TOMBS
New York is the new Black

Rares sont les formations américaines qui arrivent à percer chaque décennie sur la scène Black Metal. Il y eut par exemple Absu ou Abigail Williams dans le passé. Depuis 2007 et déjà cinq albums, Tombs progresse à vue d’œil avec son Métal noir moderne, froid mais groovy, et assez technique avec ses riffs racés et ses influences Dark intéressantes. Malgré l’épidémie qui frappe fort le pays de l’Oncle Sam, Tombs fait de la résistance en cette fin d’année sur Under Sullen Skies. [Entretien avec Mike Hill (guitare/électronique/chant) par Seigneur Fred – Photos : DR]

En fonction de la situation actuelle dans votre état aux USA, avez-vous pu donner quelques petits concerts d’échauffement afin de promouvoir sur scène votre nouvel album ou envisagez-vous bientôt pouvoir le faire ?
Tous nos shows pour 2020 ont été annulés. Nous avons joué juste une date en février dernier. Nous avions prévu un nombre important de tournées cette année mais tout a été annulé. Nous tournons un concert live dans quelques semaines qui sortira à peu près au moment de la sortie du nouveau disque (le 20/11/20). Ce n’est pas une tournée, bien sûr, mais pour l’instant, c’est le mieux qu’on puisse faire. On va filmer avec différents angles de caméra, découper des images sympas et rock’n roll ! Je veux davantage en faire une vraie production live au lieu de tous ces « jams de quarantaine » que l’on voit sur internet. Je ne les dénigre pas, mais je voudrais profiter de cette occasion pour faire justement un effort en créant quelque chose d’intéressant d’un point de vue visuel pour le spectateur et pas juste se filmer dans sa chambre. (rires)

À propos de live justement, vous avez sorti cette année un mini-album live enregistré à Chicago en 2019, intitulé Abraxas Ritual: Live in Chicago. Peux-tu nous dire quelques mots sur cet EP live paru uniquement en numérique en indépendant ? Où pouvons-nous l’obtenir ? Et pourquoi seulement quatre chansons dans cette set-list ?
Tout ce qu’il y a à faire et de se rendre sur Bandcamp et de l’acheter sur internet. Sinon il n’y a pas grand-chose à dire. Nous étions en tournée, cette salle de Chicago a enregistré quelques-unes de nos chansons et plus tard, Justin, notre batteur a mixé la session. Avec l’arrêt des tournées, nous voulions proposer quelque chose comme ce concert que les gens puissent se procurer. C’est une version assez mineure. Les enregistrements live sont toujours délicats, mais l’enregistrement représente moins ce à quoi nous ressemblions lors de cette tournée.

Maintenant, à propos de votre précédent album studio The Grand Annihilation sorti en 2017 : quel bilan dresses-tu à son sujet, trois ans plus tard et comment vous êtes-vous préparés pour ce nouvel album Under Sullen Skies ?
Tu oublies complètement l’EP studio sorti plus tôt cette année en plus du live Abraxas Ritual : Live in Chicago. Il s’appelle Monarchy of Shadows. Season of Mist l’a sorti. Monarchy of Shadows fut en plus un énorme pas en avant en ce qui concerne l’écriture des chansons, le jeu et la performance globale du groupe. Le nouvel album s’inscrit dans la continuité de cette approche justement. Quant à The Grand Annihilation, c’est probablement l’un de nos disques favoris que j’aime le moins. Les chansons ne semblent pas complètes et les performances étaient un peu ternes. Il y aeu pas mal de problèmes et drames dans les coulisses autour de la production de ce disque. Certains membres ont démissionné, le groupe se désintégrait… C’était un test de volonté de terminer cet album alors et de faire la tournée autour de lui. Je pense que tu peux entendre ou du moins ressentir l’agitation derrière la musique. Le nouvel album est bien plus satisfaisant. Tombs est redevenu une machine de précision. Tout le monde s’amuse et l’ambiance est bien plus positive.

