Quand on évoque la scène metal grecque, quelques illustres noms nous traversent immédiatement l’esprit : Septicflesh, Nightfall, Rotting Christ… mais qu’en est-il précisément en matière de thrash ? Biens sûr, il y a les excellents Suicidal Angels (dont le dernier album studio nous a quelque peu déçus), mais connaissez-vous les non moins excellents Bio-Cancer dont le troisième brûlot risque fort d’allumer le feu dans les pits et vos chaumières cet automne ? [Entretien avec Thanasis Andreou (guitare) par Seigneur Fred – Photos : DR]
Comment allez-vous en Grèce actuellement car il y a de terribles incendies cet été à Rhodes mais aussi autour d’Athènes d’où vous êtes originaires ? Êtes-vous en sécurité chez vous ? (Ndlr : entretien réalisé courant courant juillet 2023)
Oui, malheureusement, il y a beaucoup d’incendies de forêt autour d’Athènes et dans toute la Grèce en ce moment. Nous sommes en sécurité, merci, mais beaucoup de gens se battent pour leurs maisons. C’est donc plutôt inquiétant…
On ne vous connait pas encore très bien ici en France, et j’espère que ça va changer. Alors, pourrais-tu résumer rapidement l’histoire du groupe depuis sa fondation en 2010, s’il-te-plaît ?
Bio-Cancer a débuté en 2010. Après la formation du premier line-up, notre premier album Ear Piercing Thrash est sorti en 2012. Ce qui a suivi fut principalement des concerts locaux, quelques-uns à l’étranger, mais le groupe resta principalement à un niveau underground. Après quelques changements de line-up, on a sorti Tormenting The Innocent en 2015 et c’est à ce moment-là que nous avons commencé à faire plus de choses en dehors de la Grèce. On a fait deux tournées en Europe avec Marduk, dont une également avec Immolation et Origin. Nous avons ouvert pour Voivod lors de leur tournée européenne en 2018, et on a aussi joué au Japon, tourné en Chine et fait pas mal de concerts ponctuels à l’étranger ici ou là. Et après huit ans, nous sommes enfin prêts à sortir notre troisième album Revengeance en septembre 2023 !
D’où vient le nom du groupe Bio-Cancer ? Vous avez mixé différents noms de groupes bien connus comme Vio-lence, Biohazard, et aussi Cancer (le groupe de death metal britannique) ? (sourires)
Je n’étais pas dans le groupe à l’époque, mais on m’a dit que cela venait essentiellement d’un brainstorming sur des noms qui conviendraient à un groupe de thrash metal extrême. Bien sûr, Bio-Cancer emprunte des éléments à ces groupes que tu as cités, et à l’ambiance thrash que ces types de noms évoquent.
Êtes-vous proches des autres groupes de metal grecs, notamment Suicidal Angels ? Comment se porte la scène thrash metal de nos jours à Athènes par exemple ?
Bien sûr, lorsque le groupe a commencé en 2010, il y avait une résurgence des groupes de thrash en Grèce, donc avec beaucoup d’entre eux, nous avons commencé ensemble et nous sommes toujours amis. Beaucoup de grands groupes de thrash ont vu le jour pendant cette période. Certains sont également devenus bien connus en dehors de la Grèce, d’autres moins. Mais ils avaient tous de la passion pour ce qu’ils faisaient. Alors que la scène thrash à Athènes n’est plus ce qu’elle était il y a dix ans, beaucoup de groupes sont toujours aussi forts et font du bon boulot.
Ce qui est appréciable dans la musique de Bio-Cancer, c’est que vous ne pratiquez pas un thrash crossover comme c’est la grande mode en ce moment (Municipal Waste, Iron Reagan, Power Trip (R.I.P.), Prowl, etc.), mais un thrash metal plus classique et très heavy avec un gros travail dans vos mélodies de guitare. Alors, d’où viennent exactement vos principales influences musicales, sachant que vous êtes cinq dans le groupe ce qui n’est pas toujours évident de se mettre d’accord, je présume ?
