ARKONA
Matouchka Rossia

Si la dernière publication d’Arkona consista en fin de compte à réenregistrer leur tout premier album Vozrozhdenie indisponible, cette bonne initiative permit également aux fans de retrouver un temps la flamme slave originelle du groupe qui s’était quelque peu éteinte sur Yav, dernier véritable album des Russes. L’aspect mélancolique reste toutefois omniprésent sur leur tout nouvel album Khram dont sa chanteuse s’est fait l’écho pour la première fois dans Metal Obs’ après plusieurs rencontres manquées par le passé…

[Entretien avec Maria « Masha Scream » Arkhipova (chant) par Seigneur Fred]

ARKONA promo photo 2018 #3

En 2013, Arkona publia un double CD intitulé live Decade Of Glory, malheureusement sans son pendant vidéo, or vos concerts sont toujours de véritables communions avec le public et on aurait aimé avoir un DVD en souvenir. Pourquoi ce choix uniquement d’un double album audio ?
Hé bien, toutes les personnes intéressées par notre musique ont pu se procurer avec l’album live un DVD qui est paru simultanément dans un pack comprenant trente-six chansons au total, mais ce fut une édition limitée russe malheureusement, alors désolé. Toutefois, une version plus courte en DVD bonus fut incluse sur notre précédent album Yav.

D’ailleurs sur scène, est-ce facile techniquement pour vous de restituer fidèlement vos chansons avec les instruments électriques du metal et ceux folkloriques, car la balance sonore ne doit pas être évident surtout que tu bouges beaucoup sur scène par exemple ? Avez-vous recours à des samples pour les passages Folk ?
Tout dépend des conditions et du lieu où nous jouons. Dans certains endroits, c’est parfois difficile, en effet, de sonoriser le tout alors on fait sans, ailleurs, on arrive tout de même à faire de très bonnes balances. On utilisait du playback pour les parties d’instruments Folk dans le passé, mais depuis que Vladimir a rejoint le groupe, nous interprétons tout live.

En 2016, Napalm Records a réédité votre tout premier album studio Vozrozhdenie qui était paru à l’époque sur le label Soundage Productions en 2004. Ce fut d’ailleurs une très bonne idée. Qui a pris cette décision : vous ou bien votre label actuel Napalm Records ? Et comment avez-vous procédé au réenregistrement de ces douze anciennes chansons de Vozrozhdenie afin de respecter leur nature et leur atmosphère de l’époque tout en leur apportant un nouveau soufflé et un nouveau son actuel ?
Toutes les idées, toutes les décisions relatives à notre groupe nous appartiennent, et donc en l’occurrence ce fut notre choix encore. Nous voulions simplement présenter nos vieux enregistrements dans une nouvelle version, plus actuelle et avec un son voulu, et nous avons obtenu cela. Toutes les chansons, du début à la fin, ont été conçues par mes soins à l’origine, et ont été interprétées par les mêmes personne qui prirent part à cette nouvelle édition. La seule différence réside dans le réenregistrement ici cette fois avec un vrai batteur live et de vrais instruments traditionnels à vent. Étant donné que l’auteur et les musiciens sur cet album sont presque les mêmes, l’atmosphère n’a pas changé malgré le temps qui a passé, parce que nous sommes restés les mêmes individus avec nos propres caractéristiques de jeu et d’interprétation. Tu pourrais dire que nous avons changé notre album et opter vers une nouvelle forme avec un nouveau son, sans en changer pour autant l’ambiance, car c’est toujours fait avec le cœur. De toute façon, cela ne pourrait être fait autrement.

ARKONA promo photo 2018 #2

Votre dernière parution fut en fait le réenregistrement de votre tout premier disque Vozrozhdenie. Selon toi, quelles sont les principales différences entre ce dernier et le nouvel album Khram ? Comment vois-tu l’évolution artistique du groupe ?
Tous nos albums diffèrent l’un de l’autre, nous expérimentons tout le temps, et nous aimons toujours être à la recherche d’un nouveau son. Aucun de nos disques ne ressemble à son prédécesseur dans notre discographie. Il en va de même pour Khram. Cet album fait preuve de beaucoup plus de maturité à mon avis que nos précédents ouvrages. Le son a encore changé aussi, c’est devenu plus grave et dépressif, avec toujours cet aspect folklorique qui prévaut dans notre musique depuis nos débuts. Enfin, c’est ma vision des choses à l’instant et je suis sûr que cela continuera d’évoluer à l’avenir de toute façon.

