Après quelques escapades de ses différents membres dans des side-projects tels que Killer Be Killed, Gone is Gone ou encore Giraffe Tongue Orchestra, les Américains de Mastodon sont bel et bien de retour, avec un Emperor of Sand des plus sombres. La faute à des évènements qui le sont tout autant dans la vie personnelle du groupe…
[Entretien avec Bill Kelliher (guitare, choeurs) par Philippe Jawor – philippe@metalobs.com]
Il y a trois ans, Once More Round The Sun était décrit comme une évolution majeure de votre son. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que cet Emperor of Sand est une évolution de plus ; y a-t-il chez vous un besoin constant d’avancer ?
Le groupe en lui-même ne cesse jamais d’évoluer ; on ne peut pas s’en empêcher, en fait. Le truc bien, dans Mastodon, c’est que tout le monde participe à l’écriture des morceaux et du coup, il y a tout le temps des idées différentes qui émergent. Pour cet album, c’est moi qui ai écrit une majorité de choses, et forcément ça reflète là où j’en étais musicalement à ce moment-là. En fait, j’ai construit un studio dans mon sous-sol, et ça nous a vraiment aidés à faire évoluer notre son : il n’y avait rien pour nous retenir, nous étions à la maison, plus concentrés sur notre écriture, et nous avons ainsi pu révéler tout le potentiel de chaque chanson.
Quelles ont été vos inspirations, pour cet album ? J’ai cru comprendre que le thème principal de ce disque était la lutte contre le cancer, une maladie qui a frappé plusieurs personnes de votre entourage ?
Des personnes très proches ont été touchées par cette maladie : des amis, des épouses… Nous avons dû annuler des tournées, nous ne savions pas ce que le futur nous réservait… C’est vraiment une maladie grave, et chacun peut s’identifier à ça ; tout le monde a été confronté, de près ou de plus loin, au cancer. C’était déjà un thème auquel nous pensions, mais ça nous a touchés directement, c’est devenu personnel : quand j’ai commencé à écrire, ma mère a fait une attaque, et les médecins ont découvert qu’elle avait une tumeur au cerveau. C’était complètement inattendu. Je faisais des allers-retours entre Atlanta et New York pour lui rendre visite, j’essayais de m’occuper d’elle, mais ça allait de plus en plus mal… Pendant ce temps, pourtant, je continuais d’écrire, quasiment tous les jours. Puis la mère de notre batteur Brann (Dailor) est tombée malade aussi. Alors le matin, on prenait notre café ensemble, on prenait des nouvelles de nos mères respectives, on parlait de la maladie, et puis on allait au studio pour écrire de plus belle. Avec ce que nous vivions, nous avions la tête remplie d’images, de métaphores ; nos fans ont un attachement très profond envers notre musique, et je pense qu’ils attendaient de pouvoir s’identifier, avec ce nouvel album, à une situation qu’ils ont pu vivre. Crack the skye était un disque très émouvant, et je pense que celui-ci est assez similaire en ce sens. Musicalement, il est totalement différent, mais le message est le même. Il est plus personnel : il décrit ce qui se passe quand on t’annonce cette espèce de peine de mort qu’est le cancer, quand on te dit qu’il ne te reste plus que six mois à vivre. Le temps file, qu’est-ce que tu vas faire ?
Est-ce pour cette similarité avec Crack the skye que vous avez choisi de travailler à nouveau avec Brendan O’Brien ?
On savait que Brendan était bon, il savait ce qu’on voulait à l’époque de Crack the Skye, et les planètes se sont alignées pour cet album. Je pense que tout arrive pour une raison, et revenir à Brendan était parfait : le timing était parfait, il est originaire du coin, il a un studio pas loin de chez nous qui nous permettait de rester près de nos familles, et il a su tirer le meilleur de chacun de nous. Brendan est très spontané quand il s’agit d’enregistrer notre groupe : il se fout de jouer cent fois la même partie de guitare pour avoir la performance parfaite, il veut seulement que ça sonne bien, frais. C’est lui qui crée la troisième dimension à notre musique, en ajoutant des claviers, des ambiances…
Ne penses-tu pas que la stabilité du groupe est aussi un gage de son succès ?
Certainement. Honnêtement, Mastodon, c’est ma vie, un groupe pour lequel j’ai bossé très dur pendant près de 17 ans, pour lequel je bosse quotidiennement. On fait des pauses les uns des autres, parfois, mais Mastodon reste notre groupe principal, et on est tous sur la même longueur d’ondes : personne ne part. C’est une règle qu’on a établie il y a des années, en fait : personne ne part, ou alors tout le monde part, et on arrête le groupe.
Justement, en parlant de ces pauses, j’imagine que tu as jeté quelques oreilles aux side-projects de tes petits camarades (Killer Be Killed, Gone is Gone, Giraffe Tongue Orchestra…) ; ça ne t’a pas donné envie de faire ton propre projet musical ?
J’ai eu Primate il y a quelques années, avec Kevin Sharp, on a tourné un peu, mais je suis quelqu’un de très occupé, je suis très pris par Mastodon, et du coup j’ai du mal à me concentrer sur autre chose. Mais comme tu en parles, Kevin Sharp, Eric Burke, Shane Embury et moi nous sommes retrouvés dans mon studio il y a quelques semaines, où nous avons enregistré quelque chose comme deux heures de musique… pour un disque ! Ce n’est rien de concret, nous n’avons aucune deadline, aucune pression, c’est simplement quelque chose que nous voulions faire depuis un petit bout de temps, différent de Primate. Tout le monde était sur la même longueur d’ondes, c’était cool, et on a sorti deux bonnes heures de riffs. Maintenant je regarde ça tranquillement, la nuit, j’en fais un vague mix, et j’envoie ça aux autres pour savoir si on doit changer quelque chose. Ça suit son cours, très tranquillement ; on s’amuse !
Autre chose que tu as faite pour t’amuser : tu es apparu dans la série Game of Thrones ! Dis-nous quelques mots à propos de cette expérience ; est-ce une autre carrière que tu verrais bien embrasser ?
Game of Thrones, c’est une série tellement géniale ! J’en aime vraiment chaque aspect, chaque épisode, et je suis vraiment fier d’avoir été choisi pour y être figurant. J’adore jouer, être dans des films, c’est juste une autre forme d’art, mais je ne pense pas être capable d’abandonner la musique pour la comédie ; rester huit heures sur un plateau pour tourner 30 secondes d’une scène, c’est vraiment difficile.
Vous serez en France pour le Download Festival en juin, mais peut-on espérer quelques dates de tournée dans l’hexagone, peut-être en 2018 ?
Nous l’espérons, bien sûr ! Nous adorons jouer en France, les festivals c’est sympa, mais je préfère des concerts plus intimistes, dans des petites salles.
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