Si les prestations musclées de nos amis brésiliens mettent généralement tout le monde KO dans le pit, sur disque c’est une autre paire de manche ces dernières temps pour Krisiun. Ayant fait le choix d’apporter plus de diversité musicale (notamment rythmique) à son Brutal Death sur le précédent album Forged In Fury, le trio sud-américain publie à présent Scourge Of The Enthroned, un onzième effort comparable et tout aussi percutant. [Entretien avec Max Kolesne Camargo (batterie) – Par Seigneur Fred]
Petit aparté sportif en préambule si tu veux bien : en tant que brésilien, as-tu suivi la Coupe de Monde de football en Russie et ton équipe nationale menée par Neymar en juillet ? As-tu quelques mots à dire sur la victoire de la France ? (sourires)
Oui, j’ai suivi cela, j’adore le foot ! Et je pense que la Coupe du Monde est un évènement incroyable où les gens du monde entier se rassemblent, où les gens sont ici pour prendre du bon temps et se faire des amis venant de pays différents et de cultures différentes et célèbrent ainsi la vie, c’est une fête géante ! Le Brésil n’a pas joué si mal… On a de bons joueurs mais la France possède assurément les meilleurs. Ce sont des athlètes plus forts et rapides. Quant à la performance de Neymar, elle fut mauvaise… Il a de bonnes capacités techniques mais il tombe tout le temps et essaie aussi de simuler des fautes à tous les coups… Le visage du foot a changé, une bonne équipe a besoin de stratégie et de joueurs solides et rapides, il n’y a plus la place sur le terrain pour une attitude de Rock Star… (rires)
La dernière fois que j’ai pu vous voir en live était au festival Motocultor en 2015 juste au moment de la sortie de votre précédent album Forged In Fury. Vous aviez d’ailleurs joué des nouveaux morceaux, quel show puissant et intense ! Quel souvenir en gardes-tu et comment vous préparez-vous physiquement avant d’entrer en scène pour un festival ? Différemment d’un concert traditionnel en club ?
On adore la France et notamment le Festival Motocultor ! Les gens là-bas sont fous et ils adorent le putain de Death Metal ! A chaque fois que l’on y joue, il y a tant de plaisir et de Métal partout que l’on aime ça ! Pour moi, jouer dans un festival ou dans une salle en intérieur, ça ne change pas grand-chose. Je reste focalisé sur mon jeu et ma performance, et j’essaie de prendre le plus de plaisir possible sur scène. Tu sais, jouer du Death Metal est très physique et demande beaucoup de concentration, mais la chose la plus importante est d’y prendre du plaisir et s’assurer que nos fans reçoivent le show le plus brutal possible.
En parlant de concert, peux-tu nous donner quelques précisions sur l’album live Krisiun No Estúdio Showlivre (Ao Vivo) paru uniquement sur iTunes en 2016 ? S’agit-il d’un live officiel du groupe ? Avez-vous pour projet de sortir un DVD/Blu-ray live d’une de vos récentes prestations car vos shows sont si Heavy tel un bulldozer !
Non, ce n’est pas proprement dit un album live. Estúdio showlivre est un spectacle à la télé en ligne où des groupes se produisent live. La vidéo live est disponible sur iTunes. Mais oui, nous avons un projet pour sortir quelque chose live bientôt, soit un album live et/ou un DVD. Merci du compliment pour le bulldozer ! (rires)
Votre précédent album Forged In Fury était plus expérimental et groovy que d’accoutumée, or ce nouvel album Scourge Of The Enthroned pourrait être défini comme un mélange de Conquerors Of Armageddon (2000) pour son côté massif et intense, et de Forged In Fury justement de par son groove et sa diversité. Es-tu de cet avis ? Quelques mois à peine après son enregistrement, comment le définirais-tu ?
Oui, je suis totalement d’accord. Alors que Forged In Fury avait une approche plus groovy, c’est sûr, avec plus de diversité notamment rythmique entre les passages plus lents et ceux plus rapides, Scourge Of The Enthroned renvoie d’une certaine manière à un retour en arrière à nos albums racines. Nous avions faim et étions impatients d’écrire de nouvelles compositions vraiment intenses et rapides, ce qui à mon sens est la marque de fabrique de Krisiun : sauvage, brutal et aussi rapide que possible. Mais il y a toujours de nouveaux éléments ici ou là, comme tu le disais, c’est donc un mélange de vieux et de nouvelles choses.
Où avez-vous enregistré ce nouvel album et avec quel producteur : avec Erik Rutan ou bien Andy Classen ou alors en duo avec ces deux fameux producteurs de la scène Métal ?
