Dès sa création en 2012, The Dead Daisies fut qualifié de super groupe à juste titre d’ailleurs au vu des pointures qui ont défilé dans ses rangs créant un turn over incessant (Glenn Hugues en 2019, puis John Corabi au chant, accompagné de Tommy Clufetos a la batterie et de Michael Devin à la basse). Un nouveau départ ou un retour aux sources, à vous de juger ! [Entretien avec Doug Aldrich (guitare/chant) par Pascal Beaumont – Photos : DR]
Du 6 au 22 juin 2024, vous avez parcouru les États-Unis. Comment as-tu vécu ce périple qui a duré presque un mois ?
Oui, on a joué pendant trois semaines, on y a pris beaucoup de plaisir en offrant de nouveaux titres au public. C’était vraiment très drôle de jouer des morceaux que personne ne connaissait. On a proposé trois ou quatre nouvelles chansons des deux albums avec Glenn Hughes (Ndlr : Holy Ground (2021), Radiance (2022)). C’était très intéressant car de prime abord on aurait pu penser qu’il allait être très difficile d’interpréter les chansons à la place de Glenn mais John Corabi a réussi à les chanter comme ils avaient été écrits en y apportant sa vibe personnel et ça sonnait très bien. Bien sûr, Glenn Hughes c’est la voix du rock, c’est une légende, il a donc fait ses parties vocales à sa manière mais John a vraiment fait du bon boulot sur ces morceaux, il se les a réappropriés.
Comment as-tu vécu le retour de John Corabi justement au sein de The Dead Daisies après quatre ans d’absence ainsi que celui de Tommy Clufetos, parti en 2022, et l’arrivée de Michael Devin (Whitesnake) ?
C’est différent, bien sûr, que ce soit sur scène ou en studio. En 2018, après la tournée pour défendre l’opus Burn It Down, John a eu envie de faire un break, ce que nous comprenions parfaitement mais il nous fallait aussi aller de l’avant et c’est à ce moment que Glenn Hughes nous a rejoints. Il a enregistré deux disques avec nous Holyground en 2021 et Radiance en 2022 et c’était très bien car nous prenions une nouvelle direction musicale. C’est ce que nous aimons et ce pourquoi nous existons, il y a des changements réguliers au sein de la formation et ce depuis le début, les musiciens arrivent et s’en vont. Je crois qu’avec le retour de John, nous sommes plus solides en tant que groupe. Il était présent presque au tout début et ça a donné un line up très solide, ensuite certains sont partis pour rejoindre Guns & Roses comme Richard Fortus, c’est comme cela depuis les débuts des incessants changements. John est de retour. Je suis arrivé en 2015, Dizzy Reed est parti, on a fait Make Some Noise avec Marco Mendoza à la basse et Brian Tichy derrière les fûts et maintenant John nous revient après plusieurs années d’absence, il y a eu la pandémie aussi. Mais rien n’a été programmé, on s’est juste dit on va faire une tournée et sortir un Best Of ou beaucoup de titres avait été composés par John, donc tout était parfait. Marco lui faisait une tournée solo pour promouvoir son opus Take It To The Limit, on a donc fait appel à Michael Devin de Whitesnake et Brian Tichy, tout s’est bien passé. Aujourd’hui on a Tommy Clufetos qui est de retour. Ce n’est pas un nouveau venu, il a fait partie de The Dead Daisies à plusieurs reprises, la dernière fois c’était avec moi et Glenn (Ndlr : Janvier 2021 à janvier 2022) et désormais on est une fois de plus réunis et on sent qu’il y a quelque chose de très positif, les deux ensemble ça donne un truc massif incroyable, c’est une très bonne section rythmique et John chante d’une façon incroyable, il a toujours été bon. Je le connais depuis que nous sommes enfants, il a toujours eu cet aura de stars. C’est une belle personne, très intelligente. Depuis toutes ces années, il a toujours tout donné vocalement, c’est incroyable, il a une voix extrêmement puissante et très forte à la fois. La dernière fois que nous avons tournée ensemble en Europe en 2018, il avait une bronchite. Il a été malade pendant quinze jours et il a continué à chanter chaque soir. Il ne nous a pas lâchés, on lui disait : « John, là il faut consulter un docteur ». Il répondait oui, oui, et il était là debout chaque soir sur scène. C’était incroyable. Je suis vraiment très impatient de revenir en Europe, rencontrer nos fans et jouer les nouveaux morceaux en concerts.
Depuis de nombreuses années tu as une relation particulière avec la France et Paris que t’évoque la capitale et l’Hexagone ?
