Parmi les divers groupes et projets musicaux de Rune Eriksen alias « Blasphemer », actuel guitariste d’Aura Noir et ex-gratteux de Mayhem qui eut la lourde tâche de succéder à Euronymous (R.I.P.) en 1994 jusqu’en 2008, voici son dernier bébé solo baptisé Ruïm (à ne pas confondre avec l’excellent one man band français RüYYn). Après l’arrêt d’Ava Inferi avec sa femme et la parenthèse Vltimas au côté de David Vincent (ex-Morbid Angel), l’artiste norvégien semble revenir ici à ses premiers amours : le black metal occulte… Mais attention, à la sauce norvégienne et désormais portugaise, Blasphemer vivant depuis une bonne dizaine d’années maintenant au Portugal du côté d’Almada. Ruïm n’est cependant pas tout à fait un projet solo, puisque l’on retrouve derrière les fûts un certain César Vesvre alias « CSR », batteur français (cocorico !!) qui a notamment sévi chez Agressor (live) et Thagirion. Bref, nos deux compères ont déjà un CV plus qu’intéressant en matière de metal extrême, et pas des plus catholiques…
Pour ce premier opus Black Royal Spiritism – I. O Sino Da Igreja qui appelle d’ores-et-déjà une suite, Blasphemer propose un black metal original à travers huit plages. On ressent bien sûr les racines scandinaves du monsieur qui, en plus de son superbe travail à la six cordes, chante également pour un rendu totalement convaincant. Cependant, diverses influences sont distillées dans ce black metal venimeux, teinté de rage, de mélancolie, flirtant parfois avec le dark et le doom metal sur certains passages (on est loin tout de même des relents à la Ava Inferi). Les rythmiques sont incroyablement musclées (l’expérience Vltimas a laissé de bonnes traces visiblement), notre batteur frenchy CSR faisant un boulot monstre, assez proche de Hellhammer de Mayhem. Ce qui est intéressant chez Ruïm, c’est donc le développement de ces atmosphères brumeuses, étranges, où l’on croit percevoir un instant un peu de lumière dans ces abysses, mais les ténèbres nous envahissent tôt ou tard, et ce, de façon parfois violente, ou alors lentement, de manière sinueuse et perfide, comme sur le long morceau d’ouverture avec son titre à la Revenge « Blood.Sacrifice.Enthronement ». Les arpèges contribuent grandement à cette ambiance sombre et oppressante, et les voix et parfois interjections de Blasphemer vous donnent envie de regarder derrière vous en marchant dans la rue la nuit venue, ou sous votre lit avant de vous endormir (« The Triumph (of Night & Fire) »). Comme évoqué précédemment, le style de Blasphemer est relativement reconnaissable au niveau de ses riffs, affutés comme jamais et d’une précision digne d’un orfèvre. L’influence de son passé avec Mayhem demeure naturelle chez lui et se fait souvent sentir ici, et ce, pour notre plus grande joie. D’ailleurs, une reprise de la chanson « Hall Of Seraphs » apparaît en sixième position sur l’album, titre extrait à l’origine de l’EP Wolf’s Lair Abyss qui fut le premier enregistrement studio de Blasphemer avec Mayhem en 1997. Si elle n’apporte pas grand-chose à l’original très honnêtement, c’est toujours bon à entendre pour les fans que nous sommes. Mais l’âge avançant, Blasphemer semble libre, serein, et s’affranchit de son glorieux passé sans jamais le renier, et sait apporter du sang neuf et frais quand il le faut. Ainsi, il n’hésite pas à chanter avec une voix claire par moment, à calmer le jeu avec des mélodies de guitares à l’ambiance feutrée et calme, voire même glisser un petit interlude (« Ao Rio ») pour nous emmener dans son univers personnel, et atteindre cette fameuse église évoquée en sous-titre de l’album (« O Sino da Igreja » qui conclut violemment l’album. En attendant la suite en studio, et d’éventuels concerts dans l’Hexagone, voilà une superbe entrée en matière pour s’initier au black metal ésotérique de Ruïm. [Seigneur Fred]
Publicité