COBRA SPELL : Au cœur de la bête

Si Cobra Spell, originaire des Pays-Bas, ne vous interpelle peut-être pas plus que ça, la génitrice de ce nouveau super combo féminin ne vous est certainement pas totalement inconnue puisqu’il s’agit de Sonia Anubis (ex-Crypta, ex-Burning Witches). La jeune guitariste a en effet décidé de créer sa propre formation pour nous offrir, à travers son premier album 666, un pur condensé de heavy/sleaze metal des années 80 cher à son cœur et au nôtre. Une belle réussite à n’en point douter en cette fin d’année 2023. [Entretien réalisé avec Sonia « Anubis » Nusselder Fontes de Albornoz (guitare) par Pascal Beaumont – Photos : DR]



Le 14 octobre 2023, vous avez donné un concert à Port-Jérôme-Sur-Seine (76). C’était votre premier show en France. Alors comment as-tu vécu ce moment ?
C’était fantastique, on a été très bien accueilli par le promoteur. Ce fut un long trajet qui a duré très longtemps, on a pu découvrir une campagne verdoyante. On a roulé environ pendant sept heures en voiture. Mais l’endroit était agréable et on a bénéficié d’une belle scène, on y a joué pour la première fois notre single « S.E.X. » en live, le public français a été le premier à découvrir ce nouveau morceau. C’était notre premier show en France avec Cobra Spell, c’était très sympa. Et on espère revenir chez vous l’année prochaine.

Auparavant, du 23 au 30 avril 2023, vous avez enchaîné les concerts en Espagne. Comment fut ce précédent périple ?
C’était une belle tournée ! On a aussi donné un show au Portugal, c’était la toute première fois que nous partions en tournée avec Cobra Spell. On y retournera l’an prochain afin de présenter tous les nouveaux morceaux de notre premier album. On sera alors en tête d’affiche.

Avant ce premier album 666, vous avez enregistré deux EP’s, Love Venom (2020) et Anthems Of The Night (2022) avec Alexx Panza au chant. Mais sur 666 vous revenez avec une nouvel chanteuse Kristina Vega. J’imagine que ça a été un bouleversement important dans le groupe ! ?
Lorsque nous avons dû nous mettre à la recherche d’une nouvelle voix, je souhaitais une chanteuse qui serai beaucoup plus dans l’esprit blues rock vocalement parlant, avec une tessiture plus profonde et puissante pour obtenir un mix heavy metal. J’ai donc fait passer des auditions et de nombreuses personnes se sont présentées. Mais Cristina a vraiment brillé et s’est détaché du lot, elle a seulement passé une heure d’audition et nous avons tout de suite su que c’était elle. Elle était très motivée. On lui a offert un billet d’avion pour qu’elle nous rejoigne en Hollande et on a commencé à répéter ensemble. Je ne savais pas que ça allait coller car sa voix était très versatile. Elle a une tessiture qui est a la fois très haute et très basse, elle pouvait atteindre des notes suraiguës mais chanter aussi d’une manière très grave. Cela nous a permis de développer de très bonnes harmonies et mélodies, tout ça grâce à son habilité technique. Cet opus reflète vraiment ce dont elle est capable. On sait que l’on a beaucoup à découvrir en vertu de son habilité vocale car ses capacités sont énormes. C’est une chanteuse incroyable.

En découvrant le titre de l’album, j’ai immédiatement songé au morceau d’Iron Maiden « The Number of the Beast »… (sourires)
Le thème principal que je développe à travers 666 c’est la rébellion. C’est lié à nos expériences personnelles, celle que j’ai eu au niveau de la religion ou autre. On s’intéresse aussi au pouvoir de la femme, son rapport à l’amour, etc. Nous abordons beaucoup d’angles différents à travers les textes. Il y a certains aspects qui sont très controversés, qui traitent de certains tabous. J’ai donc décidé qu’il me fallait un titre qui serait un peu provocateur, choquant et le diable attire tout de suite l’attention. Je pense que c’est une bonne idée d’utiliser cette image satanique sur ce disque. Le diable a toujours été considéré comme très individualiste et contre quelque chose. C’est le rebelle de l’histoire, c’est un opus sur la rébellion.

