ALICE COOPER
Docteur Furnier et Mister Cooper

Des artistes qui comptent, de vrais novateurs, des révolutionnaires de la musique, il y en a eu. Mais peu ont eu la chance d’avoir la carrière d’Alice Cooper ! Comme il se plaît à le raconter, Vincent joue le personnage d’Alice mais n’est certainement le Coop à la ville : trop de ses amis l’ont appris à leurs dépens, garnissant le fameux club des 27. Avec plus de 45 ans de carrière, l’écouter nous raconter ses histoires avec Jim Morrison n’a pas de prix, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit aujourd’hui, puisqu’en ce bel été, il nous revient avec un 27e album, et pas des moindres : l’excellent Paranormal. Même si le temps s’est écoulé à la vitesse de la lumière, nous avons eu le temps de poser quelques questions à Mr Furnier, visiblement ravi de converser avec nous au sujet de son nouveau rejeton. 

[Entretien avec Vincent « Alice Cooper » Furnier (chant) par Julien Meurot  julien@metalobs.com]

Alice Cooper_Paranormal_press pictures_print_copyright earMUSIC_credit Rob Fenn_1
Sur le premier disque de Paranormal, on sent très clairement l’esprit des seventies, bien que ce soit plus ou moins ton groupe actuel qui joue dessus…
Je pense que le gros avantage du « guitar rock », c’est qu’il ne se démodera jamais. Ce que j’essaye de faire, c’est que mes histoires prennent vie par ce biais. Le Hard Rock sera toujours de la satire, avec quelque chose de hors-la-loi. Pour ma génération, quand tu étais une rockstar, tu étais un hors-la-loi. Sur scène, nous avions quelque chose de glamour, d’extravagant. Maintenant, les nouveaux groupes sont trop anémiques et introvertis. Regarde Motley Crüe, les Guns, ils te proposaient des shows, ils avaient des Spandex ! Maintenant, je trouve que la plupart des groupes sont mauvais. Ce n’est pas politiquement correct de le dire, mais je le dis ! (rires) On a besoin de revenir à cela. Ne vient pas me parler de politique ou de l’environnement, viens plutôt me parler de ta copine ! (rires) 
Il est assez naturel pour moi de créer des concepts albums. Quand je suis allé voir Bob (Ezrin, producteur historique d’Alice Cooper), je lui ai dit « NO CONCEPT ». Nous allons juste écrire 20 bonnes chansons, en sélectionner 12 et puis c’est tout. C’est ce que nous avons fait, mais en réécoutant les titres je me suis dit : « Nous avons fait un concept album sans le vouloir ! » (rires) Le concept est que chaque personne présente sur chacun de ces titres a un problème paranormal. Pour moi, paranormal signifie au-delà du normal.

La pochette et le titre font penser que tu es paranormal toi aussi, avec cette dualité entre l’être humain Vincent Furnier et le personnage Alice Cooper…
Il y a eu une période où je buvais et où je me droguais, où il n’y avait pas de barrière entre les deux. J’étais avec mes frères, Jim Morrison, Jimi Hendrix et tant d’autres : nous buvions, nous nous défoncions, et je les ai tous vus mourir. J’ai réalisé que la raison principale de leur mort était qu’ils ont tenté d’être à la ville cette personne qu’ils étaient sur scène. Cela m’a pris du temps avant de le comprendre : j’ai dû attendre d’être sobre pour m’en rendre compte, me rendre compte que le personnage ne devait surtout pas vivre en dehors de la scène, plus particulièrement Alice Cooper, qui est le méchant incarné. Il n’a pas envie de regarder la télévision, il n’a pas envie de jouer au golf ou aller faire ses courses : il veut juste être Alice Cooper et détruire ce qui l’entoure. Je me suis donc dit que j’allais co-exister avec lui, mais que lorsque je serai lui, cela sera pour s’amuser : jamais il ne devra quitter la scène. Cela m’a vraiment pris du temps. Mais maintenant, quand je me maquille, quand je m’habille et quand je chante sur scène, c’est le seul et unique moment où il a le droit de vivre.

L’écriture même des chansons va donc plus loin que la musique seule, car tu dois penser à ce qu’Alice en fera sur scène ?
Quand j’écris des chansons, ce n’est pas pour moi : c’est pour lui. Je me demande comment il va le chanter. Quand je bosse avec Bob, il arrive souvent qu’il me dise : « Alice ne dirait jamais ça ! », parce que nous parlons de lui à la troisième personne (rires). Nous nous posons toujours cette question. Même si je ferais différemment, nous pensons à ce qu’il en fera, car ce n’est pas moi sur scène mais bien lui. Je suis simplement son créateur.

Toute ta carrière est « au-delà du normal » ; as-tu une explication à cela ?
Nous sommes des artistes, tout simplement. Quand tu commences à grossir et que tu sors un album comme Welcome To My Nightmare, tu ne veux pas juste le dire, tu veux vraiment montrer ce que devrait être un cauchemar. C’est notre contribution au Rock’n Roll : nous voulons donner vie à nos paroles. Quand je te dis « Only Women Bleed », je suis sur une poubelle et il y a un ballet autour de moi. Les gens ne se rendent pas toujours compte : il y a des chansons, mais il y a aussi toute cette histoire qui prend vie devant eux. Je ne connais personne d’autre qui te propose cela, il s’agit presque d’un Vaudeville étrange. 

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Du Vaudeville étrange à Jason VI, il n’y a qu’un pas. Comment avais-tu appréhendé le titre « He’s back (The Man Behind The Mask) » qui sonnait très différemment de ce que tu proposais généralement, et qui marqua un tournant dans les années 80 ?
C’était assez étrange, car ce titre a été écrit pour le film. À la base, il y avait de la guitare ; il sonnait plus rock. Mais ils nous ont dit qu’il fallait le rendre plus…. commercial, plus vendeur. Je ne voulais pas changer les paroles ni la mélodie (il chante la ligne originale et celle qui sera finalement retenue, ndlr), mais c’est devenu un hit ! (rires) Quand nous le jouons maintenant, il est plus dans l’esprit de ce qu’il aurait dû être à l’origine. Quand tu bosses pour un film, il faut réfléchir un peu plus que lorsqu’il s’agit de ton propre album. Mais surtout, tu as tout un tas de personnes qui te surveillent, alors que je suis le seul maître à bord sur mes albums ! (rires)

Pour conclure, tu es également contacté pour faire l’acteur, comme par exemple lorsque tu joues ce vieux vampire dans Suck ? Comment cela se passe-t-il ?
Je reçois des tas de scripts. Pour rester sur Suck, quand ce gamin m’a envoyé son script, j’ai tout de suite imaginé comment allait être mon personnage : j’y joue un vieux vampire barman, et à la fin j’ai des ailes gigantesques qui se déploient ! (rires) C’était vraiment un film amusant. Il y avait également Iggy, Malcom McDowell La seule chose, c’est qu’il gelait, car nous avons tourné à Toronto. Mais j’adorerais que l’on m’engage pour faire un prof d’école. Je joue toujours le méchant – ce qui me convient tout à fait – mais juste une fois, j’aimerais être le bon père de famille. Mais je crains que je serai toujours celui qui tue le bon père de famille… (rires)

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