THE SPIRIT : Les pieds sur terre, la tête dans les étoiles

Remarqués en 2017 avec son premier opus Sounds From The Vortex qui bénéficia d’une réédition par le label Nuclear Blast l’année suivante, The Spirit a récidivé en ce début d’année avec une excellente seconde galette de Black/Death Metal technique et mélodique baptisée Cosmic Terror (Art Of Propaganda Records). Basés à Sarrebruck, non loin de la frontière franco-allemande, nos voisins teutons s’éloignent lyriquement des clichés du genre tout en empruntant la majorité de leurs influences musicales à leurs cousins scandinaves, ce qui ravira les amateurs de Dissection, Sacramentum et compagnie mais pas que, car ce trio allemand possède véritablement de sérieux atouts confirmés sur leur nouvel album.
[Entretien avec Matthias alias « M.T. » (guitare/chant) par Seigneur Fred – Photos : Anne-C Swallow]

THE SPIRIT


Parlons tout d’abord musique et business autour du lancement de votre second album Cosmic Terror en début d’année. Je présume que vous êtes inquiets pour la promotion et les ventes de ce nouvel album ainsi que vos tournées qui ont été annulées, mais aussi vos participations aux festivals européens ce printemps et cet été (Festival Ragnarök, Wacken Open Air, etc.) ?
Malheureusement, cela a eu un effet sur la promotion de l’album et c’est un problème rencontré par tous les groupes qui ont sorti un nouvel album au cours des trois derniers mois. Mais se plaindre n’a aucun sens car il n’y a rien que l’on puisse faire. En revanche, j’essaie de voir le côté positif des choses. Nous avons eu au moins quatre semaines de délai entre la date de sortie de Cosmic Terror et le moment où le virus a frappé tous les pays européens. Nous et le label Art Of Propaganda avons été un peu dépassés par toutes les bonnes réactions de la presse et des fans à ce moment-là à vrai dire. Nous avons pu donner quelques concerts juste à la sortie de l’album en février et la plupart des disques ont été maintenus avant le pic de l’épidémie. En fait, on a pu toucher avec Cosmic Terror de nombreuses personnes qui n’avaient jamais entendu parler de The Spirit avant et deux semaines après la date de sortie, le label a dû commander un deuxième pressage du vinyle car il fallait s’attendre à ce que le premier pressage soit bientôt épuisé, ce qui est arrivé quelques semaines plus tard… Le fait que tous les festivals d’été soient annulés est une vraie déception, bien sûr, car c’est la meilleure façon de présenter le nouvel album et de toucher de nouvelles personnes. Mais comme je l’ai dit, nous ne pouvons rien faire, nous nous concentrons donc déjà sur 2021 et au-delà.

Maintenant, peux-tu résumer l’histoire de The Spirit fondé en 2015 à Sarrebruck (Land de Sarre) en Allemagne ? Est-ce une histoire d’amis au départ avec les mêmes influences et une fascination commune pour le Black/Death Metal à la suédoise par exemple ? (sourires)
Je cherchais depuis des années un bon batteur et tout le monde dans le milieu peut te dire ô combien il est difficile d’en trouver un. Et si tu en trouves un, il est très probable qu’il joue déjà dans plusieurs autres groupes. Donc j’ai plutôt été ravi d’avoir rencontré Manuel en 2015 qui était très intéressé pour travailler ensemble après lui avoir dit ce que je voulais faire avec The Spirit et quelle était ma vision des choses pour ce groupe. Il a un style de batterie très varié, car il travaille également comme professeur de batterie. C’est un point très important pour moi, car je ne voulais pas quelqu’un qui ne puisse jouer que des rythmes de Black Metal standard non-stop. Surtout sur notre dernier album, il montre qu’il a de nombreuses compétences au-delà des rythmes explosifs de blast-beats et des grosses rythmiques. Avec Manuel à la batterie, on a alors commencé l’écriture de notre premier album Sounds From The Vortex, et un an plus tard, les deux autres gars (AK & AT) ont rejoint le groupe avant d’entrer en studio d’enregistrement. Depuis 2019, The Spirit est un groupe paisible de trois personnes avec un guitariste de session live pour les concerts.

