une subite mosh part endiablée (l’exemple parfait de « Flayer The Swine », totalement fou et toujours aussi moderne finalement).
Mais la principale nouveauté réside surtout dans l’évolution technique du sympathique frontman Matt McGachy (éducateur auprès d’enfants dans le civil). Celui-ci a changé sa technique vocale et diversifié sa voix, alternant plus facilement growls monstrueux et screams par moment sans s’abîmer le larynx au micro. Le résultat est vraiment bluffant. Son travail acharné s’avère payant, on le confondrait presque avec le légendaire George « Corpsegrinder » Fischer de Cannibal Corpse. Ce qu’il y a également d’intéressant également ici, c’est le concept lyrique qu’a développé et écrit le chanteur en parlant des dérives de l’ère numérique et des dérives des réseaux sociaux qui nous désolidarisent et nous font plonger dans l’addiction en oubliant de vivre l’instant présent. En plus, McGachy et ses comparses ont justement glissé un clin d’œil au premier nom du groupe Gomorra (sans le « h ») qui précédera Cryptopsy entre 1991 et 1992, ce qui ravira les nostalgiques de la première heure mais aussi ceux qui prendront le train à cent à l’heure pour rattraper le temps perdu. Archspire et Rings Of Saturn vont donc devoir attendre encore un peu avant leur avènement sur la scène brutal death technique. Sur le Vieux Continent, côté français, on a rien à envier aux autres, car il y a déjà du très haut niveau puisque l’on peut compter notamment sur Gorod et sa nouvelle génération montante (Exocrine par exemple) qui envoient déjà du lourd ! [Seigneur Fred]
Publicité