Passées les présentations sur notre page Facebook au printemps dernier dans notre rubrique « Band of the week » à l’occasion de la sortie de leur premier opus autoproduit, il était temps pour nous à présent de faire plus ample connaissance avec cette formation lyonnaise de Power/Thrash/Deathcore très prometteuse comme en atteste leur puissant et solide Requiem. [Entretien avec Benjamin Lamy (guitare) et Lény Garcia (guitare) par Seigneur Fred – Photos : DR]
On vous a découverts sur le Facebook de Metal Obs dans notre rubrique hebdo “ Band of the week » à l’occasion de la sortie de votre nouvel album nommé Requiem en avril 2020. Pour ceux qui ne sont pas familiers des réseaux sociaux ou n’aurez pas vu passer cela sur la toile, pouvez-vous résumer l’histoire du groupe en quelques mots ?
Prismeria est un groupe de métal français né à Lyon en Septembre 2017. Il est composé de cinq membres qui ont choisi de mixer le Death, le Thrash et le Core dans un projet musical professionnel. Ce groupe est le premier groupe de métal pour chacun des musiciens. En Mars 2018, le groupe commence ses premiers concerts et a notamment l’honneur d’ouvrir pour de célèbres groupes tels que Nervosa et Nervecell. Le 31 octobre 2018, un an après sa création, le groupe a sorti son tout premier EP autoproduit Lost Individual Thoughts, composé de six titres. Le 17 avril 2020, après une trentaine de concert et deux ans de travail acharné, le groupe sort son premier album Requiem produit par Convulsoud Studio et mêlant cette fois-ci des sonorités plus Death et Modern Metal. Pour le promouvoir, le groupe effectuera une tournée française et européenne durant l’année 2020-2021.
S’il fallait définir l’identité de Prismeria, quelle serait-elle ? Qu’est-ce qui caractérise le groupe et façonne votre son très actuel et puissant selon vous ?
L’identité du groupe serait la volonté de se diversifier, d’essayer de ne pas se répéter musicalement et d’aller explorer de nouveaux territoires le plus souvent possible. On aime ce challenge, se découvrir nous-mêmes en tant que musiciens… On a également un réel attrait pour la scène : partager, diffuser de l’énergie au public, c’est essentiel pour nous ! Quant au son de Prismeria, on ne saurait trop dire… On a la particularité de jouer principalement en accordage de Mi standard (5 des 9 compos de l’album, 2 autres en drop Ré et 2 autres en Ré standard), de mixer des influences (Thrash aux guitares, Death au chant avec un côté moderne à la batterie) et de faire en sortes qu’elles existent toutes pleinement se mariant les unes aux autres de la manière la plus fluide possible.
Vous avez déjà sorti un premier EP en 2018 intitulé Lost Individual Thoughts en autoproduit, et avez sorti au printemps 2020 votre premier album Requiem, toujours en indépendant (autoproduction). C’est une volonté de rester indépendant et de tout gérer par vous même (Do It Yourself) ? Vous n’avez pas cherché à trouver un label car vous avez probablement dû démarcher des labels pour sortir ce Requiem très solide et professionnel pour un premier effort longue durée ?
On se concentre plus, pour le moment, sur la recherche et le travail avec des agences de booking et des bookeurs. Au vu de notre arrivée récente dans l’industrie musicale et la volonté de travailler notre musique/identité le plus librement possible, il ne nous a pas semblé nécessaire de passer par un label pour l’instant. Pour le prochain album il en sera possiblement autrement. Cela dépendra de la réception de cet album et des potentielles propositions qui nous seront faites. Quant au côté » DIY » (NDLR : Do it yourself), on aime beaucoup la liberté dans la musique et dans l’art en général. Encourager des processus autonomes est essentiel. Les soutenir et les permettre. Cependant nous sommes également conscients qu’une multitude de tâches incombent à un artiste et que de travailler avec des partenaires (label, bookeurs) dont c’est le métier peut être réellement utiles. Cela dépend juste de la manière et des objectifs des deux parties.
