KISS : Destroyer

KISS
Destroyer – Édition 45ème anniversaire
Hard Rock
Universal Music

Réédition en fanfare pour cet album enregistré il y a quarante-cinq ans ! A la clé, un son encore plus pur et des prises alternatives inédites. Destroyer ne peut être considéré, cependant, comme un disque culte. Non, car on utilise généralement ce qualificatif pour décrire un chef d’œuvre méconnu, or ce quatrième album studio du groupe new-yorkais a rencontré le succès populaire avec ses 9.000.000 copies vendues et il figure certainement dans la discothèque idéale. Il est en tout cas considéré comme l’album classique des quatre musiciens originaux de Kiss : Paul Stanley, Gene Simmons, Peter Criss et Ace Frehley. L’enregistrement a débuté le 5 janvier 1976 au Record Plant avec le jeune mais déjà célèbre producteur Bob Ezrin. Selon Gene Simmons: « Ce que George Martin a été pour les Beatles, Bob Ezrin l’a été pour nous. Il avait quelque chose que nous n’avions encore jamais trouvé chez un producteur : une vision. »

La paire Stanley-Simmons s’est mouillée et le résultat est convaincant. En revanche, Ezrin a clairement freiné l’inspiration du soliste Ace Frehley. Ce dernier reprocha au producteur son côté ‘maître d’école’ : « Bob est une personne brillante sur le plan artistique mais il ne s’est guère montré patient avec moi. Je ne me suis jamais senti à l’aise car il n’y avait pas d’atmosphère conviviale et encourageante en studio. Sa manière de fonctionner ne collait pas à ma personnalité. ». Les deux hommes n’étaient de toute évidence pas connecté. Afin de palier aux problèmes de ponctualité du guitariste, Ezrin allait solliciter son ami Dick Wagner pour jouer sur quatre titres. Intransigeant, il demanda aussi au batteur Joe X. Dubé (Starz) de doubler la grosse caisse sur « Detroit Rock City ».

Déroutant, Destroyer l’est assurément car son producteur est allé au fond des choses. Il est parvenu à transposer le côté théâtral de Kiss sur album. Si l’incontournable « Detroit Rock City », l’épicé « Sweet Pain » (chanson clin d’œil au sadomasochisme) et l’entraînant « King Of The Night Time World » (un titre des Hollywood Stars réarrangé et réinterprété) gardent une envergure hard-rock, on redécouvre un vertige de sons sophistiqués sur « Do You Love Me » ou « Great Expectation » morceau sur lequel Ezrin interpréta en personne la mélodie de la sonate pour piano n°8 en do mineur de Ludwig von Beethoven. « Flaming Youth » – un collage de trois chansons inachevées de Stanley, Simmons et Frehley – est porté par un calliope alors que l’on devine un air de science-fiction à l’écoute de « God Of Thunder ». Notez que l’orchestre symphonique (quarante musiciens) ainsi que la chorale que l’on entend sur « Great Expectation » ont été enregistrés aux A&R studios. Les sessions se sont clôturées le 23 janvier 1976 et le mixage final confié à Jay Messina (John Lennon, Miles Davis, Aerosmith). La création graphique de la pochette réalisée par Ken Kelly avec l’aide de Dennis Woloch, a sans aucun doute contribué au succès de Destroyer – un titre imaginé par le publiciste Vinny Di Gerlando.

« Shout It Out Loud » et surtout « Beth », une ballade signée Peter Criss, ont eu droit aux airplays en Amérique, une nouveauté pour un groupe jusque- là boudé par les stations radios. Entre-temps, l’album Alive était devenu un succès colossal en terme de ventes. Ce fut alors l’incroyable sortie du ghetto comme le confirmera plus tard l’ingénieur du son Corky Stasiak : « lorsque les membres de Kiss sont arrivés le premier jour au studio, ils étaient dans la dèche. Lorsqu’ils en sont sortis, ils étaient devenus multimillionnaires ! »

Cette nouvelle édition remasterisée aux studios Abbey Road à Londres n’apporte pas grand chose au Resurrected, l’album remixé par Bob Ezrin en 2012. Le blu-ray avec le mixage 5.1 est une curiosité plus qu’une sensation. Pour justifier cet album anniversaire, Paul Stanley et Gene Simmons ont offert des essais non validés au final, des morceaux inconnus et inédits ainsi que des versions alternatives apportant un vrai plus (écoutez les versions brutes de « God Of Thunder » et de « Detroit Rock City ») . L’intégralité du concert joué et enregistré le 22 mai 1976 à l’Olympia de Paris devant 1.900 personnes est également disponible dans le coffret. Pour l’anecdote, Kiss avait débuté son set à… 15h00, en première partie alors de l’humoriste Jerry Lewis !

A propos de ce chef d’œuvre de maîtrise technique, Hervé Picart écrivait dans le Best n°112 (nov. 1977) : « Kiss évolue toujours en fonction de son monstrueux succès, toujours avec la même intelligence de l’opportunité, toujours faisant ce qu’il faut faire au bon moment. » Quarante-cinq ans après la sortie de Destroyer, cette vérité est toujours d’actualité. [Philippe Saintes]

Publicité

Publicité