LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL : Une bouffée d’air frais

Les Français de Los Disidentes del Sucio Motel n’ont cessé de faire évoluer leur style, allant du rock stoner avec une touche de groove américain au metal plus brut en passant par diverses expérimentations saturées. C’est une bouffée d’air frais que nos Frenchies nous offrent à présent avec leur EP de reprises acoustiques intitulé sobrement Breath. [Entretien avec Nicolas Foucaud (chant/guitare) par Marie Gazal – Photos : DR]

LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL

Avec votre nouvel EP acoustique, quel chapitre ouvre-t-il à présent pour Los Disidentes del Sucio Motel selon vous ?
Un chapitre, c’est un grand mot. C’est une respiration, d’où le titre, Breath. C’est un petit kiff qu’on s’est offert entre nous. Ça fait très longtemps qu’on avait ce projet en tête et on n’a jamais trouvé le bon moment dans notre planning pour se lancer dans ce genre de truc. À un moment, on s’est retrouvé entre deux albums. On était très contents de ce qu’on avait réussi à faire sur Polaris. Avant de se relancer dans un nouvel album, comme on est assez lents pour composer et on aime bien prendre notre temps, c’est pour ça qu’on sort toujours un EP, une reprise, un petit quelque chose entre deux albums. C’est donc un chapitre à part.

Était-ce une volonté de se mettre à nu comme le suggère la pochette du disque ?
C’est une petite fille en maillot de bain. Il s’agit de la fille de Katia, notre bassiste. C’est une photo qu’elle a prise cet été sur le petit étang près de chez eux dans lequel ils passent du temps en famille pour se rafraichir. Elle a capté cet instant incroyable. La photo n’est pas retouchée du tout, il n’y a pas d’IA pour enlever des gens. Elle était vraiment seule à sortir de l’eau comme ça. Elle a pris cet instantané avec cette symétrie presque parfaite. Quand elle nous a envoyé cette photo, on a tous été sidérés. On a cherché pendant un moment des concepts de pochette. L’idée c’était de reproduire cette image avec nous sortant de l’eau. Nous les avons finalement gardées pour les photos promotionnelles de presse. Mais à force de se creuser la tête, j’ai dit que la pochette, on l’avait déjà sous nos yeux en fait, qu’on n’avait plus besoin de se creuser la tête. Et le fait qu’elle soit une enfant du groupe, qu’il y ait ce côté petite sirène qui reprend son souffle en sortant de l’eau, c’était un instantané parfait. Ça collait avec la mise à nu, le côté très nature de l’exercice de l’acoustique. Le rapprochement aux matériaux, au bois, à la nature. Tout prenait sens quand on mettait cette photo-là en face de la musique.

Comment avez-vous choisi les morceaux à (re)travailler de manière acoustique ?
Ce n’est pas facile. Déjà il faut que le morceau soit adaptable. Il y a certains riffs de guitare que tu peux toujours jouer sur une guitare acoustique, ça fonctionnera, mais il faut que ça ait du sens, que ça apporte quelque chose. Il faut des morceaux qui s’adaptent avec une vraie réécriture. Il fallait aussi des morceaux ayant des ambiances différentes pour ne pas avoir l’impression de se répéter et d’écouter six fois la même chose. (rires) Dans le travail d’arrangement ensuite, la base est toujours la même : guitare acoustique, batterie et violoncelle. Et on a rajouté du piano, un lap steel, une guitare douze cordes, et enfin un gros travail vocal, qui est notre marque de fabrique. Et ce travail vocal acoustique, c’est encore une autre approche là encore. On s’est permis de réécrire des harmonies et des mélodies différentes des originales parce qu’on trouvait ça plus adapté à l’acoustique, plus raffiné.

Qu’est-ce qui t’a semblé le plus difficile dans l’adaptation acoustique de ces morceaux en fin de compte ?
Celui qui était le plus mystérieux, que je ne savais pas comment aborder, c’était le morceau « From 66 to 51 » de notre tout premier album qui était très rock/stoner désertique. On l’avait remis dans le set électrique depuis quelques temps parce qu’on avait envie de la rejouer. Mes copains me disaient que ce serait super qu’on en fasse une version acoustique. Et je me demandais comment on allait faire pour l’adapter ! À force de chercher, de jouer sur les accordages, on est tombé sur cette version qui nous semblait bien et qui lui donne un côté folk. Pour ma part, ce qui était le plus difficile dans l’exercice de cet EP, c’est le mixage car c’était la première fois que je mixe. C’est moi qui ai mixé cet album, or ce n’est pas du tout mon métier ! Je pratique la musique assistée par ordinateur depuis le confinement parce que le fait d’être enfermé à la maison pousse à essayer des choses, à tirer du positif à partir du négatif. Je m’y suis mis et j’y ai tiré vachement de plaisir. J’ai bossé sur quelques morceaux avec Poun (le chanteur de Black Bomb A), on a produit quelques maquettes. Tout le monde m’a alors dit : « Mais le mix, pourquoi tu ne le ferais pas toi ? On aime ce que tu fais, ça nous plait et au moins on est sûr que le résultat sera conforme à nos attentes ! » J’ai sûrement mis deux fois plus de temps qu’un vrai ingé son qui aurait fait ça en quelques jours, c’est sûr, moi il m’a fallu des semaines. Mais on est fier du résultat et on a réussi à trouver ce côté très intimiste.

