1349 : Lumières obscures

C’est avec ses convictions que le chanteur Ravn a accepté de nous ouvrir son grimoire alchimique et nous dévoiler les quelques secrets de fabrication de sa nouvelle création. The Wolf and the King, produit d’appellation certifiée « true black metal norvégien », traduit avec réussite les ambitions de 1349. Ce huitième album surprendra leurs plus fidèles et fervents auditeurs, avec des influences musicales qui empruntent ici au doom et au heavy metal. [Entretien avec Ravn (chant) par Louise Guillon – Photos : DR]


The Wolf and the King, comme votre précédent album The Infernal Pathway, sonne moins comme le black metal des débuts, grâce notamment, si je ne m’abuse, à une production plus propre et à un son plus net (la batterie de Frost en particulier). Alors The Wolf and the King est-il un album qui marque un véritable tournant artistique dans la carrière de 1349, avec un son doomy (début de « Shadow Point »), lourd et des riffs entêtants, faciles à capter et à mémoriser pour l’auditeur ? Est-ce l’occasion pour vous d’introduire une certaine modernité tout en restant proche de vos racines musicales ?
1349 a toujours eu des productions différentes sur chaque album et même sur chaque chanson, ce qui est peut-être plus évident sur notre second album Beyond the Apocalypse, mais cela a toujours été une décision consciente et a été fait pour rendre justice à chaque chanson. Il s’agit toujours d’avoir le bon son pour la chanson afin qu’elle devienne ce qu’elle était censée être. C’est un sujet qui, selon moi, a été mal compris par plusieurs groupes qui pensent que faire sonner quelque chose de « mauvais » est le moyen de créer du « vrai » black metal. Il s’agit avant tout de créer la bonne atmosphère et le son en est l’élément clé.

En parlant de ces changements et de ces ajustements dans la production sonore, je me demandais si votre méthode de travail avait changé depuis les premiers albums de 1349. En d’autres termes, les différences musicales reflètent-elles un changement dans votre façon de travailler et de composer ?
Oui, les méthodes de travail ont changé au fur et à mesure que nos connaissances et notre expérience se sont développées grâce au temps passé en studio pour enregistrer, mais aussi parce que nous sommes devenus de meilleurs musiciens, tout bonnement. Sur les premiers albums, nous nous retrouvions tous dans la salle de répétition et on faisait de la musique « riff par riff », mais au fur et à mesure que nous progressions en tant que musiciens, on a commencé à composer des chansons et à nous présenter des esquisses les uns aux autres (démos de riffs, batterie…). Sur nos trois derniers disques, nous avons eu une formule bien rodée qui consiste à ce qu’Archaon (guitares) vienne chaque jour dans mon studio pour enregistrer une maquette qui est ensuite envoyée aux autres. Ensuite, Frost (batterie) et lui se rencontrent et commencent à travailler sur la structure, puis ils renvoient un enregistrement que Seidemann utilise pour composer la basse et moi pour écrire les paroles. Ensuite, on répète avant d’aller en studio pour l’enregistrement. Là, nous donnons le meilleur de nous-mêmes pour Jarrett Pritchard. Ce magicien du son est capable de tirer le meilleur de nous-mêmes et de la musique que nous avons créée. Si nous trouvons un meilleur système, nous l’adapterons, mais pour l’instant, c’est le processus que nous utilisons.

D’où vous est venue l’idée d’inclure autant de solos de guitare avec des accents mélodiques qui à la fois se démarquent de votre style et s’y intègrent parfaitement ?
Encore une fois, il s’agit de créer la bonne atmosphère dans la chanson et parfois un lead de guitare va freiner ou ajouter au sentiment que nous recherchons et envisageons, mais pour obtenir une réponse complète et approfondie, je te suggère de demander à notre guitariste Archaon la prochaine fois que tu l’intervieweras. (sourires)

Pour la plupart des membres du groupe, la musique de 1349 est une activité à but non lucratif, pour ainsi dire. En tout cas, vous avez déjà dit que vous ne viviez pas uniquement de votre musique. Pensez-vous qu’il s’agit d’une question trop peu abordée et très vite oubliée dans l’industrie musicale d’aujourd’hui (quel que soit le genre) ? En effet, bien que le metal rassemble une grande communauté de fans et de groupes, il semble encore plus facile aujourd’hui de se faire un nom et de vivre de son art en tant qu’artiste pop-rock ou rap, par exemple…
Il y a des avantages et des inconvénients à cela et il faut faire avec la situation dans laquelle on se trouve et en tirer le meilleur parti. De mon point de vue, il est très facile de maintenir notre intégrité artistique puisque personne ne s’attend à un succès mondial et à gagner beaucoup d’argent pour beaucoup d’autres personnes. Nous devons seulement prendre soin de notre propre art et remplir nos obligations contractuelles envers notre label Season of Mist. En dehors de cela, nous sommes libres de faire ce que nous voulons avec le budget dont nous disposons. Bien sûr, les budgets sont limités, mais nous sommes obligés de faire preuve d’une grande créativité pour créer un produit exceptionnel et trouver les bonnes personnes avec qui partager cette vision. Je n’ai jamais voulu que 1349 soit une mine d’or matérialiste, mais une mine d’or mentale… (sourires)

The Wolf and the King est un album conceptuel consacré à l’alchimie (paroles, pochette). Qu’est-ce qui vous a conduit dans cette direction ? Quels sont tes liens personnels avec l’alchimie ?
En y repensant maintenant, je vois qu’il y a une ligne alchimique qui traverse toute notre carrière, mais il faut un certain temps, je suppose l’âge et l’expérience, pour s’en rendre vraiment compte et commencer à l’utiliser plus activement. D’une manière générale, je l’ai utilisée comme un outil pour devenir un meilleur artiste et une personne plus forte mentalement.

En octobre 2024, vous entamez une tournée européenne avec Kampfar. Comment l’idée d’une tournée avec Kampfar a-t-elle germé ? Avez-vous des projets de tournée promotionnelle au-delà des frontières du Vieux Continent ?
Nous cherchions un partenaire de tournée avec notre agent de booking Doomstar, et Kampfar était l’une des suggestions. Nous avons tout de suite aimé l’idée, et ce n’était qu’une formalité de les embarquer pour la tournée. J’ajouterai que je suis vraiment ravi qu’Afsky soit également de la partie.

Avant de se quitter, Ravn, peux-tu nous dire si tu as toujours en projet parallèle de recollaborer avec Tom G. Warrior sur le prochain album de Triptykon ? Lors de notre précédent entretien, il en était question plus ou moins question car tu étais en contact avec Tom…
Le temps que nous avons passé en studio ensemble est l’un de mes moments préférés, donc je n’aurais aucun problème à le répéter, mais pour l’instant, rien n’a encore été concrétisé. Cela dit, à chaque fois que nous nous rencontrons, nous parlons de faire quelque chose, alors voyons si nous vivons assez longtemps pour que cela se produise.

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