Je dirais que nous jouons du thrash extrême. Bien sûr, ce n’est pas ce thrash crossover typique que tu mentionnes. Des tempos très rapides et des voix extrêmes font que le thrash que nous jouons sort un peu de l’ordinaire. Avec le nouvel album, les limites du type de metal que nous jouons sont encore plus floues, je pense. En ce qui concerne nos influences, on a la chance d’être tous plus ou moins ouverts d’esprit musicalement et d’écouter toutes sortes de metal. Au sein de Bio-Cancer, on n’aime pas forcément tous les mêmes groupes, mais nous sommes prêts à donner une chance à tous les types de musique. Pendant les premières années du groupe, cela s’est manifesté par une volonté commune de jouer du thrash metal avec notre propre touche. Avec mon arrivée dans le groupe il y a quelques temps, j’ai apporté de nouvelles influences avec lesquelles les autres gars étaient d’accord. Mes influences penchent plus vers le death metal personnellement, technique, mélodique, brutal, bref, ce genre de choses. Mais comme je l’ai dit puisque tous les autres gars écoutent aussi ce genre de musique, ce n’est pas si difficile de se mettre d’accord si quelque chose convient au groupe ou non. Avec ce nouvel album on a essayé et on s’est permis d’écrire de la musique qu’on aime quel que soit le genre, on ne s’est jamais dit : « ça ne sonne pas comme du thrash, virons-la ! ». Si ça sonne bien pour nous, ça va être dans le disque !
Ce troisième album studio s’appelle Revengeance, et vous êtes très en colère dessus ! (rires) De quelle « vengeance » parlez-vous ici ? Est-ce un message de vengeance sur la vie en général, trois ans après le début de la pandémie de covid-19 par exemple (qui a tué des milliers de personnes en Grèce et bien plus dans le monde aussi) ? Le fait d’être bloqué ainsi comme de nombreux artistes et ne pas pouvoir partir en tournée durant deux ans vous-a-t’il tapé sur les nerfs lors de la composition ? (sourires)
Notre musique a toujours eu cette ambiance « en colère » (rires) à cause du style de musique agressif. Avec le nouvel enregistrement, cela est plus évident et ce, pour une bonne raison. La musique est devenue plus extrême, les paroles tournent autour de sujets qui ne peuvent qu’induire la colère une fois qu’on y pense. Il y a certainement des années de rage condensée dans Revengeance. La pandémie n’a fait qu’ajouter à ce sentiment de colère en nous empêchant de faire ce que nous aimons.
Sur les pochettes de vos deux précédents albums (Ear Piercing Thrash et Tormenting the Innocent), on commençait à voir des personnages récurrents un peu comme chez Megadeth, Anthrax, Destruction, etc. Mais ce n’est pas le cas sur le nouvel artwork réalisé par Dan Goldsworthy (Corpsegrinder, Aborted, Glory Hammer, Xentrix, Alestrom, Accept…). C’est plus sombre et maléfique… Pourquoi avez-vous alors changé de style graphique pour Revengeance ?
Je suis content que tu dises que la nouvelle illustration a l’air sombre et diabolique ! C’est ce que nous recherchions ! (rires) Une fois les chansons de Revengeance terminées, il était évident que la nouvelle musique avait une sensation différente de celle de nos albums précédents. Un peu plus sombre, plus extrême et avec un plus large éventail d’influences. Les deux couvertures précédentes donnaient instantanément cette ambiance thrash, ce qui était parfait à l’époque. Avec le nouveau, nous voulions que le changement musical soit également visualisé à travers l’œuvre d’art. On savait que nous voulions une palette de couleurs plus sombres et un nouveau style de design plus approprié. Dan Goldsworthy a fait un travail incroyable et a capturé exactement ce que nous voulions avec sa pochette. Je pense que l’artwork de Revengeance transmet parfaitement ce que l’auditeur est sur le point d’écouter dans le disque.
Toujours à propos du nouvel artwork très réussi, celui-ci me rappelle beaucoup la pochette de l’album Failure For Gods d’Immolation, pas musicalement bien sûr ! Est-ce un clin d’oeil à ce célèbre groupe de death metal américain avec lequel vous avez déjà tourné ?
Je n’avais pas vraiment remarqué pour être honnête, mais tu as raison, la mise en page est un peu similaire ! (sourires) Ce n’était pas vraiment fait exprès, c’était juste la disposition idéale pour le concept visuel que nous avions en tête. Bravo aux gars d’Immolation avec qui nous avons tourné, ce sont des gars vraiment géniaux !
Bio-Cancer a beaucoup tourné, se produisant en concert avec des groupes bien connus, et pas seulement dans le thrash : Voivod, Marduk, Origin, Immolation, etc. Qu’as-tu appris à tourner avec eux, humainement et techniquement, qui a contribué à l’expérience du groupe ?