Votre premier album Sounds From The Vortex est sorti sur le label Eternal Echoes en 2017 mais a été réédité plus tard en 2018 sur Nuclear Blast pour une meilleure distribution mondiale. Avez-vous été totalement satisfaits de cet accord avec Nuclear Blast pour avoir décidé de publier votre second album à présent non pas sur Nuclear Blast mais sur le plus petit label Art Of Propaganda Records en fin de compte ?
Nous n’avons pas signé de contrat avec Nuclear Blast uniquement pour rééditer notre premier album. Mais il y a un an et demi, Nuclear Blast a été vendu et à cause de cela il y a eu de gros changements, donc nous avons eu l’opportunité de travailler pour notre deuxième album avec un autre label. Quand je regarde en arrière, je suis extrêmement heureux que tout se soit passé comme ça parce que se retrouver avec AOP Records a été la meilleure chose qui puisse nous arriver. Bien sûr, AOP est un label beaucoup plus petit que Nuclear Blast, en effet. Mais ils sont très passionnés, soutiennent leurs artistes et donnent toujours 100% et vu comment tout se passe actuellement déjà avec Cosmic Terror, cette collaboration s’avère être exactement ce dont The Spirit avait besoin pour faire un gros pas en avant. Après quelques années dans le monde de la musique, je peux te dire que les gens bons et fiables sont très rares car comme dans toutes les autres entreprises, il y a beaucoup d’idiots et de vampires. Nous sommes donc très heureux de continuer à travailler avec ce super label à présent.

THE SPIRIT


Les chansons de Sounds From The Vortex étaient déjà très solides, et ce dernier reçut d’ailleurs de bonnes critiques en 2017-2018. Qu’avez-vous essayé de corriger ou d’améliorer sur le nouvel album Cosmic Terror ? Y’a-t-il de nouveaux éléments/ingrédients ? Si oui, lesquels par exemple ?
Au début du processus de composition de Cosmic Terror, j’avais des doutes si nous pouvions réussir à créer un digne successeur de Sounds From The Vortex car je savais que nous nous avions mis la barre très haut avec ce premier album. Mais quand la première chanson a été composée et écrite, c’était comme un gros coup de pouce de motivation pour la suite, et j’ai essayé de ne pas penser à notre premier album ou à ce que les autres pourraient attendre ou aimer de nous sur le nouveau disque. J’ai juste mon truc du mieux possible afin de créer la meilleure musique qui soit sans trop me soucier du reste. Nous avons ajouté quelques éléments progressifs supplémentaires comme par exemple sur la partie centrale du titre « The Path of Solitude » ou bien dans la chanson-titre « Cosmic Terror ». En tant que guitariste, il est assez facile d’écrire toujours des riffs d’une certaine manière. Les riffs avec lesquels tu te sens facilement à l’aise parce que ça semble naturel, à cause de la mémoire musculaire, etc. Même quand tu possèdes un côté qui est bon parce que c’est ton style et rend ta musique reconnaissable, c’est bien, mais tout sonne un peu de la même manière, or je crois qu’il est donc important de sortir parfois de sa zone de confort. Prenons par exemple le riff principal du morceau « Pillars of Doom ». Quand j’ai trouvé ce riff à la guitare, c’était très étrange de le jouer car il est un peu différent de la technique de jeu habituel que j’emploie. Donc, au début, je pensais que je ne l’utiliserais pas parce que je me sentais en quelque sorte contre nature. Heureusement, je l’ai finalement utilisé et nous avons même fait un clip vidéo pour cette chanson ! Quand je regarde en arrière, j’ai pensé au début de l’écriture de l’album que Cosmic Terror deviendrait un peu plus expérimental que ce qu’il est advenu. Mais bon, nous verrons, c’est peut-être quelque chose qui sera pour l’album numéro trois à présent… (sourires)

