PLANE’R FEST édition 2023 : les coulisses d’un festival metal qui monte à Moncul

La douzième édition du Plane’R Fest approche à grands pas ! Elle se déroulera du 7 au 8 juillet 2023 à Colombier-Saugnieu (Rhône). Vous ne voyez pas où ? Mais si, vous savez bien, c’est situé tout près de Moncul ! (à ne pas confondre avec Montcuq dans le Lot, autre village homonyme célèbre) Il est donc temps de mettre à présent le festival français en lumière et d’en apprendre plus sur son organisation et son fonctionnement. Attention ! Dernière minute : Novelists est forfait, remplacé par les Belges de Suasion, ce qui change le jour de passage de Ten56. pour information. [Entretien avec Zef (organisateur du Plane’R Fest) par Aurélie Cordonnier – Photos : Antoine Julien]

Planerfest

Déjà plus de dix ans que le Plane’R Fest existe, qu’est-ce que ça te fait ? D’ailleurs, comment t’es venue l’idée de créer ce festival ?
Je suis un peu une pièce rapportée dans le festival. Il a été créé sous le principe de la Fête de la Musique à l’origine, en 2012, par quelques passionnés dont certains subsistent encore au sein de l’association. Parmi les créateurs, j’ai un collègue qui m’a dit un jour qu’ils avaient besoin d’un coup de main et si je voulais me mêler à tout ça. J’étais passé deux-trois fois en mode décontracté pour voir ce que ça donnait. Le concept me plaisait bien. Donc la première année, c’était surtout une observation car tout était en place, tout était créé. La deuxième année, j’ai un peu plus participé et petit à petit, on s’est rendu compte que le principe du festival tel qu’il était n’attirait pas forcément des passionnés de musique mais plus des gens qui venaient se retrouver, boire un coup. On essayait d’avoir une programmation de qualité, avec des groupes qui ne faisaient pas de reprises mais de l’écriture et de la création. On ne peut pas dire que le public était au rendez-vous et ce n’était pas les mettre en valeur. Quand on regardait ce qui se passait, il y avait essentiellement des gens qui étaient là pour boire un coup et discuter entre eux, les groupes jouaient devant une affluence plus que très modeste. On a donc commencé à réfléchir comment on pouvait essayer de faire bouger les choses et faire grandir le bébé. On a décidé de passer sur quelque chose d’un peu plus pro et de prendre des groupes avec une meilleure envergure. La première année où on a basculé sur ce concept, on avait déjà Mass Hysteria, qui reviennent cette année, on avait aussi Mat Bastard, les Celkilt, les Foxy Ladies… On est parti d’une page blanche complète. On a aussi eu l’idée de lancer ce concept l’année où malheureusement il y a eu les attentats à Nice. On s’est lancé dans une aventure que l’on ne connaissait pas, on a multiplié les frais et on pêchait en termes de communication, en termes de tout, car ça ne s’invente pas. En plus de ça, on a explosé le budget, car la mise en sécurité du site qui avait été prévue n’était pas réalisable, il a fallu recréer quelque chose là où on est aujourd’hui. On s’est rendu compte très vite que l’on aurait pas de public et que ce serait un four complet. On a Baam Productions qui nous a mis en contact avec Mediatone, ils nous ont débrouillés sur la communication, sur tout un tas de choses que l’on ne connaissait pas dans l’approche du festival. Leur rencontre a fait naître le festival tel qu’il est aujourd’hui. On a fait un point à la fin de cette première édition pour se rendre compte qu’on n’était pas forcément sur les bons créneaux, sur les bonnes méthodes de communication, sur les bons choix de groupes, etc. Il y avait tout à revoir. On a décidé de travailler main dans la main pour essayer de développer le festival, l’orienter sur quelque chose qui soit cohérent, parce que faire tout et n’importe quoi ça n’attire pas forcément les foules. On était trop dispersé en termes de programmation musicale, on s’est recentré sur ce qui était l’âme originelle du festival, c’est-à-dire du metal.
Côté orga et structure, c’est un festival qui a été porté par la mairie de Colombier-Saugnieu au départ, sur lequel on a l’association des Sonorités de Montcul qui s’est greffée. Une grande partie de l’équipe d’origine fait partie de l’association qui s’est étoffée, qui permet de porter tout ce qui est organisation autre que la programmation et les gros postes qui restent à la charge de la mairie, qui sont les scènes, la régie technique, le son et les lumières et la programmation musicale, parce que le booking aujourd’hui demande des avances de fonds qu’une association qui vient d’être créée n’a pas. L’association gère l’accueil des artistes, le bar, la gestion des bénévoles, etc. C’est plus simple pour une association de gérer les bénévoles que pour la collectivité, car là on est sur un mode de fonctionnement qui ne correspond pas forcément à sa fonction. On a le soutien financier de la collectivité mais l’idée est de transférer petit à petit à l’association l’organisation. Mediatone nous fait des propositions en termes de programmation, on en discute avec l’association, on essaie de le faire bien et d’aimer tout ce qu’on programme, on discute des choix, de l’orientation et on essaie d’avoir une programmation qui soit cohérente avec de l’international, du français, des groupes naissants sur la France. On a un tremplin car on essaie aussi de promouvoir et faire monter des groupes émergents de la région Rhône-Alpes. Et on essaie, quand on en a l’occasion, d’avoir une petite touche féminine au sein des groupes.

