Tout semble sourire à Eclipse, le groupe suédois de heavy/rock, depuis quelques années… Preuve en est : il n’arrête pas de tourner à travers le monde, effectuant un vrai marathon qui les a emmenés de l’Amérique du Sud à l’Australie en passant par le Japon et l’Europe. Pour se faire, quoi de mieux que de nous offrir une suite à Megalomanium, tout juste un an après le précédent. Qui a dit mégalo ? [Entretien avec Erik Mårtensson (chant, guitares, claviers) par Pascal Beaumont/Laurent Machabanski – Photos : DR]
Vous avez donné toute une série de concerts lors des festivals d’été, le dernier en date ayant eu lieu le 9 août 2024 en Belgique pour le Festival d’Alcatraz. Comment avez-vous abordé tous ces concerts en plein air ?
Les festivals sont super. J’adore parce que tu joues un set court. Tu rencontres une multitude de gens et plein de combos avec qui tu traines ensuite. J’aime vraiment beaucoup cette ambiance et jouer live de manière générale. Les festivals, j’adore !
Qu’est-ce que tu essaies de transmettre au public lors de ces festivals, est-ce très différent des concerts en salle ?
Quand tu fais un set complet, tu peux jouer deux heures ou plus. Lorsque que c’est un festival, tu n’as que quarante-cinq minutes ou une heure. Tu dois jouer de nouvelles chansons et aussi interpréter tes plus grands succès dans le même temps, ce qui est important pour les fans. Il faut avant tout promouvoir le groupe dans les meilleures conditions possibles. Le but est de jouer au mieux de tes capacités dans un temps restreint.
En février 2024, vous étiez au Japon, un pays où vous vous rendez régulièrement. Je suppose que c’était un grand moment là aussi. Quelle fut la réaction du public face aux nouveaux morceaux issus de Megalomanium II ?
Nous avons joué live les trois singles : “Apocalypse Blues “, “The Spark”, et “Falling To My Knees“. Le public attendait tous nos classiques Personne ne voulait entendre les nouvelles chansons mais nous les avons quand même jouées. Et maintenant ils sont presque devenus aussi des morceaux incontournables. On devait les jouer pour être sûr qu’ils deviennent de futurs classiques.
Cette année, vous avez donc énormément tourné de février à aout sans vraiment arrêter. Comment fais-tu pour prendre soin de ta voix pour qu’elle tienne tout au long des shows quand on sait que tu as des parties vocales très hautes parfois sur certains titres ?
Quand j’étais plus jeune, je faisais vraiment attention à ma voix et j’étais nerveux à l’idée de savoir si je chantais bien ou pas. Maintenant je ne m’en préoccupe plus. Moins je m’occupe de ma voix, mieux je chante ! (sourires) Moins j’y pense, meilleur c’est paradoxalement. C’est comme ça que je travaille avec ma voix. Comme tu le dis, nous jouons tout le temps et nous sommes toujours en tournée. Ma voix est constamment entrainée. Je chante aussi beaucoup à la maison. Surtout avant les tournées. Je dois utiliser mes cordes vocales tout le temps, chaque nuit pendant des semaines. Tu dois être en forme grâce à un entrainement constant.
Megalomanium est sorti il y a tout juste un an et vous nous proposez déjà une séquelle avec Megalomanium II, vous êtes les Lucky Luke de l’écriture, un an pour enregistrer et composer une suite, c’est assez surprenant ?!
En fait c’est un double album. Nous ne l’avons pas sorti en même temps mais indépendamment tout simplement. C’était le plan parce que quand nous avons réalisé Megalomanium, on avait écrit trente morceaux et enregistré tout, c’était déjà fait à ce niveau-là. Je me souviens très bien, nous étions assis dans un bar en Australie, et là nous avons séparé les trente chansons en deux disques différents. Tout a été composé avant et nous avons tout enregistré en même temps. C’est pour cette raison qu’il y a Megalomanium I et Megalomanium II. Tout a donc été fait au même moment. Tout a été fait au niveau mixage pour le premier, et ensuite j’ai juste eu à mixer le second. (rires)
J’imagine qu’enregistrer un double album sur plusieurs semaines a dû être un sacré défi pour toi ?