Requiem étant sorti en plein confinement, avec la communication sur internet et sa distribution numérique (et peut-être en CD ultérieurement), quel est votre sentiment sur les premiers retours de l’album quelques mois après sa parution ?
Pour le moment, nous n’avons pas de distributeurs physiques officiels, nous avons cependant un distributeur digital (iMusician). Nous nous occupons nous-mêmes en fait de notre promotion physique et digitale (agences de promo, playlists des plateformes de streaming…). On souhaite cependant passer à la vitesse supérieure sur ce point. Nous avons démarché de nombreux webzines Métal et obtenus une dizaine de chroniques un peu partout dans le monde notamment à l’étranger (Canada, Italie, Royaume-Uni, Grèce, etc.). Les retours sont plutôt très positifs. Nous sommes donc ravis sur ce point !
Un clip très pro et énergique à l’image de votre album a été réalisé pour le titre « Native Spirit » visible sur internet. Pouvez-vous nous parler de l’aspect lyrique et de l’esprit justement de cette chanson ainsi que de son concept vidéo (une femme maquillée telle une indigène avale une pierre dans une ambiance shamanique…) ?
Au niveau du chant, on a voulu dynamiser cette chanson avec des alternances de growls et de screams sur une rythmique résolument Heavy. On avait envie de beaucoup de mouvement dans la voix à ce moment-là tout en restant vénère. La thématique traite en partie d’une société (non existante dans notre monde) qui, faisant face au risque de sa propre extinction, sombre dans le mysticisme et la folie. Eva (l’actrice) y incarne une femme de cette société. La pierre qu’elle ingère est liée aux pratiques fanatiques. Après, pour le message on en a un pour chaque chanson mais on ne le communique pas. Chacun est libre d’interpréter à sa manière…
Votre bassiste Alexandre dans ce clip de “ Native Spirit ” porte un masque alors que vous êtes en plein air et assez éloignés les uns des autres (les autres ne portant pas de masque). C’était pour faire un clin d’oeil au Covid-19 et être dans l’air du temps avec son masque ou bien pour un certain esthétisme ou bien il ne voulait pas être reconnu de ses proches ? (rires) (NDLR : Xavier Loche (Warband, STFU))
Ha ha ha ! ‘rires) Alex était en avance sur tout le monde depuis deux ans ! (rires) En vrai : c’est juste un vrai BG. Du coup il dissimule son visage divin pour rester dans l’anonymat et vivre une vie faite de calme et de tranquillité.
Plus sérieusement, réaliser un clip vidéo professionnel constitue une étape artistique nécessaire et indispensable selon vous pour un groupe de Métal de nos jours ?
D’après notre jeune expérience, nous dirions que oui. Il semble qu’il faille être plus visible virtuellement que réellement pour promouvoir une musique aujourd’hui. Du coup nous essayons de jouer sur les deux tableaux dans la mesure du possible (des clips et des lives). Après le concept du clip c’est quand même génial. Concrétiser visuellement ce qu’on a dans le sang et dans nos ondes sonores c’est le kiff. Ça permet aussi de découvrir un autre art, une autre manière de regarder, transmettre, construire : bref, de la découverte. C’est vraiment plaisant.
Musicalement, Prismeria semble être une fusion de différents genres Métal comme le Power/Thrash, le Death Metal, le Deathcore, le Djent et le Metalcore, rendant votre musique très frontale et heavy, directe. Prismeria comprenant cinq membres, est-ce facile de combiner les goûts et idées de chacun surtout pour élaborer un tel premier album ?
