Si le black metal compte aujourd’hui de nombreux sous-genres plus ou moins expérimentaux et progressifs, le mal a toujours autant de fidèles serviteurs. Sans pour autant retourner aux sources du genre originaire de Scandinavie, Chaînes, fait office de petit nouveau sur la scène black metal francophone et s’affranchît du folklore nordique. Les Litanies des Chaînes, premier album de ce mystérieux groupe wallon, renoue avec le pur et raw black metal satanique. Comment alors ne pas penser à leurs aînés d’Enthroned qui fut longtemps la référence du black metal au pays des frites ? Six titres évocateurs de la mort à la limite du blasphème constituent ici le dit ouvrage. Ils sont sublimés par une pochette au design torturé, mais ne sont cependant pas à mettre entre toutes les mains. Et si par malheur, ou bien heureux hasard, vous tombez sous le charme de cette nouveauté musicale, vous n’en ressortirez probablement pas indemne. À noter qu’ici, tout est interprété dans la langue de Molière.
Le premier titre (« La Frange existe dans nos cœurs ») s’ouvre sur un cri strident, se tordant de douleur dans des abysses profonds. La voix hantée par une entité maléfique insoupçonnée et insoupçonnable est accompagnée d’un jeu de double pédale efficace à la batterie. Les blast beats, plus que classiques dans genre, sont percutants et incessants, tel un assaut continu. « Que ta lumière me serve de fin » jouit ensuite d’un excellent riff plus marquant tandis que les guitares grésillent plus loin sur « De vermine et de fer ». Ce morceau puissant, n’en est que plus malsain par sa sonorité « sale » et noire à l’image d’un papier qui serait griffonné. Un tempo plus lourd et lent y fait office d’entracte et dévoile ainsi toute la pesanteur du black metal auquel cette formation belge se dévoue corps et âme. Succède « Macabre romantique », morceau marquant par son chant sorti d’outre-tombe, un titre profanateur et provocateur à souhait. « Que vos morts soient souillées jusqu’à l’os » est sans doute la meilleure piste de l’album. Viscéralement rongée par les blast beats et une voix tonitruante, une tempête de l’horreur déferle dès les premiers instants. C’est froid, c’est glacial sans aucun état d’âme et pourtant de manière paradoxale, Chaînes réussit à nous faire ressentir une oppression folle. La musique presque hallucinatoire et hallucinogène nous ferait voir des cadavres en putréfaction. On pensera au répertoire le plus ancien et old school d’Enthroned, à la différence que les paroles sont écrites en français ici. Enfin, le tout dernier morceau qui compterait triple au Scrabble si l’on y citait les noms de chansons (« Vois la lumière aveugler par centaines les yeux écarlates des hommes rampants »), adopte dans sa première partie un rythme effréné, voire infernal. Sans pour autant être essoufflé, on se retrouve pris au piège de la spirale infernale d’une guitare au riff diabolique. En somme, Chaînes signe un premier opus sombre et répugnant. À la fois passionné et dévoué, Les Litanies des chaînes s’avère être d’excellente facture et ne rendra votre hiver que plus glacial. [Louise Guillon]
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