C’est vrai, je ne peux rien oublier de ce que j’ai vécu en France, c’est un pays qui a été très important pour moi. Je crois que la première fois que je suis venu chez vous, c’était en 1993. J’ai alors rencontré un grand responsable d’un label NTS (Ndlr : Nothing To Say), Olivier Garnier, qui m’a permis de développer mon groupe (Ndlr : Bad Moon Rising) et de rencontrer beaucoup de médias, on est resté amis depuis ce jour. Les fans français sont exceptionnels, ils sont gentils et collectionneurs, ils aiment le rock’n’roll, ce sont des passionnés. À chaque fois que j’ai l’occasion de venir, je rencontre des amis, on boit du vin, c’est tellement agréable. En 2022, j’ai passé cinq jours de vacances à Paris, ma famille est venue me rejoindre. On a passé un moment merveilleux, on a fait des balades à moto dans les rues de la capitale, on a fait du bateau sur la Seine, c’était magnifique, on y a pris beaucoup de plaisir. Mes fils ont adoré, il y a définitivement quelque chose de spécial dans cette ville.
Pour ce septième effort Light ‘Em Up, vous avez été très rapides pour composer et enregistrer les nouveaux morceaux en studio à Nashville sachant que Radiance est sorti en 2022. Y’avait-il une volonté de revenir très vite sur le devant de la scène ?
En fait, on n’avait rien planifié après la tournée pour le Best Of. On s’est juste dit que ce serait bien de composer ensemble quelques nouveaux morceaux. Ensuite, on s’est retrouvé à Nashville avec Marti Frederiksen (Aerosmith, Ozzy Osbourne, Mötley Crüe, The Struts, Ayron Jones…) et on a commencé à écrire tous ensemble. On a par la suite donné quelques concerts, tout s’est fait dans différents studios et les idées ont commencé à évoluer et devenir plus concrètes. On a pris aussi sur notre temps libre pour enregistrer, travailler… Finalement on s’est retrouvé avec un paquet de titres mais on trouvait qu’ils n’étaient pas assez forts pour enregistrer un disque entier. On avait quatre chansons qui tenaient la route, pas plus. Marti nous a alors montrer un riff qui a donné naissance à « Light ‘Em Up ». Il avait été composé à l’origine par Stevie D. de Buckcherry et on a composé le reste du titre par la suite. John a ensuite posé son texte et sa voix, ça parle de la vie rock. C’est à ce moment là que l’on a su qu’on était prêt pour travailler sur un nouveau disque. On a continué à écrire et travaillé comme on l’a toujours fait, on a regroupé nos idées pour échanger et composer ensemble, jouer de la guitare acoustique, parler entre nous, travailler aussi sur les arrangements. Ensuite chacun a repris ses instruments et on jammé tous ensemble. On a fait des modifications avec Marti qui te dit : « oui c’est cool mais on pourrait faire comme ci ou comme ça ». Il nous conseille et nous fait avancer. Lorsque on sait que l’on tient la bonne chanson, alors on enregistre jusqu’à ce que se soit parfait, on la range, l’édite, et on passe à une autre. On a fini par avoir dix morceaux solides. Ensuite on les a rejoués pour faire d’autres changements musicaux, on les joue pendant deux ou trois heures, et lorsque c’est bon, on enregistre et ainsi de suite. Il nous a alors fallu deux semaines.
En écoutant ce nouvel album, on a sincèrement l’impression d’un retour à l’époque de Revolución et Make Some Noise, les deux premiers albums de John Corabi ?
Oui, c’est définitivement le retour à l’esprit des premiers instants lorsque John est arrivé, c’est notre chanteur depuis presque les tout débuts. Il est un peu celui qui nous montre la voie à suivre. Mon job à moi est de présenter des idées et de faire en sorte que cela colle avec la voix du chanteur. Je l’ai fait avec Ronnie James Dio, David Coverdale, John Corabi, Glenn Hughes, et c’est mon métier de jouer de la guitare. John a marqué ce disque, le groupe et tous ceux qui ont participé au projet ont été très cool chacun à leur façon en apportant quelque chose et ça a collé parfaitement entre tout le monde. C’est un nouveau pas dans la même direction mais en empruntant un autre chemin. On propose du rock brut bien rentre-dedans et aussi des grooves différents. John a travaillé les textes et ses idées sont plus profondes. Il y a quelques titres qui sont vraiment énormes. Il y aura toujours chez The Dead Daisies quelque chose qui sera très rock ’n’roll. On compose des choses qui nous emmènent dans des univers différents à chaque fois, il y a ces chorus qui sont importants et t’emportent et font qu’une chanson est différente et ne ressemble pas aux autres. C’est du bon rock, tout simplement.