Comment s’est déroulé le processus d’écriture de ce nouvel album en sachant que cette fois ci tu écrivais pour une femme contrairement aux deux EP’s précédents ?
En effet. C’était totalement différent, la voix n’est plus la même. Maintenant nous écrivons du point de vue d’une femme. Cela m’a donné l’opportunité de m’intéresser à la femme et les addictions dans lesquelles elle évolue. C’est une expérience intéressante pour décrire le portrait des femmes. Les deux premiers EP’s étaient plus dans un esprit fantastique, inspirés par l’imagination, la fiction. On a surtout essayé de sonner comme un combo de heavy metal des années 80. Mais les textes sont bien plus personnels, ce sont des histoires qui me sont arrivées. C’est donc un disque bien plus personnel, plus mature que nos deux précédents efforts (EP’s).

Je suppose qu’il y a certainement un texte dont tu te sens plus proche qui te touche personnellement ?
Oui, celui de la balade « Fly Away ». C’est le morceau le plus lent et profond qui parle de ma tante qui s’est suicidée… C’est une histoire vraie, elle s’appelait Sonia, si j’ai le même prénom que ma mère m’a donné, c’est en souvenir de sa sœur. C’est quelqu’un qui a vécu toute sa vie très librement, c’était une femme libre. Lorsque l’on regarde le passé, il y a quelques années ce n’était pas simple d’être une femme libre. C’était même très effrayant, les gens te voyaient comme quelqu’un de très extrême. Vivre cette vie avec toute cette pression peut apporter de nombreux soucis personnels. Je ne l’ai jamais connue mais c’est tout comme, c’est ce que je ressens. Le problème est que dans ma famille ils n’en parlent pas, ils ne l’évoquent jamais, c’est tabou, c’est comme si cela n’était jamais arrivé. Ma mère est la seule personne qui en parle, porter son prénom me conduit à me poser beaucoup de questions aujourd’hui. J’ai l’impression de la connaître, je voudrais lui parler et lui dire : « mais qui est-tu ? ». Cette chanson parle de mon expérience, me poser toutes ces questions au sujet de ma tante qui n’est plus là, en souhaitant la connaître, lui rendre hommage. Ce morceau c’est une façon de ne pas l’oublier.

L’enregistrement a donc dû être riche en émotions en studio ?
J’ai joué ce titre de nombreuses fois avant de l’enregistrer. C’est devenu une forme de routine. J’étais surtout focalisée à bien interpréter la chanson. Pour moi, le moment le plus magique, celui où j’ai ressenti le plus d’émotion, c’est lorsqu’il était terminé et que j’ai pu l’écouter une fois achevé. Mais lors de l’enregistrement par lui-même, j’étais trop concentrée à rien oublier. C’est quand tout était mixé, lorsque tout était enregistré à la fin de la journée que le moment a été très intense émotionnellement.

J’ai vraiment l’impression qu’avec Cobra Spell, tu joues enfin le style qui te convient tant tu sembles épanouie aujourd’hui ?!
En tant que guitariste, c’est une route qui n’en finit pas. Pour trouver son style, cela prend énormément de temps afin de parvenir à être identifié en tant que compositeur. Je pense que j’ai encore beaucoup à faire pour progresser et je suis très loin de ce que je peux atteindre en tant que musicienne. Mais j’évolue, je comprends mieux et la connexion avec ma guitare est de plus en plus intense. Lorsque je joue de mon instrument, je sais quelle mélodie j’aime utiliser. Je peux m’identifier mais c’est un projet sans fin. Avec 666, on a définitivement stabilisé l’identité de la formation, ça c’est certain.

Comment as-tu abordé les sessions de studio cette fois sachant que tu avais désormais une nouvelle voix, qui plus est féminine, derrière le micro (Kristinia Vega) ?
C’est toujours un challenge parce que j’essaye à chaque fois de me surpasser, faire des solos plus rapides, utiliser de nouvelles techniques. Je tente de me lancer des défis à chaque fois en tant que musicienne. C’est quelque chose que je fais naturellement car j’adore ça, découvrir le monde musical et être la meilleure. Bien sûr, ce n’est pas facile surtout dans le heavy metal car tu dois toujours être en forme et il y a beaucoup de pression. Lorsque tu enregistres tu débutes tôt le matin jusque tard dans la nuit. Tu passes des heures en studio et cela te prend beaucoup d’énergie mais à la fin je suis tellement heureuse et fière de ce que j’ai fait pour ce disque que je me suis fait tatouer le titre. (rires)