As-tu senti qu’il a été plus difficile de travailler et d’interpréter ce deuxième album afin de surmonter le précédent en termes de performance technique ? Pour un artiste en général, le second album est la confirmation du premier album s’il a été bien accueilli avec plein de promesses ensuite pour monter d’un cran ?
Comme je l’ai dit auparavant, j’avais des doutes au début et je pouvais sentir une certaine pression sur mes épaules. Mais tu dois rester prudent car cela peut tuer ta créativité d’un autre côté, et freiner ton plein potentiel si tu deviens obsédé par la technique. D’ailleurs, je suppose que ce sera encore plus difficile pour nous avec le troisième album ! (rires)

Comment s’est passé l’enregistrement de Cosmic Terror aux Woodshed Studios en Bavière chez le désormais inconturnable producteur et guitariste Victor Bullok alias « V. Santura » (Dark Fortress, Noneuclid, Triptykon, etc.) ? L’approche a-t’elle été différente en studio par rapport aux sessions de Sounds From The Vortex ? Vous a-t-il donné quelques conseils ou au contraire vous ne vouliez pas être trop influencés par son style et ce qu’il fait avec Dark Fortress ou Triptykon et ses nombreuses productions et autres projets ?
Nous avons enregistré la batterie aux Iguana Studios de Fribourg en Allemagne mais tout le reste a en effet été réalisé aux Woodshed Studios. Ce fut une très bonne décision car travailler avec Victor est un vrai plaisir. Je ne l’avais jamais rencontré auparavant, mais nous nous sommes très bien entendu, et ce, dès le premier jour. Il n’a eu aucune influence sur les chansons du nouvel album ou la structure de nos chansons car tout était déjà écrit. Mais bien sûr, il a eu une grande influence sur le son de l’album. Il a fait un travail fantastique. Cosmic Terror a un son plus clair mais en même temps plus puissant par rapport à Sounds From The Vortex, je pense. Le son global est plus équilibré ce qui correspond très bien aux nouvelles chansons. La collaboration en studio était si bonne que Victor a même eu l’idée de rejoindre The Spirit, car nous étions à la recherche d’un guitariste live à cette époque. Mais malheureusement, son emploi du temps et le nôtre ne le permettaient pas à ce moment-là. Quoi qu’il en soit, c’est devenu un bon ami et nous sommes en contact régulièrement. Je viens de lui parler au téléphone il y a quelques jours encore…


Votre musique est en effet très puissante et directe, très bien structurée techniquement et avec ce passage aux Woosdhed Studios, il en résulte un son très propre sur Cosmic Terror. Et bien entendu il y a toujours ces mélodies de guitares, très typique de toute la scène Black/Death Metal suédoise des années 90 avec les groupes phares tels que Dissection, Necrophobic, Naglfar, Mörk Gryning, Sacramentum, etc. Comment composes-tu tes chansons pour The Spirit sans jamais oublier cette influence importante qui pourrait avoir tendance à devenir un handicap mais vous parvenez toujours à l’intégrer à votre sauce ?
Merci, je suis content de l’entendre. Évidemment, les mélodies et les harmonies constituent une composante très importante de notre son de guitare. Mais elles doivent être bien écrites pour avoir un impact puissant sur l’auditeur. Mon objectif est toujours de transformer les émotions en sons, et j’espère que les gens pourront l’entendre sur ce nouvel album. Comme nous n’utilisons pas de synthétiseurs/claviers et ma gamme vocale étant limitée en raison du style de chant ici, c’est aux guitares de façonner les mélodies sur les chansons et de créer de la variété pour toujours garder la musique intéressante. Parfois, en live quand je suis sur scène, je me déteste tout seul en me disant que pour écrire des riffs de guitare comme ça, il faut être fou ou maso, parce qu’il y a beaucoup de parties où il est assez difficile de gérer à la fois le chant et la guitare en même temps ! (rires)


