Face à un ciel morose et une météo politique qui nous a fait défaut en juin, rien de mieux qu’une musique qui nous console… Alors que les fleurs (du mal) s’ouvrent aux premiers rayons du soleil et que la chaleur de l’astre vivifie peu à peu nos cœurs endormis par le froid de l’hiver et l’humidité printanière, et à présent nous fait suffoquer, Les Chants de l’Aurore fait pleuvoir les sons alcestiens. Le duo français toujours mené par Neige (guitares, basse, claviers/chant) et Winterhalter (batterie) se réveille d’un repos long de cinq années après Spiritual Instinct, même si les concerts post-covid furent nombreux. Cette nouvelle et septième offrande va alors nous envahir de son délicieux spleen… Là où le temps presse, le groupe prend son temps. Dernier né d’une discographie familière des univers aquatique et naturel, ce nouvel opus ne semble pas déroger à la règle. « Komorebi », transcrit du japonais « 木漏れ日» signifiant « la lumière du soleil (parfait pour cet été) qui filtre à travers les feuilles des arbres » rappelle d’emblée les liens qui unissent son chanteur et le pays du Soleil Levant où se trouve une grande fanbase que visite régulièrement Alcest. Déjà en 2016, le titre de l’album Kodama était inspiré des yokai, les esprits japonais.
Tout en douceur, ce morceau est enivrant et très lumineux. Le chant clair et la batterie de Jean Deflandre (aliais « Winterhalter ») loin d’être pesante, permettent un envol onirique vers d’autres horizons rock atmosphérique/blackgaze. Le morceau s’achève nous laissant la tendre impression d’une légère chaleur caressant notre peau tandis qu’une voix nous murmure « Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je partirai… » (vers extrait d’un poème de Victor Hugo), comme si l’heure de l’aurore ou du crépuscule avait enfin sonné. « L’Envol » se veut plus orchestral dans sa composition et son exécution tout en étant beaucoup moins brutal que ce que l’on a l’habitude d’entendre chez nos amis français. Le ciel finit par se couvrir sur « Améthyste » qui offre une ambiance plus sombre, proche des racines post-black metal du groupe. Contrastant fortement avec les deux plages précédentes, la chanson s’intègre toutefois parfaitement à l’ensemble. Titre phare de l’album (clip promotionnel oblige avec son duo de danseuses dans un paysage naturel qui détonne avec les habituels clips dans le metal en général), « Flamme jumelle » débute sur des notes de douceur et nous pousse à espérer triompher de ce que la vie a de plus sombre : la mort.
Alcest nous livre ensuite tendresse et mélancolie avec un interlude instrumental entièrement joué au piano (« Réminiscence »). La voix fragile de Stéphane Paut (alias « Neige ») accompagne les notes comme le souffle d’un légère brise. « L’enfant de la Lune » signe une rencontre habile des guitares lourdes et ces claviers que l’on retrouvait déjà sur Spiritual Instinct avec les thèmes aquatiques d’Écailles De Lune, album mythique du combo paru en 2010. Enfin, poème de Guillaume Apollinaire, « L’Adieu » vient clore un voyage spirituel hétérogène. Si la grande diversité rencontré sur Les Chants de l’Aurore peut faire fuir l’auditeur encore non acclimaté, Alcest prend le risque de repousser ses limites créatives en proposant un album plus hétéroclite que jamais. À défaut de pouvoir et vouloir plaire à tous, Neige et Winterhalter prennent le parti de livrer ici un aspect quintessenciel, reflétant bien l’identité du groupe aujourd’hui. Sans vouloir forcément rassembler, Les Chants de l’Aurore parle à notre intimité tout en baignant dans la personnalité de ses deux créateurs. D’un grande beauté, sa pochette est à l’image de la musique. Plusieurs éditions aux couleurs de l’album sont d’ailleurs disponibles, un pur plaisir auditif mais aussi visuel pour tous les collectionneurs de petites pièces rares ou limitées. Album spirituel probablement parsemés de symboles, Les Chants de l’Aurore ouvre d’autres horizons musicaux, culturels et philosophiques et nous force au « dés-ancrage » de nos croyances et nos certitudes. Laisser le doute s’installer, laisser la porte ouverte à l’inconnu sont autant de perspectives bienvenues qui coïncident avec une actualité sombre, voilée et accusatrice. [Louise Guillon]
=> Notre précédente interview avec Neige d’ALCEST réalisée en 2019 est toujours disponible à cette adresse :
https://metalobs.com/alcest-quete-spirituelle/
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