À l’heure où l’Europe et le monde sont plongés dans une actualité des plus brûlantes, le cinquième opus de Coldcell, Age of Unreason, semble résonner comme un lointain écho à cette actualité en sonnant le glas de l’âge de la raison. Fondée en 2012, la formation helvète originaire de Bâle (suisse alémanique) nous avait plutôt séduite par son dark/black viscéral en 2021 avec The Greater Evil (Les Acteurs de l’Ombre Productions), album pour lequel nous les avions interviewés. A présent, elle rouvre le bal avec un premier titre (« Hope and Failure ») lourd et lancinant à souhait, une double pédale bien distincte et un riff sombre qui se dégage des guitares. « Hope and Failure » donne immédiatement le ton avec cette intro de 1 minute et 48 secondes parsemée de murmures sourds, caverneux, à la frontière du chamanisme. Son ambiance est sombre et pesante…
Les titres très évocateurs (« Dead to the World », « Meaningless » ou encore « Sink Our Souls ») comme sur les précédents albums, témoignent d’un désespoir profond qui ne laisse pas indifférent. Sur ses terres hostiles, Coldcell ne donne aucune chance de survie à l’humanité et c’est en cela que le metal proposé par le quintet se montre agressif et incisif aux oreilles de l’auditeur. Musicalement, la composition oscille entre poésie morbide et fureur noire. Telle une épée de Damoclès, l’ambiance doomesque nous écrase de son pas de géant sur « Dead to the World ». Des sons métalliques finissent par s’entrechoquer dans le break peu avant le solo de guitare. Ces coups de fer croisés ne sont pas sans évoquer les pas de la faucheuse venue nous ôter la vie. Tout au long de ce titre (d’une durée de 8 minutes), la mort semble se délecter d’un certain spectacle, de prendre un malin plaisir à le contempler avec délice. « Left » est encore plus manifeste de la dualité musicale de Coldcell, oscillant entre doom black metal et speed black metal. Le titre est divisé en deux parties musicalement très distinctes et offre un cocktail dans la lignée du depressive black metal (comme les vieux Forgotten Tomb). Bref, l’ambiance n’est jamais à la fête, vous l’aurez compris.
« Meaningless » se démarque par un chant clair et féminin sans pour autant être plus lumineux que les autres titres de la playlist. Sur « Sink Our Souls », on ressent tout le désespoir, la haine dans la voix torturée du chanteur nommé « S ». Ce cri de désespoir nous serre le cœur sans arracher nos oreilles, à vrai dire il s’agit là d’une prouesse vocale. « Discord » poursuit et conclut l’album tel que celui-ci s’est présenté à nous : dans une ambiance sombre, sans l’espoir d’allumer la moindre étincelle. Dans ce tunnel noir, seule la flamme noire de Coldcell guide nos pas à travers cette lugubre descente aux enfers de l’humanité. Trop peu de mots, d’oxymores et de tropes peuvent décrire ce style de black metal aux sonorités si particulières et bien éloignées du genre traditionnel de la scène extrême. Coldcell nous propose un son qui se déguste, se savoure et se ressent. Age of Unreason est une expérience auditive et sensorielle à elle seule, qui ne laisse pas indemne, pour peu que l’on soit dans un moment de fragilité. La déraison nous gagne au fur et à mesure que la playlist progresse lentement mais dangereusement. [Louise Guillon]
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