Au fait, le groupe s’appelle The Spirit, pourquoi donc ? On se demande bien quel est votre état d’esprit (humeur) lorsque vous composez et écrivez des chansons pour The Spirit justement ? As-tu recours à des substances (drogues, alcool) afin d’être inspiré durant les répétitions entre vous et créer de bonnes chansons et pouvoir les jouer ? (rires)
Le jam, ou le bœuf dirait-on, entre nous dans la salle de répétition ne fonctionne pas pour The Spirit. J’écris les chansons chez moi car j’ai besoin d’être seul et j’ai besoin de beaucoup de temps… Pendant l’écriture des morceaux, je compose beaucoup de riffs à la guitare, et cela peut prendre du temps avant que je sois satisfait d’une chanson. Par exemple, la première chanson que j’ai écrite pour Cosmic Terror m’a pris plus de trois mois, mais heureusement, cela ne prend pas toujours autant de temps. « Pas de remplissage, juste des tueries » : telle est ma règle d’or lors de l’écriture de chansons… (sourires) Je ne prends jamais de drogues ou d’alcool quand je compose des chansons. Je veux dire, tu te saoules quand tu vas au travail, toi ?? Je ne bois que lorsque je fais des interviews par contre ! (rires)


De quoi traitent vos paroles sur Cosmic Terror car elles semblent plutôt inhabituelles dans ce genre de musique et la pochette signée du Français Valnoir dénote un peu (pas de pentagramme comme Necrophobic ou des peintures de Kristian « Necrolord » Wahlin (Dissection, Thulcandra …) par exemple) ?
Je ne suis pas intéressé d’écrire des paroles sur Satan, marcher à travers une forêt, etc. Tout ça, d’autres groupes le font déjà et c’est fait depuis trente ans. Mes paroles parlent de ce qui se passe dans mon esprit et de la façon dont je vois le monde et tout ce qui se passe au-delà. Les textes sont assez personnels, alors j’aime garder les paroles un peu brumeuses, ce n’est donc pas si évident de savoir de quoi il s’agit… C’est aussi plus intéressant pour l’auditeur d’un autre côté car tout le monde peut faire sa propre interprétation. Et non, avec The Spirit, nous n’utilisons pas de pentagrammes, de croix inversées, le signe oméga et des trucs comme ça. Quel est l’intérêt d’utiliser des symboles que presque tous les autres groupes du genre utilisent déjà ? C’est assez ennuyeux et on essaie de faire notre propre truc. Bien sûr, ce n’est pas comme si nous inventions quelque chose de complètement nouveau avec The Spirit qui n’avait jamais existé auparavant. Nous sommes influencés par de nombreux autres groupes comme on en parlé précédemment, et d’autres genres musicaux, mais on essaie toujours de nous concentrer sur nous-mêmes au lieu de regarder ce que font les autres, et cela inclut les paroles et l’aspect visuel ainsi que la musique. Je veux dire, si nous voulons faire une chanson instrumentale avec plus de six minutes de temps de lecture comme titre, nous le faisons et point. Nous ne pensons pas si c’est la norme, le format, ou pas dans la musique que l’on fait.


Quelques mots sur l’artwork réalisé par l’artiste français Valnoir justement pour Cosmic Terror ?
Les pochettes d’albums dans les genres Black ou Death Metal se ressemblent très souvent et ce depuis des décennies… Donc, nous recherchions un artiste avec un style unique et diversifié qui pourrait créer quelque chose pour nous qui ne ressemble pas aux choses ordinaires ici et là, et qui garde bien sûr l’âme de l’album. Et nous avons trouvé en Valnoir l’artiste parfait pour cette tâche. Il a fait du très bon travail et nous sommes plus que satisfaits du résultat.


Que souhaiterais tu ajouter au sujet de ce nouvel album Cosmic Terror et The Spirit en général ?
La France signifie quelque chose de spécial pour moi et pas seulement parce que nous vivons à seulement dix minutes de la frontière. J’y ai passé aussi beaucoup de temps quand j’étais enfant et ça me fait toujours du bien d’y revenir. En plus de cela, certains de mes artistes préférés sont français comme Magma, Alcest ou Pertubator. J’espère que nous reviendrons bientôt jouer en France avec The Spirit et amènerons notre terreur cosmique sur vos scènes là-bas ! En attendant ces concerts car cela semble mal engagé pour 2020, j’espère donc qu’en 2021 tout ira mieux. On prévoit d’ores et déjà des tournées pour l’année prochaine. En plus de cela, de la nouvelle musique va être composée. Nous venons justement de commencer et nous sommes impatients de continuer notre voyage pour créer de la musique sombre.

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