Les tournées sont essentielles pour qu’un groupe grandisse dans certains aspects, nous en avons donc tiré de nombreuses expériences importantes. Tout d’abord, voyager et jouer avec des groupes que vous admirez, certains depuis votre enfance, est une expérience incroyable, sans doute un rêve devenu réalité pour tout musicien en herbe. Donc, surtout, c’est amusant ! Ensuite, la tournée est l’endroit où vous jouez un concert chaque soir pendant environ un mois d’affilé et ça compte beaucoup pour la musicalité du groupe. C’est une expérience extrêmement importante pour un groupe de grandir et de s’améliorer dans l’interprétation de sa musique. Voir ces groupes de vétérans se produire tous les soirs est une leçon extrêmement importante et vous donne envie de devenir meilleur. Et, bien sûr, tous les groupes avec lesquels nous avons tourné étaient des gars formidables, donc c’était amusant de traîner avec eux après un concert, de prendre un verre ensemble et d’écouter certaines des histoires qu’ils ont à raconter après des décennies passées sur la route !
Sur tes parties de guitare, je retrouve parfois des influences mélodiques de death metal comme Amon Amarth ou At The Gates. Par exemple sur les morceaux « Citizen… down ! » ou « Underdog (Against the Odds) ». Et ce qui est rare en général est que l’on distingue bien les lignes de basse (sauf chez Overkill, autre grand du thrash metal). Comment as-tu travaillé ton son sur Revengeance en studio qui a été mixé et masterisé par Pete Rutcho aux Damage Studios (Revocation, Havok…) et non Andy Classen comme sur l’album précédent ?
Tu as raison avec les influences que tu as mentionnées. Je considère At The Gates comme une grande influence dans la musique que j’écris et Amon Amarth également dans une moindre mesure toutefois. Personnellement, je ne suis pas un grand fan des basses fortes dans un mix mais être un groupe avec d’autres personnes signifie que parfois tu dois faire des compromis. Bien sûr, il y avait pas mal d’aspects sur lesquels nous n’étions pas d’accord concernant le mixage, cela a du sens quand il y a cinq personnes différentes qui doivent décider des choses, mais en même temps, je dirais que nous étions sur la même longueur d’ondes sur l’idée générale que nous avions sur le mix et sur la façon dont nous voulions que le disque sonne. Après, c’était surtout des détails sur lesquels nous n’étions pas d’accord… Mais au final, on est tous très contents du résultat, personnellement c’est le mix idéal pour un disque selon moi. Comme ce fut le cas avec l’artwork, avec la nouvelle musique, nous avons également senti qu’un son différent était nécessaire. Après de nombreuses recherches, on a décidé d’aller travailler avec Pete Rutcho pour le mixage et le mastering. Et il a vraiment fait un travail incroyable avec ça. Nous recherchions un son plus moderne et clair que Pete, tellement bon, a su réaliser.
Pour les guitaristes amateurs qui nous liront, peux-tu nous dire quel est ton accordage de guitare principal ici sur ces dix nouveaux titres, s’il-te-plait ?
Encore un autre changement que nous avons fait pour Revengeance a été l’accordage des guitares. Pour celui-ci, nous sommes réglés en accordage de Ré standard (D). Nous sommes allés un peu plus bas parce que nous avions l’impression que cela correspondait mieux à ce genre de chansons, à leur tonalité.
A la fin de Revengeance, votre dernier morceau « Bludgeoning Skullcrushing Mayhem » est une pure bombe de thrash ! Quelle tuerie !
Ouais ! C’est sans doute la chanson thrash la plus pure et brutale de l’album ! (sourires) Je pense qu’elle aurait pu figurer aussi sur notre précédent album Tormenting The Innocent, car il y a ce même genre d’ambiance…
Le courant thrash metal est né aux États-Unis (Californie et New York), puis en Allemagne et au Royaume-Uni au début des années 1980. Avez-vous un plan pour conquérir l’Amérique et l’Europe avec votre thrash metal en 2023 avec ce tout nouvel album Revengeance ?
Nous allons certainement faire le tour de l’Europe. En revanche, l’Amérique est beaucoup plus difficile pour un groupe européen tel que nous pour voyager. Il y a des coûts énormes et une bureaucratie sans fin qui s’y rattachent. C’est un de mes rêves de voyager aux États-Unis, que je prévois de réaliser un jour, donc faire cela dans le cadre d’une tournée avec Bio-Cancer serait génial. On aimerait aussi visiter l’Amérique du Sud car nous avons beaucoup de fans dans des pays comme le Mexique, le Brésil, le Venezuela, etc. Espérons qu’un jour !
Que souhaites-tu ajouter au public français à propos de ce nouvel album Revengeance ? Et peut-on espérer voir Bio-Cancer bientôt en concert en France ? Des festivals d’été en 2024 ?
Nous adorons jouer en France et nous l’avons fait à de nombreuses reprises. Dès qu’une tournée européenne est prévue, je suis presque sûr qu’il y aura des dates françaises dedans ! Les festivals d’été seront un objectif pour nous l’an prochain, après la sortie de Revengeance.
Publicité