Les Californiens d’Of Mice and Men auront fait parler d’eux cette année 2021 en sortant successivement pas moins de trois EP’s : Timeless, Bloom, et Ad Infinitum. Désormais rassemblés dans le septième album studio du groupe sous le nom d’Echo, OM&M (pour les intimes) y dépeint les derniers mois marqués par la perte, l’amour et la vie dans toute sa beauté et son impermanence. [Entretien avec Aaron Pauley (chant, basse) par Marie Gazal – Photo : DR]
En 2021, vous avez sorti avec succès deux EPs, puis signé un contrat avec le label Sharptone Records, et le 3 décembre vous dévoilez un troisième EP, ainsi que votre nouvel album Echo. Comment avez-vous réussi à être aussi productifs en cette période troublée ?
Pour te dire la vérité, il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire ! On a su dès le début de l’année derrière, particulièrement après les confinements, que les tournées ne reviendraient pas à la normale avant un bout de temps. Donc on s’est occupé et on a commencé à travailler sur notre musique. On s’est dit qu’on essaierait d’être aussi productifs que possible. Et c’était la première fois depuis longtemps qu’on commençait à travailler sur un album sans autre activité par ailleurs. En temps normal, ça n’arrive jamais.
Pourquoi avez-vous choisi de sortir trois EPs avant de les rassembler dans un album finalement ?
L’idée générale était de créer de la musique par petits bouts, ce qui nous a permis de repousser les limites en expérimentant des sons et des compos. On voulait créer quelque chose de très pertinent. Travailler sur de plus petits projets tout au long de l’année te permet d’être plus engagé dans le processus, en continu, que ce soit auprès de tes fans, auprès du groupe.
Ce nouveau mode de fonctionnement était-il une idée de votre nouveau label ?
Non, c’était en réalité quelque chose que nous souhaitions faire depuis plusieurs années maintenant, et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons signé chez Sharptone. On en a parlé aux labels avant de s’engager, qu’on voulait sortir des EPs et les combiner au format album. Et Sharptone était emballé à l’idée de faire ça avec nous. Ils nous ont donné la liberté de le faire.
Quels sont les sujets que vous vouliez nous partager à travers ces différents EP’s ?
Le premier EP traite vraiment de se sentir incertain face au futur et de ne pas pouvoir le prédire, surtout quand on vieillit. Le second EP parle du deuil et de la perte d’un être cher. Quant au troisième EP, il revient sur comment les plus belles et les plus difficiles parties de l’expérience humaine sont profondément entrelacées. Connaître un grand amour, c’est connaître une grande perte. C’est une vision introspective de ces questions existentielles.
Les clips d’« Obsolete » et de « Fighting Gravity », ainsi que la couverture de l’album, sont magnifiques. Comment s’est passée la collaboration avec l’artiste Derek Hess ?
On est tous de gros fan de Derek, on aime ses œuvres. Il dessinait des couvertures d’album et des posters pour des groupes que j’ai adorés. Moi, je ne peux pas dessiner du tout. (rires) Quand je ferme les yeux, j’imagine les choses mais j’ai du mal à les transcrire en mots. Et Derek est brillant pour ça. Il n’y avait pas vraiment de direction artistique, seulement l’idée des oiseaux et de leur rôle dans l’histoire, en sachant que l’oiseau te représente. Je pense que tu as la possibilité d’inférer ce dont traite l’album en regardant sa pochette. Quand on a fait les vidéos, on a travaillé avec un directeur qui s’appelle Frankie Nasso et son équipe pour dessiner à la main et créer ces mondes inspirés du travail artistique de Derek. C’était incroyable de travailler avec plein de gens différents pour donner vie aux morceaux.
Je trouve que l’artwork de Derek Hess contribue à faire d’Echo une œuvre d’art.
Merci ! Pour faire trois EPs et ensuite un album, on doit faire quatre artworks différents, etc. C’était beaucoup de travail ! Et je pense que cette persévérance a inspiré tout le monde, ce fut sans précédent. Le futur est tellement incertain que la meilleure chose qu’on ait pu faire, c’est d’être créatif maintenant.
Ai-je tort de trouver que certains morceaux introduisent des parties plus atmosphériques ou progressives ?
Quand on travaille sur un EP, c’est marrant parce qu’on n’a pas la crainte de faire peur à nos fans, qui pourraient se dire : « Oh, le groupe a changé ! » Dans ce scénario, le pire qu’il puisse arriver serait qu’ils n’aiment pas trois chansons, mais de toute façon il y en a trois autres qui arrivent… Beaucoup de morceaux ont commencé par des sons qu’on expérimentait, avec des synthés et d’autres technologies qui apparaissent sur « Fighting Gravity », « Echo », même « Timeless » ou « Anchor ». Sur le premier EP, les sons démarraient par des synthés et des loops. On a construit les chansons autour. Quand j’ai fait le mix et le mastering, j’ai pensé principalement à ceux qui écouteraient l’album avec un casque audio et à comment utiliser ces nouveaux éléments pour un résultat qui serait ressenti comme plus tridimensionnel.
Aaron, tu as rejoint le groupe en 2012, alors comment décrirais-tu son évolution depuis ?
Dans le processus d’écriture, depuis mon arrivée dans le groupe sur Restoring Force, je pense qu’on a affiné notre façon de prendre des décisions. On n’argumente plus vraiment à propos des idées créatives. Avant de rejoindre OM&M, je produisais des groupes et il y avait toujours un moment où on arrivait avec deux bonnes idées et il fallait choisir laquelle prendre. Il y avait toujours un débat qui prenait un temps pas nécessaire. Et c’est marrant parce que j’ai l’impression qu’avec les années, ça arrive de moins en moins souvent jusqu’au moment où, sur ce dernier album, ce n’est pas arrivé du tout ! Nous ne nous sommes pas du tout disputés, il n’y avait pas de débat sur la création. C’était comme un courant de conscience (ndlr : « stream of consciousness » en anglais), tout le monde était très connecté.
Ça fait un moment qu’OM&M est un acteur majeur de la scène metalcore. Pourrais-tu nous dire ce qui a changé ces dix dernières années dans le genre ?
Je pense que les nouveaux groupes font sans cesse avancer le genre. Ce sont toujours les jeunes artistes qui apportent de nouveaux éléments et qui nous inspirent. Le genre dure depuis si longtemps parce qu’il démontre une authentique volonté d’expression de ses sentiments, ça résonne vraiment chez les gens. Le metalcore a duré deux fois plus longtemps que le disco ! (rires)
Si les titres nous sont globalement connus (nous avons pu les découvrir sur les EPs sortis tout au long de l’année 2021), le septième album d’Of Mice and Men, Echo, n’en reste pas moins un très bel opus. Les tubes s’enchaînent (« Fighting Gravity », « Obsolete »), entrecoupés de morceaux tout en délicatesse (« Helplessy Hoping »), incluant des parties plus atmosphériques (« Bloom », « Anchor »), mais toujours avec cette nervosité coléreuse, sombre et introspective.
Echo laisse le champ libre à la mélodie et à l’émotion, à la beauté de se battre contre soi-même, l’apprentissage du lâcher-prise et les épreuves d’une vie douloureusement brève. Même dans le format de diffusion de leurs morceaux au travers des trois EPs répartis sur l’année, le quatuor américain matérialise son incertitude quant au futur et son angoisse des lendemains aléatoires. OM&M marque donc une belle évolution depuis ses débuts (en 2007, déjà !), et le travail magnifique de Derek Hess sur l’artwork contribue à faire de l’ensemble un album incontournable, tant dans l’histoire du groupe que du Metalcore. [Marie Gazal]
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