Nous procédons toujours de la même manière, nous écrivons tous ensemble dans la même pièce, en face à face car je crois que c’est la seule façon de bien faire. Je ne crois pas du tout au système qui consiste à composer et tout gérer via internet. Nous, on enregistre ensemble dans mon studio. Ça a commencé comme ça, mais réaliser deux disques à travailler en même temps, c’est vraiment dur car il y a énormément de titres ce qui fait que c’est difficile de se concentrer sur tout. Il faut trois fois plus de travail pour enregistrer un double album. (rires) Et puis je me suis aussi chargé du mixage et de la masterisation, je produis tout l’ensemble. Pour cet opus je voulais un son plus organique du milieu des 90/2000. Je ne voulais pas une production super moderne. Je voulais quelque chose entre les deux, pas old school et pas très récent non plus. Je voulais cette vibration des années 2000.
Dirais-tu que la seconde partie de Megalomanium est finalement plus heavy que la première en quelque sorte ?
Oui c’est plus heavy mais c’est vraiment un album à part entière. C’est plus une question de consistance, de la variété des titres, j’aime plus les combinaisons qui s’offre sur ce disque. Mais si je devais faire une meilleure sélection pour cet album, il y aurait que cinq ou six titres. Les points forts sont aussi bons que les mauvais. Les mauvais morceaux sur le second sont meilleurs que le premier en tout cas. (rires)
Tu es chanteur, tu joues de la guitare et du clavier, tu es aussi le producteur depuis de nombreuses années d’Eclipse. C’est une autre partie de ta vie la production car tu travailles avec aussi d’autres groupes en studio. Alors quand tu écris des morceaux, quel est ton instrument de prédilection pour composer ?
Toujours la guitare. La plupart des gens me voient comme un chanteur mais je me vois comme un guitariste qui peut chanter. J’écris tout à la guitare.
Mais qui a eu cette idée incroyable d’enregistrer deux disques au même moment pour finalement en faire un double ? Comment est née l’idée ?
La réponse est très simple, j’avais une fête à la maison et on choisissait chacun notre tour des morceaux a mettre en écoute parmi les vinyles et lorsque ce fut à moi de choisir, mon choix s’est porté sur Mellon Collie and the Infinite Sadness de Smashing Pumpkins qui est un double album et je pensais en moi-même que personne ne fait plus ce type d’album… Il y en avait dans les années 70’s et 80’, et donc aussi 9°’, c’était courant de faire des doubles albums. Nous pensions que nous devions en faire un parce que cela semblait une idée amusante lors de cette soirée. Et l’idée nous est resté coincée dans la tête. Mais nous ne pouvions le faire car personne n’écoute plus ce type de disque. Au lieu de sortir un double d’un seul coup, nous avons sorti deux opus différents, en l’espace d’un an entre, ce qui a laissé aux fans le temps de les écouter. En réalité c’est un double album. Ils sont juste séparés par un an entre chaque sortie. Quand tu bois une bière et que tu passes un bon moment, c’est là que viennent souvent les grandes idées ! (rires)
Quel a été le défi en tant que chanteur, producteur en studio lors de ces sessions un peu particulière ?
Le plus gros défi n’est pas d’enregistrer tel ou tel titre, mais plutôt de jouer au mieux de la batterie, de la basse, chanter du mieux possible sur chaque titre et faire les meilleurs solos de guitare sur vingt-cinq morceaux. Être concentré sur tellement de titres en même temps, c’est ça le défi. C’est beaucoup de travail. Quand tu as un enfant cela fait déjà pas mal à gérer. Quand tu en as deux, c’est comme si tu en avais trois. (rires) C’est tellement de travail d’avoir deux enfants bien plus qu’un seul. C’est à peu près la même chose avec un double album. C’est comme si tu en enregistrais trois. C’est dur de rester concentrer sur tellement de choses en même temps. C’est le plus gros challenge que j’ai rencontré à ce jour. Ce n’est pas parce un morceau est plus difficile à jouer comparé à d’autres c’est juste la quantité qui fait qu’il y a eu un défi de taille à réaliser. Car tu veux des morceaux aussi bons que possible et il n’est pas question que ce soit juste bon. Dans mon monde, ça doit être parfait. Cela doit être aussi bon que l’on peut faire avant la sortie.