Ce nouvel et cinquième album a un titre très sombre : Under Sullen Skies. Pourquoi un tel choix de titre ?
Tu sais, les trucs typiques : la mort, la décomposition, la solitude, la frustration. Je me penche beaucoup plus fortement sur l’image d’horreur manifeste ; l’horreur cosmique dans la veine de Lovecraft et Clark Ashton Smith. Il y a des réflexions intéressantes sur la mortalité et la peur existentielle quand on considère l’immensité de l’univers. Par exemple la chanson « The Hunger » est un hommage direct à Samhain et à Danzig. Je l’ai composé et écrit d’une traite. Il s’agit d’être immortel et de faire face à la solitude écrasante de l’éternité et de voir tout s’écrouler autour de soi…

Je croyais que c’était parce que le ciel est souvent gris du côté de New York ? Tu aurais presque pu l’appeler aussi « Under A Pale Grey Sky » comme le chantait autrefois Max Cavalera (ex-Sepultura) sur « Arise » ? (rires)
Ah ah ! Tu es à court de question sérieuse là ou quoi ? (rires) En fait, je tiens un journal d’écriture pour les paroles. Under Sullen Skies était une phrase que j’avais écrite à côté de quelques lignes qui ont fini par être utilisées pour les paroles de la chanson « Angel of Darkness » vers la fin de l’album. Cela ne correspondait pas à la chanson, mais représentait les sentiments véhiculés sur l’album. Je suis toujours la muse qui m’inspire…

Techniquement, je trouve les nouveaux morceaux très forts et techniques, surtout à la batterie et aux guitares. De plus, c’est accordé très bas au niveau des guitares dans ce genre de Black Metal que vous pratiquez. En général, comment êtes-vous accordés à la guitare et spécialement sur Under Sullen Skies ?
Voilà qui est plus intéressant… Nous sommes accordés en C Standard (NDLR : c’est-à-dire en Ré), ce qui est assez normal de nos jours. Beaucoup de groupes s’accordent en Si (B) voire en La (A). L’accordage en Ré (C) est un accord confortable. Je pense que cela convient assez bien à ma voix en plus.

Parfois, sur certaines chansons comme « The Hunger » et « Mordum » par exemple, il y a des passages de claviers sur les introductions. Est-ce quelque chose que tu aimes composer et que tu pourrais développer dans le futur sur les albums suivants de Tombs ?
Nous avons utilisé des synthés et de l’électronique sur presque tous les disques précédents sous une forme ou une autre. Justin et moi sommes vraiment intéressés à utiliser plus de synthés. Une fois de plus, je ferai référence à Celtic Frost et Triptykon, Type O Negative, des groupes que nous aimons tous collectivement et qui utilisent très bien les synthés dans leur musique. Étant de la région de New York/New Jersey, Type O et Carnivore occupent une place spéciale dans nos cœurs, tu sais. Je pense que lorsque les claviers sont bien utilisés, ils peuvent être très puissants.

En fait, le style de Black/Death Metal que vous pratiquez est très sombre, puissant, lourd et très froid mais assez mélodique. Cela sonne très moderne aussi. D’une certaine manière, voulez-vous explorer un nouvel horizon afin de redéfinir les contours du Black Metal américain actuel car les USA ont de plus en plus de bons groupes de Black Metal avec le temps (Absu, Usurper, Abigail Williams, et Tombs maintenant ?)
Je suis honoré d’être mentionné dans la même phrase que ces groupes précités. J’ai énormément de respect pour eux tous, en particulier Abigail Williams. Je pense que Ken Sorceron est un visionnaire. Nous essayons simplement de faire de notre mieux. Je ne prétends pas avoir la capacité de repousser le genre dans n’importe quelle direction. Je garde mon ego sous contrôle. Mon objectif est de tout fracasser. Je cherche à être aussi honnête que possible avec mes émotions et j’espère que la musique reflète alors cette honnêteté.

Qui chante pour le chant masculin principal sur le morceau intitulé « Secrets of the Black Sun » parce que j’ai trouvé qu’il sonne très Celtic Frost/Triptykon personnellement ? C’est toi, Mike ? On croirait entendre la voix de Tom Gabriel Fischer alias « Tom G. Warrior » dessus…?! C’est sombre et génial !
Je chante toutes les voix principales. Je suis un grand fan de Celtic Frost/Hellhammer/Triptykon, je vais donc prendre ça comme un compliment. (rires) Tom G. Warrior est une figure si importante de la musique extrême, alors à certains égards, Tombs est comme un disciple de son travail. On entend tellement de profondeur dans son travail et j’ai beaucoup d’admiration pour tous ses groupes. Merci.