Oui, il n’y a pas trop de soucis à ce niveau. On est en phase tous les cinq dans nos têtes. On se connait tous, on sait ce que chacun apprécie et quelle est l’orientation musicale du groupe. On dissémine donc cela plus ou moins dans chaque compo’ tout en faisant attention au fait que cela soit fluide, que cela reste cohérent, efficace et surtout pas téléphoné ou caricatural selon notre subjectivité. Il faut qu’on ressente la musique, l’énergie en nous lors des sessions de composition : c’est vital.
Votre premier album s’appelle Requiem, pourquoi ce titre déjà utilisé à maintes reprises par des artistes dans la musique et particulièrement dans le Métal ? (Paradise Lost par ex. a déjà publié dans le passé un album In Requiem (2007) D’ailleurs à la même période que le vôtre cette année (à un mois près), sortait aussi le tant attendu Requiem de Triptykon (entamé du temps de Celtic Frost en 1986-87 sur l’album Into The Pandemonium). Simple coïncidence ou coup marketing ?? (sourires)
Ha ha ha ! (rires) Simple coïncidence. Le titre est venu naturellement. Pour rappel un requiem est une messe de l’Eglise catholique qui a lieu juste avant un enterrement ou lors de cérémonies du souvenir. Il peut être lu de pleins de manière différentes. On est en pleine période de rupture sur de nombreux points en ce moment : l’environnement, l’IA, l’économie, l’humanité dans son ensemble et son fonctionnement global, etc… A chacun d’y voir sa propre interprétation…
Deux influences prédominent sur Requiem : le Death/Thrash moderne (l’instrumental “ Life ”, “ Passenger ”) mais aussi le Metalcore. Paradoxalement, il n’y a aucun chant clair mélodique chez vous ce qui est relativement courant sur les refrains dans le genre Metalcore bien souvent. Qu’en pense votre chanteur Cyril ? Est-ce envisageable et dans ses cordes (vocales (sourires) ou bien vous ne voulez pas céder à la tentation des refrains mielleux en chant clair typique du Metalcore ?
Pour l’instant le chant clair n’est pas réellement désiré par le groupe. Ce n’est pas quelque chose qui nous touche musicalement parlant. Du coup, on n’en insère pas. Cyril ne dirait sûrement pas non mais ça n’est pas une direction musicale qui est dans nos projets (y compris pour le futur album).
Question plus technique pour les guitaristes que vous êtes : vous ne jouez pas sur des 7 ou 8 cordes comme c’est la grande mode actuelle dans ces genres de Métal, mais sur 6 cordes a priori. Avez-vous un accordage particulier pour sonner ainsi ? (accord en La peut-être ?)
Nous sommes accordés tout simplement en Mi-Standard sur cinq chansons des neuf compositions que compte l’album, deux autres sont en drop Ré et deux autres en Ré standard. On aime beaucoup les possibilités de jeu offert par ces accordages. On s’y sent bien. Donc on va continuer là-dessus. Ces accordages découlent de la souche musicale Métal des deux guitaristes du groupe orientée plutôt vers le Thrash/Death des années 80/90.
A l’écoute de Requiem, on a vraiment le sentiment d’un gros travail de composition en amont mais aussi d’interprétation en studio. Comment avez-vous effectué l’enregistrement de Requiem ? Et où se situe le Convulsoud Studio? En France ? Qui l’a produit et mixé ?
En effet la quasi-totalité de l’album a été composé en amont. Il y a eu quelques petites retouches en studio mais très légères. C’est une full prod’ où chacun des musiciens a enregistré individuellement ses parties. Aucun membre du groupe n’avait fait de studio avant. Ce fut une vraie découverte. Du plaisir mais aussi de la violence pour obtenir le meilleur de ce qu’on pouvait donner. Le studio Convulsound se situe à Lyon. Il est géré par Thibault Bernard qui a enregistré, mixé et masterisé notre album (et beaucoup d’autres à écouter). On le recommande à donf ! Il a fait un super bon taf !