La chanson « S.E.X. » est un morceau très provocateur notamment au niveau du clip. Qu’avez-vous envie de nous faire comprendre à travers ce single aguicheur ? (sourires)
C’est très simple, l’idée avec ce clip est de montrer uniquement des femmes, il n’y a pas d’hommes. Dans les années 80, il y avait ces vidéos de groupes ou l’on voyait des musiciens entourés de groupies avec de l’alcool, c’était le modèle qui était proposé au public. C’est un thème assez effrayant pour la gente féminine. Avec Cobra Spell, nous voulons nous exprimer en tant que femmes libres. Quand on a débuté on n’a pas vraiment été prise au sérieux. Mais ça ne pouvait pas être la règle c’est pourquoi j’ai composé cette chanson. Pour moi, le sexe est un sujet très humain, tout à fait normal et en tant que femme, cela ne doit pas être un tabou. Il faut s’exprimer et ne pas craindre de montrer les choses. Tout ça est parfaitement naturel. Nous voulions aussi montrer que dans la vie nous ne prenons pas ça complètement sérieusement. Il existe toujours des personnes avec certaine mentalité très datée qui pensent que lorsque des femmes font ce genre de choses, c’est pour attirer l’attention et gagner de l’argent et que ce n’est pas basé sur la passion. C’est triste. Je voulais écrire une chanson très basique avec des femmes pour montrer ce côté stupide parce que c’est avant tout un morceau très rock’n’roll.

Tu n’as pas l’impression que depuis les eighties, les mentalités ont évolué au sein de la communauté heavy metal ?
Je crois qu’il y a encore beaucoup de travail à faire dans ce monde de musique et de business. Je ne suis pas totalement d’accord avec l’attitude de nombreuses formations. Ils sont structurés de façon très aléatoire et évolue dans des modèles qui ne sont pas très équitables. Il faut changer de nombreuses choses mais je ne suis pas la meilleure personnes pour dire comment. De nos jours un musicien doit aussi savoir gérer tout ce côté business et tout ce qui va avec. Tu n’es plus simplement une musicienne mais aussi manager au niveau des réseaux sociaux, promoteur, tu as de nombreuses casquettes et ce n’était pas le cas dans le passé. Cela demande beaucoup d’énergie, ce n’est plus sexe, drogues et rock’n’roll. Les gens ont encore cette image de l’artiste qui sort beaucoup, fait la fête chaque soir et rentre très tard, les groupies, l’alcool. Mais aujourd’hui c’est beaucoup de travail et c’est devenu très sérieux. Certaines images ne sont pas très bien. J’espère que le public réalise qu’il faut plus d’attention envers les femmes dans le rock, il faut une équité dans le monde du metal. Il y a encore beaucoup de personnes qui se comporte comme dans le passé, ils ne prennent pas très au sérieux les femmes jouant ce style de musique. Il faut que cela change, il faut plus d’opportunité et que l’on soit considéré pour notre travail. Je me sens responsable des filles de Cobra Spell et nous devons nous opposer à cet esprit daté qui viens d’avant et inspirer une nouvelle génération de jeunes femmes à jouer du metal. Je suis très reconnaissante envers des gens comme toi, je te remercie de nous donner l’occasion de promouvoir notre musique et de nous exprimer.

Pour ce nom Cobra Spell en est tu à l’origine ?
C’est totalement spontané, il n’y a pas d’histoire derrière ce nom. Je l’aime, c’est tout.

Depuis vos débuts, il y a eu de nombreux changements de line-up au sein de Cobra Spell. Cette fois-ci, il y a l’arrivée de Kristina Vega au chant et de Hale Naphtha à la batterie. Comment expliques-tu tous ces départs et cette instabilité régulière ?
En fait la raison de ces nombreux changements de line-up vient du fait qu’au début c’était juste un side project, ce n’était pas vraiment sérieux. Mais le combo a évolué très rapidement, on a sorti deux EP’s puis trouvé un label Napalm Records pour sortir ce disque. On a eu beaucoup d’opportunités et cela a impliqué que les membres de Cobra Spell soient très professionnels et capables de jouer en permanence, être très disponibles ce qui n’est pas quelque chose que tout le monde peut faire. Il nous a fallu travailler énormément, être pro et jouer d’une façon très sérieuse, travailler nos instruments et pratiquer considérablement. Tout le monde n’est pas prêt à accepter cela. Maintenant que 666 est sorti, tout le monde doit être disponible et il faut que le line-up fonctionne bien. Christina est présente et impliquée depuis deux ans, c’est une nouvelle formation qui est à 100% là pour soutenir ce premier album. On a un grand sens du travail en équipe et de la stabilité. Les filles sont très motivées. On se soutient mutuellement et il y a un équilibre, nous avons toutes nos individualités et elles sont différentes, de même dans la façon de travailler, mais nous sommes amies et c’est le plus important. On partage le même rêve. Je pense qu’ensemble nous pouvons beaucoup apporter à Cobra Spell. Je ne veux pas faire de promesses, je ne sais pas combien de temps cela va prendre, je ne veux pas dire qu’il n’y aura pas d’autres changements. Mais je suis très forte et confiante dans cette nouvelle version et je crois que nous pouvons aller bien plus haut.

