HULDER : Verses In Oath

Verses In Oath - HULDER
HULDER
Verses In Oath
Black metal
20 Buck Spin

Dans un milieu majoritairement masculin, il est rare de voir une femme sur le devant de la scène. Si la chevelure longue est souvent de mise dans la musique extrême, les barbes viennent trahir la masculinité des musiciens. Hulder est un one-woman band installé à Portland (Oregon) mais pas simplement de studio, puisqu’il a déjà effectué en tant que groupe complet (sous forme de quatuor) une tournée européenne (et une tournée américaine est d’ores et déjà prévue courant 2024). Et il compte désormais deux albums à son actif. Grâce à tout cela, Hulder s’est vite fait une place dans l’underground black metal en tant que tribu d’hommes et femme aux visages grimmés de noir et blanc.

La voix rauque de sa multi-instrumentiste surprendra les néophytes, sortant tout droit du fin fond d’une caverne, mais attention, elle sait tout autant chanter en voix claire comme les chœurs qu’elle assure avec brio sur la chanson « Hearken the End », premier single de ce second méfait intitulé Verses In Oath ! Alors prenez garde si vous n’avez jamais écouté Hulder car la surprise et l’étonnement seront sûrement de mise ! Marz, alias « The Inquisitor », renoue ici avec un black metal atmosphérique traditionnel scandinave tout en venant briser en même temps ces codes. Du frais et du old school en quelque sorte, mais avec une réelle atmosphère personnelle.

Rien de classique donc sur Verses in Oath, mais un black metal orthodoxe efficace et onirique qui n’a rien à envier à de grands noms de Portland city (comme par exemple Uada) ! Ça tambourine furieusement sans être glacial (« Boughs Ablaze »), rappelant au passage un son darkthronesque. Cette légère teinte de brutalité n’est cependant pas aussi prononcée que sur l’album précédent (premier du nom) Godslastering: Hymns of a Forlorn Peasantry aux accents pagan. Toujours dans un respect du genre, Hulder rend un bel hommage aux pionniers scandinaves (Darkthrone, Emperor, Diabolical Masquerade, Arckanum, Troll…) par ses emprunts musicaux. Rien n’est violent ou agressif (comme cela peut être le cas pour Tsjuder par exemple) mais tout est très passionné et poétique ici. Les moments acoustiques qui accompagnent de mystiques rêveries sont à l’image d’un ruisseau qui coule au cœur d’une forêt enchantée (« Boughs Ablaze ») ou les grands corbeaux de l’Amérique du nord (l’intro « An Elegy » ouvrant l’album). L’emploi de synthés participe activement à cet onirisme cauchemardesque (« Boughs Ablaze », « Hearken the End ») ainsi que le chant lyrique qui retentit au loin comme un appel venu de la nature (« Hearken the End »). Le timbre de voix très particulier de Marz qui semble hanter chaque morceau est l’unique touche de noirceur venant entacher une neige blanche encore vierge. Loin d’être symphonique ou purement mélodique (malgré trois plages instrumentales : « An Elegy », « Lamentation », « An Offering »), le black metal du combo américain est avant tout empreint de romantisme au sens artistique du terme (romantisme pictural et littéraire allemand). On ressent aussi cela à la vue des photos de l’artiste, entre paganisme et romantisme en quelque sorte. Et la frontwoman propose un black metal mystique et personnel dans lequel elle injecte une fureur instinctive (notamment dans la voix).

Verses in Oath est à la fois animal, instinctif, et en même temps poétique, à la frontière de la mélancolie. Le titre éponyme, plus viscéral que ses camarades tout en gardant sa touche symphonique, redonne un coup de fouet brutal à l’ensemble du disque. S’ensuivent deux pistes instrumentales et atmosphériques à l’ambiance parfois très religieuse (« An Offering »). Ces morceaux nous emmènent dans la lumière, la douceur de sa chaleur avant d’enchaîner à nouveau sur un son black froid et humide (« Cast Into the Well of Remembrance »). L’album se poursuit donc dans la moiteur d’une nuit moyenâgeuse avec une seconde partie classique mais de bonne facture. Seul le morceau « Enchanted Steel » tire alors vraiment son épingle du jeu. Verses in Oath est avant tout évocateur d’images et de sensations, et ce, bien plus que certaines productions black metal récentes et parfois sans relief, uniquement empreintes de nostalgie. En cela, la musique de Hulder se veut assez originale, sensible et métaphorique à l’image d’un tableau qui nous happe inlassablement. [Louise Guillon]

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