Scourge Of The Enthroned a été enregistré aux Studios Stage One en Allemagne avec/chez le producteur et ingénieur du son Andy Classen… Cela en fait le cinquième album studio que nous enregistrons avec lui…
Comment est-ce de travailler avec à la fois Andy Classen et Erik Rutan ou tantôt juste l’un d’entre eux ?
Tous deux sont à la fois de très grands producteurs, très professionnels et aussi exigeants, mais nous nous préparons très bien en amont afin d’être sûrs de délivrer une bonne performance durant les sessions d’enregistrement en studio. Nous nous entraînons énormément avant cela, tu n’imagines pas, et on peut donc rendre cela vrai, très naturel, parfois en une prise, comme si l’on jouait en live, sans utiliser de manipulations en studio pour cacher des choses et tricher, comme malheureusement de nombreux groupes font de nos jours, sonnant de manière stérile et artificiel sur leurs albums…
Ce n’est pas la première fois me semble-t-il que vous fonctionnez avec les deux simultanément même si là en l’occurrence ce ne fut pas le cas sur Scourge Of The Enthroned ? Erik Rutan avait collaboré par exemple sur Conquerors Of Armageddon en se partageant le travail avec Andy Classen en Europe à l’époque en 2000…
Non, c’était en effet la seconde fois sur l’album Forged In Fury que l’on travaillait ensemble avec eux deux, mais c’était alors la première fois que l’on allait enregistrer dans les propres studios d’Erik Rutan (Mana Studios) en Floride aux Etats-Unis. En 1999, on avait été enregistré en Europe chez Andy Classen. On avait alors eu la chance de travailler chez Andy. Sur Forged In Fury, on avait besoin de changement dans notre approche sonore tout en restant fidèle à l’identité de Krisiun. On connaît bien Erik depuis longtemps, et c’est un type très respecté dans la scène Death Metal. Il est dévoué et très professionnel dans ce qu’il fait. Il est passionné comme nous. On voulait quelque chose alors de nouveau, plus naturel.
Penchons-nous à présent si tu veux bien sur les paroles de Scourge Of The Enthroned : de quoi traitent-elles au juste ? Quels sont les principaux thèmes évoqués ? Cela semble en lien avec l’ancienne mythologie sumérienne de l’ancienne Babylone dans l’Antiquité à la vue du magnifique artwork d’Eliran Kantor (Loudblast, Hatebreed, Testament…). Un lien se dessine entre le passé et le monde actuel, à travers toutes les effusions de sang, les guerres, les préjugés, la souffrance, la tyrannie, les faux leaders et les idoles… et tant de choses récurrentes dans les époques qui se passent en ce moment… partout…
Depuis que nous sommes jeunes, nous nous sommes toujours interrogés sur toutes ces fausses doctrines religieuses qui furent créées afin de mieux contrôler et asservir les peuples et emporter avec leur liberté, comme les politiques aujourd’hui… Les gens croient qu’ils doivent suivre une sorte d’idole religieuse ou un leader politique pour pouvoir exister. Ils pensent que ces imposteurs vont les aider, mais c’est tout le contraire. Ces derniers veulent juste les contrôler et prendre leur liberté en leur faisant croire que les autres, les étrangers, les gens différents d’eux culturellement, religieusement ou politiquement sont leurs ennemis, et ils doivent donc les combattre pour défendre leur croyance, leur pays, et s’entretuent donc entre eux… alors qu’ils sont simplement manipulés par ces faux leaders tyranniques qui les conduisent dans des guerres dénuées de sens où de jeunes meurent aveuglément, les faisant haïr les autres peuples qui parce qu’ils n’ont pas la même croyance ou la même ethnie. Voilà, donc c’est pourquoi nous tentons à partir de notre propre expérience et savoir et ce que nous avons lu sur les mythes sumériens qui prennent plus de sens que ces fantaisies à propos d’un dieu finalement créé par les Hommes… En fin de compte, nous ne sommes sûrs de rien, on essaie juste de vie nos propres vies avec dignité, avoir une conduite décente et prôner le respect de l’individu et la liberté d’autrui dans notre société aveugle et corrompue afin de choisir qui nous sommes et penser par soi-même. Et l’artiste Eliran Kantor a en effet fait un incroyable travail, un réel chef d’œuvre pour notre artwork.
Scourge Of The Enthroned est intense mais très court : seulement huit chansons pour trente-huit minutes ! Vous préférez privilégier l’intensité dans les morceaux et la qualité plutôt que le remplissage et la quantité ?