Que signifie au juste le titre russe « Khram » du nouvel album ? Et quel est le concept derrière ça ? J’ai cru comprendre que cela se traduisait par le mot « temple » en français, tu confirmes ?
« Khram » signifie « temple » en russe, en effet, mais il revêt un sens beaucoup plus large et a de multiples significations, car en fait, chacun d’entre nous dans ce monde possède son propre temple… Cela peut être n’importe quoi, le temple qui abrite ton âme, un temple de la nature, un temple de la vie, un temple de la mort, un temple de notre univers, un temple du monde intérieur, un temple avec une vieille relique du vivant et du non-vivant, mobile ou immobile. Et dans ce nouvel album, j’ouvre la porte de mon temple aux gens, ce qui du coup signifie aussi de nombreuses choses pour moi. La couverture principale de l’album révèle pleinement son concept interne. La première chose que tu vois d’abord est un être à deux-têtes, l’une est noire, l’autre est blanche. Cette chose vit à l’intérieur de nous tous et se trouve dans un éternel combat permanent avec ces deux aspects opposés, créant ce chaos parmi nous, cette dualité. Toujours sur la pochette de Khram, on voit cette chose qui coupe sa chair et révèle en fait son propre monde en tant qu’univers, qui est rempli et fait de chaos, et qui a été créé par nous-mêmes en fin de compte, au fond de nous, et qui plus tard sera libéré et sortira d’entre nous. Cet être à deux visages constitue en fait notre temple primordial interne, personnel. Et il ouvre alors les portes de son temple au monde du chaos éternel, dont notre univers entier est constitué, et qui en retour est le temple de notre environnement quotidien, de notre monde, et montre ainsi à travers sa chair faite de deux visages chez cet être que cela vit en nous, à l’intérieur de nous. Tout s’entremêle et est en interaction l’un avec l’autre et tourne strictement en cercle, créant le mouvement de toute existence sur Terre à l’échelle de l’univers.

Masha, tu chantes uniquement en russe, ta langue maternelle. Pourrais-tu te mettre à chanter en anglais un jour un peu à la manière de Rammstein dans un genre plus mainstream qui chanta longtemps exclusivement en allemand avant de s’exprimer en anglais ces dernières années sur certains titres (« America », « Pussy ») ? Cela vous permettrait de tourner dans le monde entier et de vous exporter en Amérique afin de conquérir un public plus large, non ?
Non, aucunement, je ne vais pas me mettre à faire ça, car je suis sûre que tous les groupes et artistes représentent mieux leur création en s’exprimant dans leur langue maternelle. Dans ta langue d’origine, c’est tout de même plus facile pour dire les choses et passer les émotions bien plus intensivement et de le présenter au public et finalement, tu es bien plus libre dans ton travail et ta créativité du moment que tu te sens parfaitement à l’aise pour t’exprimer. Pendant longtemps, nous faisions des traductions de nos paroles en anglais, et cela figure dans nos livrets d’albums avec les paroles. Donc celui qui est intéressé par ce que nous chantons peut visiter notre site internet ou jeter un œil à nos livrets, tout y est écrit ! Et pendant longtemps nous exportions notre musique aux Etats-Unis et pas seulement là-bas. Nous avons tourné sur différents continents et nous n’avons jamais rencontré une quelconque incompréhension devant le public. Nous sommes acceptés partout, sincèrement, parce que nous parlons tout simplement le langage universel de la musique, et puis la franchise et l’atmosphère unique de notre musique sont les bases de la compréhension mutuelle.