Les eighties ont été des années fastes pour le metal, tout style confondu. D’où te vient cette passion toi qui est très jeune et n’a pas connu cette époque ?
Lorsque j’ai commencé à écouter de la musique, je devais avoir quatorze ans et j’étais passionnée par les seventies et les eighties, le hard rock, le glam comme Kiss, Alice Cooper ou Wasp qui ont été pour moi une très grande influence et m’ont inspirée pour devenir musicienne. Je voulais devenir une héroïne du rock’n’roll. Pendant des années je les ai écoutés et j’ai développé un concept et des rêves. Cobra Spell est en fait la réalisation du rêve que j’avais lorsque j’étais petite, encore adolescente. Un groupe basé sur les eighties que ce soit au niveau de l’image, de la fantaisie, je voulais me retrouver dans une machine à remonter le temps.

Lors de cette période le monde était très différent, les groupes donnaient une image de fête permanente, très joyeuse, on avait l’impression que tout était facile, l’argent, l’alcool, la drogue étaient souvent mis en avant. Sur scène aussi c’était un spectacle, les fans et cet esprit rock qui semble avoir disparu tant de nos jours tout est devenu très sérieux. Est-ce que c’est cette mentalité festive des années 80 que tu revendiques à travers Cobra Spell d’une certain façon ?
Oui, tu as totalement raison aujourd’hui les musiciens sont très sérieux, sombres, je m’en fiche, c’est bien comme ça. En concert je souris beaucoup, je saute partout, j’interagis avec les autres filles et aussi avec le public, j’ai envie de fête, de joie, je ne reste pas la plantée sans bouger. J’aime m’exprimer. Mon esprit me conduit à me montrer, m’exprimer et être expansive., porter sur scène des tenues cool, être maquillée, avoir une belle scène décorée. Si je pouvais, j’aurais du feu, de la pyrotechnie. J’aime toutes ces choses un peu folles et ça appartient à la mentalité des eighties ou tout était très excessif. C’est aussi pourquoi je m’identifie beaucoup avec ces décennies. Je pense qu’on a besoin de plus de joie de nos jours.

Depuis plusieurs années déjà, tu donnes des cours privés de guitare à distance sur internet. Continues-tu toujours cette activité ?
En ce moment, j’ai tout arrêté car je suis concentrée sur la sortie du nouvel opus et cela me donnait trop de travail. Mais je pense que dans le futur, je recommencerai à donner des leçons de guitares.

Tu sembles avoir trouvé le style musical qui te convient parfaitement. Est-ce pour cela que tu n’es pas restée au sein de Crypta ?
Honnêtement je voulais donner naissance à Cobra Spell et suivre mon propre rêve au lieu de suivre les autres et jouer une musique, certes, que j’aimais… J’étais bien avec Crypta et j’aime beaucoup les autres musiciennes et je suis d’ailleurs toujours amie avec elles mais ce n’était pas assez pour moi, ça ne suffisait pas pour rester au sein de Crypta. Je ne pouvais pas combiner les deux : Cobra Spell, et être à fond également dans Crypta. Je me suis demandée ce qui me rendait heureuse en tant qu’être humain. Je voulais être au plus proche de mes désirs les plus profonds. C’était évident qu’il fallait que je joue avec Cobra Spell.

Enfin, quel type de relation conserves-tu avec Burning Witches ?
Je n’ai rien contre Burning Witches, j’ai fait partie de ce combo qui était très professionnel. Je ne veux avoir aucun problèmes avec elles. Elles peuvent venir me parler mais je ne pense pas qu’elles le feront… (rires) Je veux rajouter pour tous nos fans Français, vous pouvez acheter nos Cd’s, vinyles et vous procurer des tee shirts, des disques dédicacés sur notre site dans la boutique. On espère que très rapidement on viendra jouer à Paris et partout ailleurs en France. On adore ce pays, et on espère que ce sera possible dès l’année prochaine (2024). On va tout faire pour venir donner des concerts chez-vous !

Publicité

Publicité