Hé bien, nos deux précédents albums étaient très longs, cette fois nous avons ressenti le besoin d’écrire de manière plus consiste, avec des chansons rapides et courtes, directes, comme un coup de poing « in your face ». The Great Execution par exemple, est un album long, et comporte un côté épique dans son atmosphère, les chansons ayant été créées naturellement ainsi, de manière plus longue. A présent, Scourge Of The Enthroned est toujours brutal et rapide, mais avec plus de variété dans la structure des morceaux, dans les mélodies et les rythmes. Et oui, la qualité prévaut sur la quantité. Nous voulons pouvoir jouer chaque titre de chanson du nouvel album live… Nous voulons que chaque chanson de l’album soit considérée par les fans comme un véritable coup de poing.
Je sais que vous êtes fans de Slayer (qui ne l’est pas dans le Métal ?). Et on retrouve ce côté urgent et intense sur votre nouvel album rappelant un classique du Thrash : Reign In Blood de Slayer (1986). Il n’y aucune note inutile ou superflue, ni remplissage, vous allez juste à l’essentiel…
Ouah, merci beaucoup pour ces jolis mots. Cela nous donne totalement de l’inspiration pour continuer en ce sens. Bien sûr nous sommes tous de gros fans de Slayer. Je n’oserai cependant jamais nos disques à ceux de Slayer… Mais bon… Krisiun, en tant que groupe, et à travers ce nouvel album, est très inspiré par l’approche brutale, implacable et directe des classiques de Slayer. Nous sommes old school mais avec une approche Brutal Death Metal, pas seulement dans la musique, mais sur la manière aussi d’enregistrer les albums, sans utiliser d’artifices ou de faux procédés. Nos prestations live en témoignent : elles sont bel et bien réelles et naturelles, comme les groupes avaient l’habitude de le faire dans le passé.
Sur la troisième chanson « Devouring Faith », la mélodie du riff final avant le solo final justement de guitare rappelle le principal riff du célèbre refrain de « Refuse/Resist » de vos confrères de Sepultura. Est-ce là un clin d’œil à Sepultura ou un lien peut-être que vous entretenez avec eux ? Ou bien une simple coïncidence musicale ? Êtes-vous d’ailleurs proches des gars de Sepultura : Andreas, Paulo, Derrick ?
Oui, nous avons toujours eu d’énormes inspirations de Sepultura, depuis les albums Morbid Visions, Schizophrenia, Beneath The Remains, Arise, etc. Tous des classiques, bien sûr ! Et nous sommes bons amis avec eux, à chaque fois que l’on se voit, c’est toujours un superbe moment et beaucoup de plaisir. On parle de foot, de Métal et on boit des bières ! (rires)
Cependant, c’est bel et bien l’influence de Slayer qui prédomine sur Scourge Of The Enthroned, notamment sur les introductions des deux premiers morceaux de l’album ou bien encore une fois la chanson « Devouring Faith » qui contient un solo en shredding comme le guitariste Kerry King affecte tant… Êtes-vous conscients de cette influence sous-jacente de Slayer dans votre musique ? Assumez-vous cet héritage qui ferait presque de vous les Slayer du Death Metal actuel ? (rires)
Ha ha ha ! (rires) Encore une fois, merci pour la comparaison avec Slayer… Et bien sûr que nous sommes conscients de cette grande influence chez nous ! Slayer est dans notre ADN, Krisiun est né à partir du Métal old-school des années 80 avec Slayer donc, mais aussi Possessed, Destruction, Sodom, Morbid Angel, Sepultura à la fin des années 80 dont on parlait à l’instant, et tous les autres classiques du genre. Nous jouons du Brutal Death Metal, certes, mais avec cette approche old school. De toute façon, nous sommes très fiers d’être comparés à ces groupes dont Slayer donc, et on conservera toujours l’esprit old school vivant dans notre musique !
Enfin, pour conclure à propos de Slayer, que penses-tu du départ en retraite de la bande à Kerry King et Tom Araya cette année, départ prolongé par une ultime tournée jusqu’à l’an prochain ? Es-tu triste en tant que fan mais aussi musicien ?
Hé bien, c’est vraiment dommage… Slayer devrait continuer encore pendant au moins une dizaine d’années, voire plus… Nous avons besoin d’eux, on a besoin d’une tête d’affiche comme Slayer pour représenter le vrai Metal… Les groupes plus anciens tels que Black Sabbath, Judas Priest viennent de tirer leur révérence ou vont le faire sous peu, alors Slayer devrait continuer à nous représenter encore un peu, à représenter l’esprit du Métal auprès des publics si nombreux en plus… C’est toujours triste de voir disparaître un géant surtout Slayer… Mais je les vois bien revenir dans un futur proche… Avec le maître numéro un à la batterie : Dave Lombardo.
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