Le premier single a été “Apocalypse Blues“ , puis “The Spark“ et maintenant “Falling To My Knees“ tous ces morceaux ont été clippés. C’était important pour toi de mettre en valeur ces trois extraits de Megalomanium II ?
« Apocalypse Blues », je crois, a été choisi par le label, il n’a jamais été question que cela devienne un single. Cela sonnait comme l’ouverture d’un album, c’est pour cette raison qu’ils l’ont choisi, ce n’est pas parce que c’est un single. Le label l’a vraiment aimé et ils l’ont suggéré comme single. « Falling To My Knees » est une de mes chansons favorites. « The Spark » sonnait vraiment comme un single. Spark est tellement stupide. (rires)
Il y a aussi ce superbe titre “Still My Hero“ en hommage à ton père !
J’ai écrit cette chanson tout seul, et le refrain était “Still My Hero“… J’aimais vraiment comment ça sonnait et je me demandais qui était mon héros. En fait, je n’ai pas de héros comme des rockstars ou ce genre de chose. Le seul héros que j’ai c’est mon père. Et il est décédé en 2014 c’était vraiment un bon père. Il est probablement le modèle de père que je veux être. J’ai deux enfants et j’espère que je les soutiendrais toujours et aimerais mes enfants peu importe ce qu’ils font. C’était bien d’écrire ce titre. Je devine que mon père est donc ce héros…
Quand tu as commencé la musique, tes parents te soutenaient ?
Oui, bien sûr ! Mes parents étaient divorcés, je vivais avec mon père c’était celui qui était le plus près de moi, nous étions très proches. Tu sais, je conduisais des motos cross jusqu’à mes vingt-cinq ans, je n’étais pas un musicien au départ. (rires) C’était très amusant. On a voyagé partout dans le pays pour des compétitions et j’ai commencé la musique au même moment, je faisais des reprises il ne se plaignait jamais quand je jouais de la guitare fort à la maison. (rires) Il m’a toujours soutenu ce qui est fantastique.
Le titre qui clôt de façon magnifique ce disque s’appelle “One in a Million“. C’est une chanson épique et très longue. J’ai l’impression d’entendre par moment des riffs à la Metallica, est-ce volontaire, comme une sorte d’hommage en quelque sorte ?
Oui, nous avons des morceaux basiques comme les riffs, les chœurs, les couplets. Nous étions en train de discuter sur le fait d’écrire des titres plus longs que trois minutes et j’ai pensé à ajouter des riffs sur ce titre précisément. J’ai fait tous les riffs même ceux de session en une heure. Je voulais avoir ces vibrations d’… And Justice For All sans signification particulière, avec juste beaucoup de riffs.
Enfin, comme je le disais précédemment au début de cet entretien, tu es aussi producteur et as travaillé avec de nombreuses formations comme Edenbridge, Jaded Heart, Nordic Union, Therion et bien d’autres… Comment es-tu venu à exercer aussi ce travail ?
C’est simple : quand nous avons commencé à faire des clips et des disques, nous n’avions pas de label ni d’argent. Nous n’avions pas de budget et devions tout faire par nous-mêmes alors avec rien, j’ai mixé les deux premiers albums, et ça paraissait. Bon alors j’ai continué avec le troisième. On n’avait pas de finance et ne pouvait pas prendre de professionnel pour faire le mixage et le reste. En bref, l’attitude est la suivante : « fais le toi-même ! ». (sourires)
Publicité