Entre-temps, on a eu le covid-19 et le confinement qui ont eu un gros impact sur tous les festivals. Comment l’as-tu vécu et qu’est-ce qui a changé aujourd’hui en termes d’organisation justement par rapport à ça ?
On l’a mal vécu. On a repoussé le festival une première fois, c’était un gros coup derrière la tête. Ensuite, on a eu les belles paroles de notre chère ministre de la Culture qui nous disait à l’époque que tous les festivals en extérieur auraient lieu mais assis. Un festival de metal assis, c’est un concept compliqué. Il nous a annoncé ça trois mois avant, on savait très bien que les timings n’étaient plus jouables, que les groupes internationaux ne seraient pas sur les tournées. On ne l’a pas très bien vécu non plus mais on l’avait senti venir. Le gros coup de massue, ça a vraiment été la première année. La reprise a été compliquée après deux ans d’arrêt. On pensait que l’on été rôdé, que tout était en place, mais en deux ans on a oublié plein de choses. Malgré notre désorganisation sur l’édition 2022, tout s’est quand même bien passé. Les gens ont été très adaptatifs et on a une équipe qui a su prendre les choses en main au dernier moment, dans des conditions qui étaient parfois compliquées. Cette année, les choses avancent et sont beaucoup plus posées, ça devrait être beaucoup plus pro. Malgré tout, l’année dernière on a eu une croissance importante de 25 % sur les entrées, alors que la majorité des festivals étaient plutôt en baisse de fréquentation.

Comment se passe la sélection de chaque groupe à l’affiche ? Est-ce que tu te bases sur tes goûts personnels pour choisir ? Est-ce que c’est compliqué de sélectionner des artistes qui correspondent aux goûts et aux attentes du public tout en essayant de présenter des artistes moins connus ou moins représentés sur la scène metal actuelle ?
Je suis de l’ancienne génération, donc si on se basait sur mes goûts pour faire une programmation, je ne suis pas certain que ça ferait venir beaucoup de monde. Ce sont les vieux groupes qui me font tripper : Accept, Saxon, Maiden… Ça ferait du bruit mais pas ça ne ferait pas forcément venir du monde. Aujourd’hui, clairement, il y a une scène qui est très vivante et qui a beaucoup changé en l’espace de quelques années. Il y a plusieurs critères qui font que l’on va s’orienter sur tel ou tel choix de groupes. Le premier, c’est que l’on est sur un budget contraint, donc on ne peut se permettre de faire n’importe quoi. On essaie d’avoir du groupe émergent, on s’appuie sur les retours d’expérience que peut avoir Eric (de Mediatone), on en parle un petit peu au sein de l’association pour savoir quels sont les goûts des uns et des autres, qu’est-ce qui peut cadrer avec ce que l’on fait. Il y a beaucoup de groupes que l’on ne connaît pas forcément mais qui sont de belles découvertes. On essaie d’en faire monter chaque année. On a eu Rise Of The Northstar qui était très peu connu au départ. Il nous faut quand même des groupes qui soient assis et qui aient un nom, parce que je ne suis pas persuadé qu’on puisse remplir une jauge comme on l’espère uniquement avec des groupes émergents. On essaie de faire un mix qui satisfasse tout le monde. On sait très bien que de toute façon quelques noms peuvent être plus porteurs que d’autres en termes d’appel du public. On essaie d’avoir une affiche équilibrée. Pour moi, mettre une grosse tête d’affiche par soir et mettre que des groupes bien moins connus derrière, sans être péjoratif, je ne pense pas que ça puisse donner entière satisfaction aux festivaliers. Il faut qu’il y ait une cohérence, une densité au niveau des groupes. Il faut quelques noms qui appellent; on ne va pas se mentir, tout le monde regarde les affiches et les noms qu’il peut y avoir tout en haut. Mais je pense que c’est important d’avoir également des groupes qui sont en train de grimper. Ten56. fait partie de ces gens-là, l’année dernière on avait Landmvrks qui est un groupe qui est aussi en train de grimper très fort. A côté de ça, on a des groupes qui sont établis depuis longtemps mais qui n’ont pas forcément toute l’exposition qu’ils méritent. On a eu de très belles pioches grâce à Eric. Jinjer, c’est lui qui a été nous les chercher avant qu’ils n’explosent complètement. Il faut écouter, savoir où est la tendance, où sont les envies des festivaliers. Si on ne raisonne qu’en fonction de nos goûts propres, c’est fondamentalement une erreur.

