OSM : Tout en nuance

Originaire de La Rochelle et de Poitiers, OSM est une formation montante de metal progressif. Avec déjà deux EPs à son actif, un son profond et de qualité qui flirte par moment avec du stoner, il va sans dire que la musique du groupe saura ravir les amateurs et amatrices du genre. [Entretien avec Léo alias Z-Mood, chant/guitare, par Aurélie Cordonnier]

Apparemment Plagued By Doubts est une vision satirique du monde actuel. J’imagine que tout ce qui s’est passé ces dernières années a été votre source d’inspiration ?

Bizarrement non. Ça a commencé bien avant ça. Je pense que j’ai commencé à penser à ce concept en 2017. J’étais en train d’écrire l’EP juste avant que le Covid ne commence. Pendant le Covid, j’ai eu la chance, si on peut dire ça comme ça, d’avoir une inspiration supplémentaire qui est arrivée au moment voulu. Ca parle de beaucoup de choses., rien de pointé en particulier, mais beaucoup de choses globales qui se passent en ce moment et qui sont compliquées à encaisser pour tout le monde.

Peux-tu m’en dire plus sur la genèse de cet EP ?

J’ai commencé par trouver le thème global qui est assez proche de ce qui est développé en collapsologie en ce moment, l’effondrement. C’est assez pessimiste mais ce n’est pas pour planter tout le monde. C’est un constat, il n’y a pas de morale. J’ai commencé avec ce thème, j’ai développé le premier titre « Plagued By Doubts », qui veut dire ronger par les doutes. Tous les doutes ce sont justement  les sujets que l’on a pu aborder dans l’EP. Le premier titre a été une sorte de pierre angulaire pour tout le reste et après j’ai décliné ça selon différents thèmes, dont le deuxième « Stuck in a Wrong Place » qui veut dire que l’on ne va pas dans la bonne direction, qu’on prend les mauvaises décisions sur bien des sujets. Par contre, je n’ai pas de solutions à apporter à tout ça. C’est une réflexion mais ça n’apporte aucune solution au problème malheureusement. Le troisième titre « Why Always More ? » parle du fait que l’on en veut toujours plus, dans tous les domaines, que ce soit économique ou même personnel. C’est un sujet assez global qui peut se décliner sur tout ce qui est matériel et immatériel. Ce sont les trois premiers titres qui sont basés sur les faits. Les trois titres suivants sont la conséquence psychologique de savoir que l’on vit ces choses-là et que l’on va faire ça que cela a entraîné chez-moi ou chez d’autres personnes. « Drown by Myself » le quatrième titre qui est entièrement instrumental symbolise le début de la noyade. On finit par les deux derniers titres, « Abyssal » et « Loudness », on touche le fond pour après repartir. On encaisse pour pouvoir repartir sur de bonnes bases.

Tu parlais des conséquences psychologiques que ça avait pu avoir sur toi. Est-ce que le fait de le mettre en musique a été un exécutoire pour toi ?

Tout à fait. Je pense que j’ai pu mettre des choses sur le papier et même réfléchir plus profondément à ce qui pouvait me déranger. C’est un aspect assez philosophique de l’aborder de cette manière. Je pense que ça m’a fait du bien d’extérioriser, de sortir ça et de me dire qu’il y a des choses évidentes qu’il faut assumer.

Plagued By Doubts en français signifie comme tu l’as dit ronger par les doutes. A quels doutes êtes-vous en proie ?

Comme tous les groupes qui tentent de propulser un projet, il y a toujours des doutes. Est-ce que ça va plaire au public ? Il y a toujours des doutes là-dessus pour un groupe en lui-même et après, sur tout ce qui se passe à côté. C’est une sorte de jeu de domino, une chose qui en fait tomber une autre. Les doutes sont constamment présents. On ne sait pas comment ça va se passer. Je suis celui qui voit le verre à moitié vide (rires). J’analyse ça pour faire en sorte que ma vie ne ressemble pas à ça.

L’intro au piano du titre éponyme a un petit côté gothique. En l’écoutant, j’ai tout de suite visualisé une ambiance digne des films de Tim Burton. Est-ce un univers qui vous parle et vous inspire ?

Pas spécialement Tim Burton, même si j’aime beaucoup son univers. Il n’a pas fait partie de nos inspirations mais l’EP est à voir comme une bande originale de film. Et effectivement, cela se rapproche de cet univers là. Dans l’EP, il y a quand même beaucoup de sons qui sont rajoutés par rapport aux instruments réels. Ça évolue comme une B.O. C’est un film global de trente-six minutes et ça évolue grâce à ça.

Comment décrirais-tu votre univers musical ?

C’est une tension entre deux parties. Il va y avoir une tension entre un côté assez calme et mélancolique, très harmonique et même presque psychédélique. Et de l’autre côté, une violence complètement opposée. C’est vraiment ça qui définit le groupe et on me pose souvent la question, peut-être que toi aussi tu me la poseras d’ailleurs (rires), que veut dire OSM ? Over Strange Mood. C’est basé sur les changements d’humeur, ça a toujours été basé là-dessus. On a des nuances très calmes, très violentes, différents univers qui se confrontent. Et le style a été le fil directeur depuis le début.

Donc le style vous a donné votre nom ?

L’idée de base était d’avoir des choses nuancées et après on a trouvé le nom. Je me suis beaucoup basé sur cette idée globale pour pouvoir composer l’EP précédent qui est plus stoner, puis pour celui-ci qui est plus metal. On garde cette même chose avec les nuances, c’est ce qui définit le groupe.

