Quand on évoque le deathcore en provenance d’outre-Rhin, on pense spontanément à Heaven Shall Burn, même si ce dernier évolue plus dans un metalcore de nos jours, mais plus rarement à Mental Cruelty. Pourtant, ce groupe allemand commence à connaître un joli succès international depuis sa signature chez Unique Leader Rec. Deux mots pourraient décrire leur troisième galette A Hill To Die Upon : brutal, et symphonique. Quant à l’atmosphère, ajoutez-y une forêt allemande bien sombre, et voilà le tableau ! [Entretien avec Marvin Kessler (guitariste et compositeur) par Seigneur Fred – Photos : DR]
Dans le passé, l’Allemagne était généralement célèbre pour les groupes Heavy, Speed et Thrash pendant longtemps et encore de nos jours (Helloween, Gama Ray, Blind Guardian, Kreator, Sodom, Destruction, Tankard, etc.) mais le temps a changé peut-être parce qu’un beaucoup de groupes de Black Metal ou Hardcore, ou (Death) Metalcore ont émergé comme vous depuis une ou deux décennies … Quelle est l’évolution de la musique Deathcore que vous jouez selon vous maintenant? Quelle est la force de cette scène musicale (Deathcore) dont tu fais partie ?
À l’âge de quinze ans, j’ai écrit mes premières chansons deathcore, je suppose que c’était un peu le style que nous considérons aujourd’hui comme tel. Des groupes comme All Shall Perish et As Blood Runs Black ont été les plus grandes inspirations pour moi à l’époque. J’aime beaucoup le son old school aussi, mais je suis très content de l’évolution du deathcore, j’ai l’impression qu’il devient de plus en plus extrême, plus progressif et plus lourd. À mon avis, le metal deathcore s’améliore de plus en plus à mesure qu’il évolue.
Comment as-tu commencé à t’intéresser plus particulièrement à ce genre de musique qu’est le deathcore ? Es-tu fan de formations telles qu’All Shall Perish (USA), en arrêt pour le moment, ou plutôt Heaven Shall Burn venant d’Allemagne comme Mental Cruelty ?
Comme je l’ai déjà mentionné, des groupes comme All Shall Perish ainsi que des groupes comme Heaven Shall Burn ont été de grandes influences pour moi et mes débuts dans l’écriture de chansons orientées deathcore.
Inferis fut votre second album, mais le premier à paraître sur Unique Leader Records. Qu’est-ce que cela a changé pour vous depuis 2019 ? Êtes-vous totalement satisfaits de ce précédent disque car je n’ai pas lu de très bonnes critiques à ce sujet en général ? Quelle est ton opinion à ce sujet, deux ans plus tard ?
Je dirais qu’Inferis était un album deathcore fort et solide pour l’époque. Cet album nous a ouvert les portes d’une tournée en Amérique du Nord aux USA et Canada, et en Europe aussi en compagnie de groupes comme Rings Of Saturn, Signs Of The Swarm, The Acacia Strain, etc.
Personnellement mais aussi artistiquement, comment vivez-vous cette crise sanitaire que nous vivons tous à cause de cette pandémie liée à la Covid-19 ? Répétez-vous, composez-vous et enregistrez-vous beaucoup de musique en jouant à la maison encore et encore pour être fin prêts lorsque les spectacles seront autorisés en Allemagne et dans le reste du monde ou faites-vous autre chose pour tuer le temps ? Et quel est votre avis sur le fait de jouer devant une petite foule assise comme en France où cela a été proposé par exemple car pour la musique Metal ou Hardcore, c’est plutôt mission impossible, non ?!
Eh bien, toute la situation actuelle est foutue et ça reste flou… J’adorerais jouer à nouveau en live devant de grandes foules, surtout avec le nouvel album qui sort cette année. La seule chose que nous pouvons faire est de s’entraîner à la maison pour être prêt à jouer dès que tout rouvrira. En plus de m’entraîner, je travaille pour une société de développement de produits biotechnologiques et j’ai aussi une énorme collection de Lego pour tuer le temps ! (rires). Pour être franc, je n’aime pas le concept de faire des concerts devant un public assis, surtout dans ce genre de musique…
Alors, parlons maintenant de votre nouvel album, A Hill To Die Upon, qui n’est ni une idée très optimiste ni une invitation joyeuse à la lecture de ce titre… (rires) Alors, peux-tu nous dire pourquoi ce choix de titre pour ce troisième album très mature mais aussi probablement le plus sombre de votre discographie ?
La décision du titre d’un disque est toujours une chose difficile. On a en fait choisi ce nom à la fin, après que tout le reste de l’album ait été fait. Nous avons pensé à quelque chose comme la colline où Jésus a été crucifié (la colline du Golgotha), mais d’un autre côté, on a senti que cela devrait inclure aussi quelque chose de froid, comme une forêt, comme pour s’adapter à l’ensemble de notre concept ici ainsi qu’à l’artwork pour ce disque.
À propos de votre premier single (vidéo) intitulé « Ultima Hypocrita », j’ai appris que son idée était née d’un souvenir personnel de l’un d’entre vous en Norvège. Était-ce lors de vacances personnelles ou lors de la dernière tournée en Europe juste avant la contamination par le virus Covid-19 ? Pourriez-vous expliquer le concept lyrique et vidéo ? Comment est née cette chanson et de quoi parlent ses paroles ?
