Quand un artiste finlandais s’ennuie en hiver, soit il va au spa, soit il va jouer au hockey sur glace sur un lac gelé, soit il noie son spleen dans la musique. C’est cette dernière option qu’a choisi le guitariste et co-fondateur d’Amorphis, Tomi Koivusaari, en ajoutant un nouveau side-project sur son CV. Celui-ci se nomme Bjørkø. Et pour lancer son nouveau bébé, quoi de mieux que commencer par la diffusion sur le web de quelques singles remarqués et tout frais qui annoncent d’ores-et-déjà la couleur, à savoir un death metal mélodique aux influences heavy, folk, et progressives où de multiples expériences et collaborations se multiplient. Sur les titres les plus avant-gardistes, on pourra penser à un autre artiste scandinave qui brille en solo et s’apprête également à publier son nouvel opus : Ihsahn. Il n’y a qu’à écouter « The Heartrook Rots » en duo avec le célèbre bassiste/chanteur Jeff Walker (Carcass) ici au micro pour s’en convaincre. Il y a ce côté avant-gardiste, des arrangements superbes, et on flirte entre le metal extrême et le metal progressif. Le superbe artwork de l’album, quant à lui, interpelle car il diffère des habituels pochettes sombres généralement des formations scandinaves de death metal, même mélodique, avec de vives couleurs et des fleurs, où l’on peut admirer au passage les tatouages du musicien scandinave… C’est frais, plutôt moderne, admirablement mis en son, puissant et groovy, mais toujours mélodique.
L’autre single « Magenta », plus pop/folk et formaté, déjà paru lui aussi en 2023, donne là encore le ton et la couleur de l’éclectisme. Cette fois, on a droit au jeune batteur prodige Waltteri Väyrynen (actuel Opeth, ex-Paradise Lost). Tomi connaît bien celui-ci puisqu’il a rejoint désormais les rangs de son ancien groupe de death metal (qui avait précédé Amorphis à la fin des années 80) et qu’il a reformé en 2012, Abhorrence (à ne pas confondre avec le sauvage combo brésilien). On y retrouve également le bassiste de Stratovarius, Lauri Porra, et un certain claviériste Janne Lounatvuori, inconnu au bataillon. Mais surtout figure la chanteuse finlandaise relativement populaire au Pays des Mille Lacs : l’artiste issue du hip-hop Mariska. Une chanson toute simple, aux arrangements subtils, et qui ravira aussi bien les fans de Zaz que de Korpiklaani. Ok, c’est faire le grand écart, mais c’est bien l’objectif de Tomi à travers cette escapade en solitaire qui se fait plaisir.
Ce premier album pourrait rappeler d’une certaine manière le premier album Lucidity de Delain en 2006. A l’instar de celui-ci qui lança alors le groupe néerlandais, Heartrot voit ainsi défiler toute une cohorte d’invités de différents horizons, rarement des débutants sur la scène musicale scandinave (Shagrath de Dimmu Borgir sur le titre bien misanthropique « World as Fire and Hallucination » ; ou un autre Tomi, Joutsen celui-là, sur la chanson « Hooks In The Sky »). Il aurait été surprenant de ne pas inviter son camarade d’Amorphis tant Joutsen constitue un chanteur versatile incontournable. Alors autant ne pas se priver de talents locaux que l’on a sous le coude dans son principal groupe ! Au final, toutes ces collaborations passent comme une lettre à La Poste (hors grève), sans pour autant sonner trop patchwork musical ni brouillon (superbe production sonore au passage), ni tuer dans l’œuf le nouveau projet artistique de Bjørkø. Bref, la grande classe, et idéal pour patienter cette année jusqu’au prochain disque d’Amorphis. C’est bien joué, c’est bien Tomi ! [Seigneur Fred]
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