SPECTRALE
Arcanes
Néo Folk/Prog’
Les Acteurs de l’Ombre Prod.
Voici une sortie de disque quelque peu osée de la part du label nantais Les Acteurs de l’Ombre qui n’a pas peur de s’éloigner des sentiers battus du Black Metal afin de nous apporter un peu de douceur mélancolique dans ce monde de brutes actuel si anxiogène… Si l’on connaissait déjà les Bordelais d’Arcane pour son guitariste Jeff Grimal, ex-gratteux et chanteur des excellents The Great Old Ones parti en 2018, et son premier album au nom étrange ▲ paru il y a déjà trois ans, ce second album capté au Arcanes Studio (logique au vu du titre de l’album), mixé par Matthieu Dumas et masterisé par Cyrille Gachet saura vous apporter calme et méditation à travers quarante-sept minutes dédiées au jeu de cartes du tarot, rien à voir ici cependant avec le groupe Tarot du de l’artiste finlandais Marco Hietala et des non moins fameux Nightwish… Non, ici point de Heavy Metal ou de distorsion de guitares bien qu’il y a justement des cordes. Spectrale nous accueille tout en douceur dans une douce mélancolie véhiculée par le violoncelle et les guitares classiques (« Ouverture ») pour nous bercer dans des mélodies intimes rappelant parfois les passages instrumentaux plus formatés Pop/Rock progressive des célèbres anglais de Liverpool, non pas les Beatles comme le pensiez mais nos amis d’Anathema (période années 2000-2010). Attention, cependant, nos Français possèdent leur propre univers et utilisent uniquement des instruments classiques auxquels s’ajoutent quelques effets et arrangements très sobres et subtiles (la fin plus lumineuse de « Le Soleil »).
Le quatuor bordelais mélange avec classe en fait à la fois la folk acoustique, le rock progressif, la musique classique, un peu de blues, le tout dans une ambiance de musique de chambre. Savourez par exemple la mélodie de « L’impératrice » à la fois légère et rythmée, technique mais sans trop en faire, tout en fluidité et talent. Certains titres deviennent presque obsessionnel comme et son tic-tac tel un métronome. C’est beau, empli d’émotion sans trop en faire, ni trop technique de telle sorte que l’oreille d’un auditeur non averti ne s’y perdra malgré certaines méandres comme si les musiciens voulaient jouer avec nous, normal, encore une fois Arcanes est basé sur le jeu du tarot. On apprécie également les influences méridionales, presque tsiganes, grâce à ces magnifiques guitares acoustiques comme sur mais surtout « Le Bateleur », rare morceau chanté ici par Laure Le Prunenec, car vous l’aurez compris, sur cet album : place à l’instrumentation et non au couplets/refrains d’un chant qui parfois envahit trop la musique alors que celle-ci ne demande qu’à respirer…
Si cela pourra lasser certains auditeurs, ce morceau à la fois grave et vivant réveillera ceux plongés dans leur torpeur. Presque incantatoire, ce titre est tout simplement magnifique. Bien que tout cela soit à des années lumières des disques de Métal, on y retrouve pourtant les mêmes sentiments (mélancolie, colère, etc.). Certains verront même quelques réminiscences de Rammstein (période Reise, Reise) sur le titre plus dark « La Lune » à travers la rythmique de basse jouée à la guitare sur la grosse corde rappelant le tube « Los » des célèbres teutons. Un bel album donc de la part de Spectrale avec une approche originale, qui détonne certes dans le catalogue toujours plus riche des Acteurs de l’Ombre Productions. Arcanes repose un peu nos esgourdes, reflétant ainsi les expérimentations des artistes issus de la scène Métal comme ici Jeff Grimal et son batteur Léo Isnard. Comme quoi en France et en Navarre, nous possédons d’incroyables talents si vous en doutiez encore, n’ayant pas peur de casser les frontières musicales.
P.S. : Si par contre vous préférez les tonalités plus gaies à la guitare classique aux influences hispaniques abordables et pas trop indigestes, nous vous conseillons au passage aussi le superbe concierto d’Aranjuez revisité par le guitariste et jeune prodige toulousain Thibault Garcia (Révélation aux Victoires de la musique classique en 2019) paru également cet automne (Warner Classics).
[Seigneur Fred]
Publicité