Est-ce que c’est compliqué de se démarquer par rapport aux autres festivals ?
On essaie d’être plus diversifié, d’exister par nous-mêmes. Ce n’est pas toujours simple parce qu’il y a des groupes que l’on va recroiser sur un festival ou un autre la même année, mais on essaie d’avoir une petite touche qui fait qu’on ne va pas aller sur leurs terres. On ne veut surtout pas ça. On a de très bonnes relations avec les différents festivals de la région, il y a de la place pour tout le monde. On essaie aussi de se diversifier sur l’accueil et sur ce que l’on va retrouver sur le site. Je ne dis pas du tout que les autres festivals accueillent mal, ce n’est pas du tout mon propos, mais je pense que l’on peut se démarquer avec quelque chose d’un petit peu différent.

Quelles retombées économiques génère le Plane’R Fest pour la région ? Est-ce qu’il permet de dynamiser ou redynamiser le territoire ?
La volonté dans le cahier des charges de la commune vis-à-vis de l’association c’est de faire travailler le local. Le food-truck qui vient sur le festival est tenu par une habitante, les produits sont achetés dans les commerces du village, la bière est une bière locale, la Grihète… On essaie de proposer des choses qui nous ressemblent et qui sont faites par des agriculteurs ou des commerçants du village. Cela génère des retombées. Aujourd’hui, le festival n’est pas encore pérenne. Heureusement qu’il y a encore la commune derrière pour soutenir le festival, sinon il n’existerait plus. Dans le cahier des charges, il y a cette volonté que l’on puisse se retrouver et qu’il y ait une valorisation du territoire. On prête une grande attention là-dessus.

A combien s’élève le budget d’un festival comme le Plane’R Fest ?
Entre la part mairie et la part association, c’est un budget qui est entre 350 et 380 000 euros, tout compris.

Au niveau du public, est-ce que c’est le même d’année en année ou est-ce qu’il tend justement à se diversifier ?
Petit à petit, on se diversifie. Le public metal grandit parce qu’on commence à avoir une renommée intéressante. On a de plus en plus d’habitants du village qui viennent pour l’ambiance. Tout le monde n’aime pas ce style de musique, mais les gens viennent pour passer un bon moment avec les festivaliers, ce qui est le premier but du festival.

Quels sont les avantages et les inconvénients de travailler avec des groupes de la scène metal ?
Les avantages, c’est qu’ils sont super sympas, ils ne se prennent pas la tête. Des emmerdeurs, il n’y en a pas ou quasiment pas. Le désavantage, c’est la quantité qu’ils boivent comme bière. C’est infernal… ! (rires) Si on veut passer un moment avec tous les groupes, ça peut faire des fins de journée qui sont particulièrement compliquées. Donc on apprend à gérer. Des désavantages, il y en a très peu, les gens sont super sympas. Depuis le début du festival, on a que des bons retours des festivaliers. Parfois, il peut y avoir des incompréhensions, notamment avec des groupes étrangers. On a pas forcément la même compréhension des sujets mais c’est vraiment mineur. Ils sont peu exigeants. Ce qui est très apprécié de la part des groupes, c’est que la taille du festival fait qu’ils peuvent aller se promener au milieu du public sans se faire jeter dessus comme ça pourrait l’être au Hellfest. Korpiklaani est venu, les musiciens sont allés parmi les festivaliers et on assistait en tant que festivaliers aux différents concerts, ils n’ont pas été emmerdés. Ils ont été au bar et ont payé leurs consos, ce qui est un délire ! (rires) Ils auraient pu rester tranquillement dans leur loge. Les groupes sont accueillis très positivement par le public, c’est super sympa. Cela fait partie du fait que l’on n’a pas forcément envie de grossir énormément. Ce ne serait plus possible, il y aurait des mouvements de foule difficiles à gérer et ça mettrait des barrières entre le public et les artistes. Ce n’est pas l’esprit metal à mon sens et à celui de l’association. On tient à conserver la proximité avec les artistes.