Ça tombe bien que tu parles de nuances car c’était mon autre question (rires). La spécialité de cet EP semble être la douceur de vos intros, avant que les morceaux n’explosent réellement. Est-ce que vous trouvez que c’est le meilleur moyen d’accrocher l’auditeur ?

C’est un bon moyen. Je me mets à la place de l’auditeur, j’aime bien être surpris. J’en ai un peu marre d’entendre toujours la même chose, donc dès qu’il y a quelque chose qui me surprend un petit peu, j’y prête plus attention. Et je me dis que j’aimerais bien faire la même chose pour appâter le public.

Est-ce que vous êtes le genre de groupe qui réécoute ses musiques une fois terminées ou pas du tout ?

Je réécoute de temps en temps mais c’est vrai qu’on l’a tellement écouté pour les mixages et le mastering que là je fais une petite pause. (rires) Ça ne m’empêchera pas de le réécouter avec plaisir d’ici peu de temps car la qualité de l’EP me plaît beaucoup.

Le choix du visuel pour la pochette de l’EP colle parfaitement à l’univers sonore. En l’écoutant, j’avais des images similaires qui me venaient en tête. Qui a eu l’idée de ce visuel et qui l’a réalisé ?

J’ai fait une pré-production de la pochette. Ensuite, notre dessinateur-infographiste professionnel, Slo, nous l’a faite. L’idée globale était le fond des abysses. Ça fait peut-être pensé à une espèce de statue grecque ou romaine au fond des océans prise après une éruption volcanique à Pompéi, je ne sais pas. L’idée était de montrer qu’il y avait une grosse partie morte mais qu’il restait toujours quelque chose de coloré, une lueur d’espoir.

Plagued By Doubts sortira via le label Season Of Mist mais justement, pourquoi avoir opté pour le format EP plutôt que pour le format album si vous travaillez avec un label ?

La raison principale est que nous auto-produisons entièrement l’EP. D’un point de vue financier, c’était plus abordable pour nous de faire un EP. Ça ne nous a pas empêché de mettre les moyens sur la qualité du son et du sound design. Je pense qu’il nous manquait encore quelques saveurs supplémentaires pour faire un album complet. Là on a six titres, dont certains qui sont au-delà de sept minutes, donc ça reste quand même du metal progressif. Mais il nous aurait manqué trois ou quatre titres pour faire un bon album. Le concept ne le permettait pas selon moi sur la suite des morceaux. L’histoire est complète comme ça.

Vous êtes un groupe prometteur, cela s’entend à la qualité de votre musique. Comment avez-vous développé votre univers musical ?

On s’est basé sur pas mal d’influences de groupes que l’on aime bien. Par exemple, j’aime bien la puissance de ce que je ressens en écoutant Gojira. Il fallait que je le retrouve dans ce que je voulais composer. La recherche de sons était importante à ce niveau là pour retrouver quelque chose qui tabassait suffisamment. Ensuite, il fallait trouver le sound design global qui allait se ressentir pendant l’EP. C’est un mélange d’instruments acoustiques mais aussi d’énormément de synthétiseurs. Ça fait un peu vintage, mais on ne s’en rend pas forcément compte car c’est saturé derrière. Ce côté assez synthétique revient dans l’EP à plusieurs moments.

A quel moment vous vous êtes dit que vous allez être tout dans la nuance ?

Ca correspond à la manière de composer. En général, je compose un riff global et j’arrange autour. Je dois être capable de décliner ce riff sur un passage violent, de la même manière que sur un passage calme, aéré, psyché. Normalement, l’univers se décline comme ça, de manière progressive. Ce qui était important pour moi dans la composition, c’était de faire ressentir une lourdeur extrême à certains moments, notamment sur « Loudness » et surtout sur la fin du morceau, qui doit enterrer toute ce côté négatif pour repartir sur autre chose.

Comment le groupe s’est formé ? Est-ce que votre cohésion et vos idées créatives se sont mises en place rapidement et naturellement ?

Le groupe existe depuis une dizaine d’années. Au début, c’était une passion, sans but professionnel. Ensuite, nos ambitions ont changé et on a voulu faire plus. On a changé plusieurs fois de line-up. On a trouvé deux personnes qui étaient assez motivées. Ça a pris un peu de temps, histoire de se comprendre musicalement. En plus, on n’a pas fait tant de répètes que ça, c’était plutôt du travail à la maison, des échanges de musique, de textes. On s’envoyait les musiques pour les bosser, chacun donnait son avis. Il a fallu qu’on s’adapte les uns aux autres, mais on a été capable de faire rapidement des concerts, ça voulait dire que ça fonctionnait bien musicalement tous ensemble.

Vous êtes un jeune groupe qui a fait ses preuves lors du Mano Festival de Marburg en Allemagne, lors du Twinfest de Northampton, mais aussi aux côtés notamment de Pogo Car Crash Control, Hypno5e… Pour un début de carrière, c’est déjà énorme mais quel regard portes-tu sur tout ça avec le recul ? Et qu’est-ce que tu peux espérer de plus pour le futur d’OSM ?

Je suis très fier d’avoir pu partager la scène avec ces groupes là, notamment Hypno5e. Ce qui est drôle, c’est que j’ai découvert Hypno5e en concert par hasard et que le côté nuance, je l’avais exactement retrouvé. Je trouve que ça collait très bien avec ce qu’on voulait faire. Pogo Car Crash Control sont supers, à la fois sur scène et humainement, on a passé un super moment. On n’a pas encore fait de grosses dates mais c’est ce qu’on espère. 

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