Et peux-tu m’en dire davantage sur l’invitée qui assure les chœurs féminins : une certaine Sera Timms (Ides Of Gemini, Black Math Horseman) s’il-te-plaît ?
Sera est une amie proche. Elle possède une si belle voix et je suis heureux qu’elle ait pu faire partie de ce disque. En outre, elle a une appréciation similaire à la nôtre concernant les ténèbres et les choses cachées de la vie. Elle a été sur quelques-uns de nos disques déjà dans le passé. Je suis toujours heureux de pouvoir collaborer avec elle. Si vous voulez en savoir plus sur son travail, consultez notre ancien titre « Deceiver » tiré de notre EP All Empires Fall (Relapse Rec. 2016). Elle y chante la voix féminine sensuelle dans le pont de la chanson.

Je crois qu’il y a encore d’autres collaborations et invités sur Under Sullen Skies. Peux-tu les présenter ci-après ?
Nous avons invité une liste d’amis qui est soigneusement organisée de telle sorte qu’ils contribuent à l’enregistrement. Dwid Hellion chante le refrain sur le titre « The Hunger ». Nous sommes devenus amis sur Internet au cours de la dernière année. Il était un invité sur « Metal Matters », l’un des podcasts que j’anime et nous sommes partis de là. Nous avons beaucoup de choses en commun en ce qui concerne les intérêts, les philosophies, les livres, les films, etc. Ray Suhy déchire un solo de guitare incroyable sur le morceau « Barren ». Le solo en lui-même est un morceau de musique. (rires) Ray est l’un de nos amis. Andy Thomas joue aussi un solo sur « Void Constellation ». Andy a été notre guitariste de session live en tournée pendant environ un an. Todd Stern déchire aussi avec un solo sur « Mordum ». Todd est coéquipier avec les autres gars de Tombs. En plus d’être membre de Psycroptic, Todd a joué dans Hammer Fight, Kalopsia et un tas d’autres groupes. Mon bon ami Cat Cabral a offert un monologue sympa pour « Angel of Darkness ». Elle est une occultiste, une actrice, une enseignante et une dame des ténèbres… Paul Delaney de Black Anvil a également ajouté des voix de tueur sur « Angel of Darkness ». Paul et moi revenons ensuite par-dessus.

À la fin du nouvel album il y a un titre en français parmi les quatre derniers morceaux qui sont d’ailleurs séparés sur la version vinyle et semblent séparés du reste de l’album. Ce sont des singles à part, on dirait. S’agit-il vraiment de nouvelles chansons inédites (« Lex Talionis », « Angel of Darkness », « Sombre Ruin » (mot français pour l’adjectif « Sombre » ?) et « Plagues Years ») ?
Ces quatre morceaux font partie du LP, oui. Je crois que si « Sombre Ruin» était écrit en français, ce serait plutôt écrit « Sombre Ruine » si mon français est correct, n’est-ce pas ? (sourires) J’aime la langue française. Si on retourne sur l’un de nos précédents splits épuisés, nous avions une chanson intitulée « Cheval Noir » qui pour le coup était en français. La chanson parlait littéralement d’un cheval noir. (rires)

Pour conclure : quelle est ta perspective et quels sont tes espoirs sur l’avenir de la musique de Tombs avec ce nouvel album, des spectacles… dans ce contexte très triste et compliqué ? Quels sont vos projets pour la fin de l’année et l’année prochaine 2021 ? Pouvons-nous espérer vous voir vivre en Europe et en France surtout ?
Il est vraiment difficile de planifier l’avenir en ce moment… Je voudrais croire que nous pourrons reprendre la route l’année prochaine. J’adorerais pouvoir revenir en Europe. La France est un pays magnifique et j’aimerais avoir l’opportunité de pratiquer mon français. (sourires)

CHRONIQUE ALBUM

TOMBS
Under Sullen Skies
Post-Dark/Black Metal
Season of Mist

Si The Grand Annihilation ouvrait une nouvelle ère discographique sur Metal Blade en 2017, le Black Metal bétonné de l’Américain Mike Hill se développe et revêt ici une dimension encore supérieure. Tout n’est pas que blast beats et succession de riffs hypnotiques (« Barren »), non, il y a un côté hybride à la fois froid et groovy (« Void Constellation »), rappelant Satyricon auquel s’ajoute des éléments prog’ (les nappes de claviers de « The Hunger » volées à Ihsahn) et Dark envoûtants inspirés par Celtic Frost/Triptykon (« Secrets Of The Black Sun » feat. l’excellente bassiste/chanteuse Sera Timms (Ides Of Gemini)). Malgré les nuages dans le ciel new-yorkais (changement intégral de line-up, épidémie…), l’avenir s’éclaircit enfin pour Tombs. [Seigneur Fred]

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