Le nouvel artwork de Khram est très sombre… Et je trouve votre musique de plus en plus sombre et nuancée depuis déjà l’album Slovo (2011) et surtout Yav (2014). En fait, une atmosphère mélancolique règne sur vos derniers disques. Partages-tu mon ressenti ? Quelle est ton opinion là-dessus en tant que chanteuse et principale auteure ? Comment pourrais-tu décrire cette ambiance présente sur Khram par exemple ?
Oui, bien sûr, je suis tout à fait d’accord avec toi et partage cette même vision. Mais l’ambiance n’est pas mélancolique, mais plus un mélange de sentiments dépressifs et agressifs, avec même un certain romantisme rêveur dans un sens, si nous parlons de Khram en l’occurrence. La chose est la suivante : je vais plus loin dans l’aspect philosophique, à travers les paroles et les sujets abordés sur ce nouvel album et ces derniers sont très versatiles, avec par exemple non seulement les thèmes de l’existence dans le monde, mais aussi une cosmogonie plus globale en terme d’esprit païen. Les textes de cet album sont une partie intégrale de ce personnage, de même que sa partie musicale, et les deux éléments ensemble sont en harmonie l’un avec l’autre. Yav était quelque peu différent, musicalement, en terme de poésie aussi, cet album plus particulier était en effet plus dans approche plus mélancolique spirituellement parlant. Bien que les chansons de Yav soient relativement diverses, toutes réunies, elles créent toutes une atmosphère sur cet album. Tous nos précédents disques étaient davantage folkloriques, ils abordaient complètement d’autres thèmes, et il n’y avait pas autant de philosophie… (rires) Les histoires qui prédominaient étaient surtout des histoires de contes sur les divinités mythiques, les anciennes cités, etc. Nos anciens disques décrivaient mon état d’esprit à cette période, mais sans faire de référence à ces pensées globales sur notre position dans l’univers, choses qui me préoccupent davantage aujourd’hui. En général, tout le monde prend nos albums de manière différente et chacun en a son propre ressenti.

Et sur ce huitième véritable album, nous pouvons entendre à plusieurs reprises des chants d’enfants comme par exemple sur la chanson « Tseluya zhizn ». Que représentent ces voix enfantines qui semblent raconter une histoire ?
Cette chanson parle de la vie et de la mort comme deux sœurs, qui mènent éternellement leur danse rituelle à travers l’univers. C’est également à propos de l’interaction de la naissance et de la mort comme un cycle inévitable du temps et leur réciprocité. Sur cette chanson, les voix que tu entends sont celles de mes fils, Radimir et Bogdan, ils interprètent ici un rôle de narrateur et parlent de ces deux sœurs, la vie et la mort, qui sont responsables de l’équilibre dans l’univers, tout en entourant chacun d’entre nous dans leur danse sans fin.

Comme beaucoup de gens du peuple russe en général, vous semblez très fiers de vos racines et cela se ressent notamment à travers votre musique et vos paroles où tu chantes donc dans ta propre langue en y racontant des légendes et histoires depuis 2002 à présent. Êtes-vous célèbres chez vous en Russie et connaissez-vous une popularité grandissante dans votre pays ?
Oui, en Russie, nous avons plutôt un bon statut. Mais d’autres genres musicaux sont bien plus populaires dans notre pays, comme la musique alternative et le Rap, ou bien le Rock russe qui a du succès, alors que tous les groupes de metal demeurent plutôt underground. Mais je peux dire que oui, dans notre environnement nous sommes plutôt connus et un groupe assez populaire, mais nous continuons toujours notre développement, tout le temps, et le cercle de nos fans est en constante évolution, donc on ne peut prévoir ce qui nous attend vraiment. Certains fans resteront, d’autres nous quitteront, mais bon, c’est la vie après tout, c’est un cercle éternel dont on ne peut prévoir ni maîtriser l’évolution. On a juste besoin de faire ce que nous faisons et savons faire, et avec le temps nous verrons bien.

ARKONA promo photo 2018 #1

Enfin, pour terminer cet entretien, que voudrais-tu ajouter à nos lecteurs et vos fans français et quels sont les projets à venir pour le groupe avec ce nouvel album ? Allez-vous venir nous voir prochainement en France ? En Europe ? Et avez-vous l’intention d’aller jouer aux Etats-Unis, à Washington D.C. ou à New York, et y rencontrer peut-être le président Trump ?
De février à mars 2018, nous allons présenter notre album dans le cadre d’une nouvelle tournée européenne, et nous jouerons aux côtés de Korpiklaani, Heidevolk, Trollfest notamment en France. Cette tournée a d’ores et déjà été annoncée, alors dépêchez-vous de prendre vos billets, car à certaines dates, c’est déjà complet ! Vous pouvez suivre nos informations sur nos pages internet et réseaux sociaux, alors rendez-vous vite en tournée ! Et si M. Trump est intéressé par notre musique, nous serons également ravis de le compter parmi nos fans dans le public à l’un de nos concerts en Amérique !

Publicité

Publicité