Oui, malheureusement, nous n’avons jamais eu la chance de vraiment visiter les pays scandinaves… L’an dernier, notre deuxième guitariste et moi-même avons décidé de faire un court séjour en Norvège pour trouver cette ambiance black metal et comprendre pourquoi le black metal norvégien sonne si sombre et dépressif. On avait une petite cabane au milieu des bois et nous avions apporté notre équipement de studio avec nous pour que nous puissions y travailler. Entourés de toute cette nature, on a eu tellement d’idées en fait qui nous ont fortement inspirés pour écrire ce morceau. La vidéo raconte l’histoire d’une famille détruite par de fausses croyances religieuses. Le père ne peut tout simplement pas gérer la situation tandis que la mère laisse tout se passer au nom de Dieu. Le père s’enfuit, et entreprend un long voyage à travers la forêt pour s’éloigner de toute cette folie et de cette douleur causées par la religion !
Il y a un invité spécial sur le solo de « Ultima Hypocrita» en la présence du guitariste nippon Yo Onityan (ex-Rings of Saturn (live), DeGrace). Pourquoi lui avoir demandé à ce qu’il figure sur cette chanson du nouvel album ? Vous êtes en contact avec Rings of Saturn peut-être car c’est un groupe incroyable ?!
Yo Onityan est l’un des guitaristes les plus malades que j’ai jamais vu en live ! Heureusement, il a rejoint Lucas Mann pour cette tournée Rings Of Saturn pour laquelle nous avons ouvert en 2019. On a partagé un paquebot de nuit ensemble, visité toutes les grandes villes européennes et passé un bon moment en tournée avec lui. Une amitié est née alors nous nous sommes dit que si quelqu’un pouvait pimenter cette chanson, ce serait avec Yo Onityan et ses doigts magiques ! Il a fait là un putain de super boulot !
D’où vous vient l’inspiration des parties orchestrales selon vous ? En général, c’est pas très courant dans votre style deathcore. Êtes-vous fans de Behemoth ou Septicflesh par exemple, qui jouent à la fois de la musique sombre, brutale et symphonique dans leur propre style ?
J’ai toujours aimé les orchestrations et les chœurs dans la musique metal, donc j’ai vraiment voulu l’essayer dans notre propre musique. J’adore relever des défis, alors je me suis appris à écrire et à composer de la musique d’orchestre et de chorale. Pour ma part, les grandes influences proviennent de groupes comme Behemoth, Dimmu Borgir, Emperor, Fleshgod Apocalypse et Lorna Shore.
Techniquement, votre nouvel album est très impressionnant et vous pouvez jouer des parties mélodiques à la guitare acoustique ou à de magnifiques leads de guitare électrique, et juste après, sur une autre chanson ou dans la même, on va six pieds sous terre, c’est très lourd pour nos oreilles avec des accords bas et des parties heavy avec des growls brutaux. En écoutant A Hill to Die Upon, nous avons cet énorme contraste mais alors allez-vous être capable de reproduire cela en live que des passages aussi différents techniquement sur scène ? Vous allez devoir recourir à des samples, des orchestrations et des parties de guitare classique par exemple sur des ordinateurs pour cela ?
Le nouveau matériel est assez difficile à jouer, mais nous sommes tous de bons musiciens et je ne pense pas que cela soit un problème pour nous de jouer ce live. On a déjà enregistré trois vidéoclips pour cet album et tout le monde a fait un excellent travail avec ses instruments. Pour les sons d’orchestre et de chœur, nous allons utiliser des pistes d’accompagnement sur scène, mais j’espère qu’un jour nous pourrons jouer avec un orchestre complet et un chœur comme l’a fait Dimmu Borgir par exemple ! Ce serait là l’un des plus grands objectifs pour nous.
Enfin, outre ce projet de collaboration artistique avec un orchestre, quels sont vos projets pour cette année 2021 autour de la sortie de votre nouvel album A Hill to Die Upon ? Gardez-vous espoir malgré le titre de votre nouvel album? (sourires)
Je pense que le plus important pour nous en ce moment est de jouer l’album en live le plus tôt possible. Il n’y a rien que nous voulions autant que de jouer à nouveau sur scène. En tout cas, merci à toi de nous avoir consacré cet entretien, et prenez-soin de vous.
CHRONIQUE ALBUM
MENTAL CRUELTY
A Hill To Die Upon
Deathcore symphonique
Unique Leader Rec.
Voilà un disque peu commun, osé, varié, et qui techniquement en a dans le slip. Plus connus pour son heavy ou thrash maison, nos voisins d’outre-Rhin nous offrent A Hill to Die Upon, une troisième galette d’une maturité impressionnante et d’une technicité monstrueuse. Alors oui, vous vous dites, Mental Cruelty fait de la branlette de manches comme Rings of Saturn, et aucun SAV derrière. Si vous n’avez pas tout à fait tort (la chanson «Ultima Hypocrita » feat. Yo Onityan, guitariste live des Rings), les compos de Marvin Kessler méritent toutefois votre attention doublée de votre écoute attentive. Il y a vraiment quelque chose de spécial chez ce groupe de deathcore où la technique est au service de l’émotion, et non l’inverse, sans oublier une puissance tellurique à décorner un metalcoreux cocu. Énorme ! [Seigneur Fred]
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