Tu n’as pas eu l’impression de redécouvrir certains morceaux ? Parce que tu devais les réécouter, les décortiquer…
Si, complètement. Je crois même que le morceau « Z », j’en préfère au final la version acoustique ! (rires) Forcément, tu redécouvres les vieux morceaux. Ceux de Polaris, je les avais encore en tête. Mais « Z » et « From 66 to 51 » évoqué tout à l’heure, ils ont quinze ou vingt ans d’âge, ça te replonge dans le passé. Se les réapproprier en version acoustique leur donne vraiment une seconde vie. Il y a certains trucs pour lesquels je me disais : « Ah tiens, j’avais écrit ça à l’époque ? C’est pas mal ! ». Tu te surprends même un peu ! On avait une vingtaine d’années quand on a composé « From 66 », on était donc très jeune. Et aujourd’hui, on en a quarante… Reprendre la guitare et enchainer ces accords, ça donne un effet surprise.

C’est un bel hommage à votre discographie dans tous les cas. Vous avez d’ailleurs tourné un clip pour une des chansons, en haut d’un immeuble à Strasbourg. Vous pouvez nous en dire plus ?
On a travaillé sur un clip pour « Blood-Planet Child » en version acoustique. Comme c’est devenu un morceau assez emblématique de notre discographie, la version acoustique nous plaisait énormément, c’était une version « clipable » assez facilement parce qu’elle n’est pas très longue, elle a une structure simple donc pour un réalisateur, c’est génial. Justement ce réalisateur, Germain Lalot, c’est un copain de Greg, notre batteur. Il a motivé une équipe de tournage, beaucoup d’étudiants à qui ça donnait des projets de fin d’études de cinéma. C’était un projet collectif qui a apporté beaucoup de kiff à tout le monde sous différents aspects. Le clip a été tourné dans trois lieux différents. On l’a enregistré dans le sens inverse, non chronologique, en plusieurs fois. L’idée c’était d’avoir une progression dans le clip pour montrer la respiration, en allant chercher de l’air de plus en plus haut sur le toit d’un immeuble de Strasbourg. Ça a été une galère sans nom pour avoir une autorisation de tournage. Cet EP couvre les quatre saisons, la photo a été prise l’été, les photos de presse ont été faites au printemps et le clip a été tourné en partie à l’automne et en hiver. Ça sort courant janvier 2024.

Au fait, j’ai toujours cette curiosité par rapport au nom du groupe. D’où ça vient Los Disidentes Del Sucio Motel ?
Il faut savoir qu’on était tous dans des groupes différents. On était mélangés. On se connaissait tous, mais sans travailler ensemble. Tous nos groupes se sont arrêtés au même moment. On a monté un groupe récréatif, de stoner/rock qui n’était pas très populaire à ce moment-là. J’avais l’impression d’être le seul en France à écouter ça il y a vingt ans ! (rires) Et un jour, la mère du bassiste de l’époque le voit partir en répèt’, lui demande où il va et lui dit : « Ah oui, les dissidents ! » parce qu’on était les dissidents de nos propres groupes. Il nous a raconté ça en arrivant en répétitions, à l’époque on cherchait un nom, on s’est dit que c’était rigolo. Mais trop simple. Il fallait quelque chose qui rappelle l’imagerie du Nouveau Mexique, les origines du stoner rock, Tarantino, etc. Il fallait des motels, mais des motels pourris. À cette époque-là, je voulais un nom de groupe très long parce que ce n’était pas du tout à la mode à l’époque et en plus il n’avait pas vocation à durer. Ça a donné Los Disidentes del Sucio Motel, les « Dissidents de l’Hôtel Pourri ». Et c’est resté ! Voilà.

Avez-vous des projets d’adaptation live de ces morceaux pour un set acoustique ?
On a déjà fait des concerts acoustiques, mais là on est en train de réfléchir à un projet type concert happening. On a un pote qui est directeur d’une chorale rock. Il réadapte régulièrement des albums culte de Queen, Dark Side of the Moon de Pinkk Floyd… Avec batterie et piano ! Au piano, c’était Katia (Jacob), notre bassiste, et à la batterie Grégoire Galichet, son chéri qui est aussi notre ingé son. On se connait tous. On y est allé en tant que spectateurs et c’était grandiose. À la sortie, Katia a demandé au directeur de faire ça avec nous, les dissidents, et il serait chaud, donc on se demande si on ne pourrait pas faire un set acoustique avec une dizaine ou vingtaine de choristes derrière ! Nous qui adorons le travail des voix ! C’est un beau projet, en travaux pour 2024.

Publicité

Publicité