Peux-tu me parler d’un moment particulièrement mémorable ou d’un défi que tu as dû relever lors de l’organisation d’une précédente édition du Plane’R Fest ?
Lors de la deuxième édition, il y a un soir où l’on a eu Les Tambours du Bronx, ensuite Ultra Vomit et en tête d’affiche Ensiferum. Entre l’Allemagne et Lyon, Ensiferum a eu tous leurs isntruments qui ont été perdus. Ils sont arrivés à l’hôtel sans instrument, à part la batterie. Ils nous ont dit qu’ils ne pouvaient pas jouer. Dans l’équipe, on a des personnes qui ont travaillées à l’aéroport, ils ont fait des pieds et des mains pour essayer de retrouver les instruments. Ils étaient à Francfort. Le groupe a convenu de venir sur le site pour montrer qu’ils étaient quand même là, que l’on n’avait pas vendu de faux espoirs au public. Après Les Tambours du Bronx, il a fallu que je monte sur scène pour annoncer qu’Ensiferum ne pourrait pas jouer. Ultra Vomit a joué derrière et a fait un job extraordinaire. Pendant qu’ils jouaient, on a négocié avec Ensiferum, en leur disant que c’était des musiciens et que ça pourrait être bien qu’ils le fassent en acoustique. À force de discuter, ils ont accepté de jouer une dizaine de minutes, on a couru dans tous les sens pour leur trouver une guitare. On leur a même trouvé un kazoo ! Ils ont accepté d’étendre à vingt-cinq minutes. Je suis revenu sur scène après Ultra Vomit pour annoncer que le groupe allait jouer en acoustique. Ils sont rentrés sur scène et les vingt-cinq minutes en sont devenus trente-cinq. Au bout d’une heure et demie, il a fallu leur dire stop et que c’était trop tard pour continuer comme ça (rires). Ils se sont pris au jeu et ont fait leur répertoire en acoustique. Franchement, c’était magique. Et quand mon collègue les a ramenés à l’hôtel, il les a entendus discuter en disant que ça sonnait vachement bien et que c’était vachement sympa, qu’ils n’avaient jamais fait de tournée en acoustique. Au mois de décembre, ils passaient à Lyon pour une tournée en acoustique, je pense que c’est grâce au Plane’R Fest. (sourires)

Les festivals de metal sont souvent associés à des valeurs spécifiques, notamment celles de l’expression personnelle et de la communauté. Comment ces valeurs se reflètent-elles dans la façon dont tu organises et gères le Plane’R Fest ? Comment équilibres-tu les aspects commerciaux et artistiques du festival tout en maintenant une connexion authentique avec le public ?
On essaie d’être naturel, on ne force rien. On a tous notre personnalité, on essaie de la respecter. Les gens sont hyper tolérants au niveau du festival, ça se ressent. Les choses se font naturellement. On essaie de travailler sur l’identité visuelle. Aujourd’hui, le metal a une identité visuelle, il y a des codes autour de cette musique. Dans tout ce qui est affiche, communication, on essaie d’être dans les clous. Dans les thématiques des affiches, on essaie de garder le rapport avec l’aéroport (de Lyon-Saint Exupéry) qui est le cœur de notre territoire. On essaie de rester cohérent avec l’organisation musicale. Dans le festival, on essaie de rester décontracté. Les gens viennent nature, et c’est comme ça que ça se passe bien, il n’y a aucun jugement. On essaie aussi de promouvoir des causes qui nous paraissent importantes : la cause animale, cette année on va avoir un stand d’écoute et d’assistance pour les victimes de violences sexuelles… On trouve que c’est important de mettre en avant des gens qui se démènent pour des causes qui nous paraissent justes.

Est-ce que tu as déjà des idées pour les futures éditions du Plane’R Fest ? A partir de quel moment tu vas commencer à travailler dessus ?
On a déjà des idées, des réflexions avec Eric (Mediatone) par rapport à certains groupes, certaines opportunités qui nous paraîtraient intéressantes de creuser. Par contre, c’est beaucoup trop tôt pour avoir des contacts. On n’a pas l’envergure du Hellfest qui peut se permettre de prendre contact avec certains groupes deux ans ou un an avant. On a, disons, des pistes qu’il faut creuser. Il faut voir si les groupes seront en tournée, si ça peut matcher en termes de budget, car on essaie d’être raisonnable. On a aussi des capacités d’accès pour certains groupes qui sont limitées. Un groupe qui vient avec deux smics de matériel, on n’a pas les moyens de l’accueillir. Cela fait partie d’un certain nombre de choses que l’on aimerait bien faire mais qu’on ne peut pas et qu’on ne pourra pas tant que l’on sera sur ce site. On essaie de grandir, pas de grossir, donc il faut faire les choses les unes après les autres. On va voir ce qui aura marché ou moins bien marché cette année et on en tirera les conséquences, on retouchera tout ça pour avancer petit à petit, sans jamais perdre de vue que l’intérêt est de le faire dans l’intérêt des festivaliers et non pas pour le nôtre.

Publicité

Publicité