Vers la fin de Requiem, un morceau acoustique (“ Low Hopes of Men ”) figure, permettant une certaine respiration avant de conclure l’album, alors que juste avant cela, sur “ Deep Into Dementia ” avec sa rythmique presque sortie tout droit du dernier Sepultura où vous êtes assez offensifs avec les percussions. Pourriez-vous développer ce genre de choses (guitares acoustiques, percussions, côté plus mélodique ou progressif sur des morceaux plus longs et techniques) à l’avenir, notamment sur un second album ?
Nous avons choisis de placer ce types de « moments », acoustiques, percussifs, purement instrumentaux ou autre de manière instinctive. Pour le prochain album, nous ne nous posons pas ce type de questions pour le moment. Tout est encore frais, voire pas encore né. Nous allons explorer de nouveaux horizons, et voir ce qui en ressort.
Un second album est-il d’ores-et-déjà dans les esprits (voire dans les disques durs du studio ou vos ordinateurs) car le confinement a pu être propice en matière d’inspiration musicale et lyrique et peut-être permis d’attaquer déjà l’écriture de nouvelles chansons pour un prochain EP ou LP ?
Oui, c’est exactement ça : c’est en cours d’écriture. Mais on va prendre le temps pour bien construire ce second LP. Un nouveau bassiste est arrivé avec de nouvelles idées, on va continuer d’explorer jusqu’à être satisfait. Et puis on souhaite donner du temps et promouvoir à fond ce premier album.
Le line-up a évolué dernièrement à la basse. Qui est le remplaçant d’Alexandre Gros qui jouait masqué à ce poste ? Et quels sont les projets du groupe pour cette fin d’année et l’an prochain malgré le flou artistique actuel ?
Hé oui, Alex était en avance sur tout le monde depuis deux ans déjà ! (rires) Notre nouveau bassiste s’appelle Xavier Loche (Warband, STFU). Une tournée européenne était prévue en Septembre 2020 pour défendre l’album suivi d’une française début 2021. Tout a donc été chamboulé par le Covid-19. La tournée européenne est en train d’être reprogrammée pour Février-Mars 2021. De manière générale la situation est assez incertaine, personne ne sait vraiment ce qu’il se passera cet automne/hiver au niveau sanitaire ou politique (frontières)…Nous avons quelques dates de prévues en France en cette fin d’année mais on est plutôt dans le flou. En attendant, on reste actifs : on compose le second album mais on prend notre temps car on veut défendre à fond comme il se doit Requiem. Sinon on fait aussi des shootings photos et peut-être bientôt un nouveau clip !
CHRONIQUE ALBUM
PRISMERIA
Requiem
Power/Thrash/Deathcore Metal
Autoprod.
★★★★☆
Auteur d’un premier EP Lost Indiviual Thoughts en 2018, Prismeria délivre aujourd’hui un premier effort longue durée très professionnel et déjà mature, tant en termes de technicité, de solidité dans ses compositions, que dans la production sonore ou son artwork soigné rappelant quelque peu l’œuvre d’un certain Spiros « Seth » Antoniou (Septicflesh) sur le disque Night Eternal de Moonspell par exemple. Ce quintet lyonnais vous donne d’emblée la pêche avec « North », un premier titre nerveux et énergique qui donne le cap à ce Requiem catchy et déjà très impressionnant. Rapidement suivi par « Native Spirit » au vidéo clip réussi, Prismeria déroule sa fusion Thrash/Deathcore teintée d’influences groovy Djent et Powercore. On apprécie les passages plus mélodiques (l’excellent instrumental « Life » ou le mélancolique « Low Hopes Of Men ») et les quelques soli de guitare ici ou là utilisés à bon escient. Captivant jusqu’au bout, et ce même si parfois un chant clair aurait été judicieux pour apporter plus de contraste vocal, Prismeria possède un réel potentiel, et des morceaux comme « Deep Into Dementia » avec ses percussions ou l’acoustique « Low Hopes Of Men » ouvrent de larges horizons au groupe français qui prépare déjà un second album. [Seigneur Fred]
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