Justement cet opus se clôture par le superbe « Take My Soul » qui est beaucoup plus épique et qui, comme tu le disais si justement, te transporte ailleurs ?
C’est très bien que tu me parles de ce morceau, je vois que tu as écouté l’album. (sourires) Je ne savais pas si tu l’avais déjà reçu ou pas en fait… C’est vrai que c’est une chanson plus profonde, sombre. Lorsque John m’en a parlé j’avais cette idée très heavy dans mon esprit. On a fait beaucoup de shows et c’est ainsi que l’idée est venue, c’est l’esprit du sud profond américain… En studio on écoutait Aretha Franklin, tous ces artistes des années 50/60, on était à Nashville, on était très inspiré par cette ville et la région, et j’ai trouvé ce riff. C’est ainsi que tout à commencer, c’est devenu ce long morceau épique. On plaisantait souvent à propos du texte mais on savait qu’il fallait trouver un thème très différent.
Comme à votre habitude, figure une reprise. Cette fois-ci, vous avez choisi « Take a long Line » de The Angels, autre groupe d’origine australienne (issu de l’album Face To Face sorti en 1978). Qu’est qui a motivé ce choix ?
C’est un titre que David Lowy voulait reprendre, il adore The Angels (Ndlr : Angel City en Europe). Il a grandi avec eux. C’est aussi devenu des amis avec qui il a partagé certains morceaux. Il nous a fait cette suggestion et on l’a joué en y apportant notre propre patte avec quelques petites retouches. C’est un grand classique, très amusant de le jouer. J’adore ça. Sa simplicité permet de dégager beaucoup d’énergie.
Enfin, séquence nostalgie…Tu as collaboré avec Ronnie James Dio par deux fois de 2001 à 2004 et de 2005 à 2006. Qu’as-tu appris à ses côtés selon toi ?
C’était très inspirant de travailler avec lui, j’étais toujours excité lorsque je rentrai en studio avec Ronnie. Il était avec moi fondamentalement tout le temps mais il ne faisait pas tellement trop attention à moi. Il voulait se baser uniquement sur l’état d’enregistrement et la console. Il faisait des mots croisés et quand je lui disais s’il pouvait écouter ce que je lui proposais, il me disait de le jouer. La plupart du temps il était satisfait, cela sonnait bien. Il aurait pu dire : « j’aime beaucoup mais pourquoi n’essaies-tu pas de faire quelque chose de différent ? ». Du style : « »u as fait ça, fais quelque chose d’autre maintenant ! », mais non. Il m’encourageait. Cette partie est très bonne, tout le monde aimera aussi. Il était très inspirant c’est presque comme si moins il en disait plus j’étais inspiré. Il me faisait confiance, il savait que j’essayais de bien jouer pour lui et écrire de bons morceaux, il avait huit titres déjà écrits presque tout était prêt mais pour les parties de guitares il fallait trouver les mélodies, les idées. Nous avons fait cela ensemble et avons écrit deux morceaux avec Jimmy Bain, et c’était juste incroyable. Toute l’expérience avec Dio fut incroyable. La première fois que je suis venu travailler en studio avec lui je suis venu avec mon camion, j’ai ouvert le coffre pour sortir mes affaires et là et un gars m’a dit ne touches pas à ça. C’est mon job, tu es le guitariste. C’est si cool, va voir Ronnie, sors de là et je m’occupe de tout. Je faisais partie immédiatement en tant que membre de la famille et cela m’a ramené à des années plus tôt lorsque j’avais un groupe qui s’appelait Lion (Ndlr : 1983–1989). C’était comme ma famille, des frères, nous vivions ensemble dans le même appartement sans mobilier, nous étions fauchés. Nous avons fait un disque (Ndr : Dangerous Attraction en 1987) qui était très bon mais nous avions un contrat d’enregistrement qui ne faisait pas de concession et le groupe s’est donc séparé. C’était comme une famille qui se séparait… Ensuite j’ai commencé à travailler avec House of Lords et Hurricane avec Kelly Hansen (Ndlr : Kelly Hansen pre-Unruly Child & Foreigner), et je me suis beaucoup amusé, c’est certain. Ensuite avec le chanteur Kal Swan (Ndlr : ex-Tytan) avec lequel on a fondé Bad Moon Rising. C’est là où j’ai rencontré Olivier Garnier (ex-label NTS). C’était une période agréable, on s’amusait vraiment et lorsque j’ai rejoint Dio, je me suis senti de retour à l’origine comme au début. C’était comme une famille où tout le monde avait son travail à faire, l’idée étant de collaborer et faire du bon travail ensemble.
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