Si parmi les nombreux, voire innombrables, sous genres du black metal, il y en a un qui a la capacité d’apaiser nos maux, c’est bien le black metal atmosphérique. Berceuse de tout une génération (Summoning…) mais aussi berceau de nos émotions, ce style noble s’est taillé avec le temps une place de choix parmi nos bibliothèques musicales. En effet, il n’a rien de « blanc » (« white »). Loin d’être un sain parmi ses paires, il puise dans l’imaginaire fantastique, parfois sombre et violent, de la fantasy et des récits chevaleresques. Fondés en 2019, les Français de Belore que l’on avait aperçus en début d’année au Cernunnos Festival (77) font partie des portes étendards de cette lignée. Voici leur troisième opus, Eastern Tales, gorgé de sept récits enchanteurs. Le disque tourne et l’intro retentit déjà. Intitulée « To the Eastern Lands » cette mise en bouche épique nous fait débuter notre voyage vers les terres orientales (à en croire le titre). Un doux son de flûte se glisse à nos oreilles sur le premier titre (« Sons of the Sun ») et nous accompagne vers des contrées inconnues. Au cœur de « Sons of the Sun », les paroles narrées sont accompagnées d’un rythme plus traditionnel du heavy métal, suivi de quelques petites notes de synthés qui viennent enchanter un paysage musical déjà bien coloré, typique du genre quand il n’est pas épuré, mais plutôt pompeux. Toutefois, lumière et black metal ne sont pas antinomiques notamment sur « Storm of an Ancient Age » où l’orage ténébreux (chant sombre aux screams typiques) laisse place à quelques éclaircies (chant clair). Les deux principaux membres du groupe marseillais, à savoir Aleevok (multi-instrumentiste, chants) et Charlie Videau (batterie), sont de preux chevaliers prêts à partir au combat avec dignité et honneur (voir le clip de « Battle for Therallas ») ! En témoigne l’ambiance épique et fédératrice qui se dégage de leur musique notamment aussi sur la quatrième plage « The Hermit Awakens ».
Eastern Tales s’avère être un album qui s’écoute davantage qu’il ne se décrit ici en quelques lignes. L’impuissance du langage face à l’atmosphère épique, aux accents parfois lointains et emprunts de paganisme, plonge l’auditeur malgré lui dans un monde onirique proche de la high fantasy. L’univers musical déployé par Belore emprunte aux grandes figures typiques de la littérature fantastique (créatures fantastiques, chevaliers etc.). Il ne reste plus qu’à fermer les yeux pour qu’un paysage se dessine dans l’esprit et que l’histoire de ce Eastern Tales prenne forme. Cette faculté humaine de l’image mentale semble plus que jamais profitable à ce style du black metal atmosphérique aux nombreux sons, goûts et couleurs, qui convient parfaitement à la littérature heroic-fantasy (Le Hobbit, Le Seigneur des Anneaux, Conan Le Barbare…). Touchants, enivrants et enchanteurs, les deux derniers titres post-intermède musical (« Denelior’s Betrayal ») maintiennent la lumière éveillée en nous. Gardiens d’une flamme à la vive lueur, ils concluent un album d’un onirisme profond, loin de faire la paix avec nos démons, sur une scène black française qui n’a jamais été aussi riche et variée.. [Louise Guillon]
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