GRIND TO THE VOID TOUR 2022 Live report : BLOCKHEADS/KARRAS/PATENT @L’ASTROLABE – ORLEANS (FR) le 29/10/2022

En voilà une belle petite affiche alléchante et bruyante comme on aime,organisée par l’asso Mad Fauna Prod à L’Astro d’Orléans : Patent, jeune groupe fougueux de mathcore du cru local ; Karras et son death’n roll aux délicieux accents crustcore portés par le trio parisien Etienne Sarthou (ex-Aqme, Deliverance dont le nouvel album sort en novembre…), Diego Janson (ex-Sickbag) et Yann Heurthaux (absent ce soir malheureusement pour cause de concert avec son principal groupe Mass Hysteria) et Blockheads, les vétérans lorrains qui sévissent sur la scène grindcore hexagonale depuis trente ans. [Live report : texte et photos par Seigneur Fred – Remerciements à tous les artistes, L’Astrolabe, et Christophe « Mike » de Patent/Mad Fauna Prod. pour leur disponibilité]

Le tableau est donc dressé et s’annonce explosif. Et c’est dans une petite configuration de la salle orléanaise, bien connue des amateurs de metal ou de hardcore, que les hostilités ont lieu, configuration ainsi plus adaptée à l’ambiance qui va monter crescendo. Une chose est sûre : va y avoir du sport ce soir… !!

Vers 21h00, les Orléanais de Patent montent d’abord sur scène. En fait, nous les avions déjà croisés au Riip Fest en juillet dernier en Touraine. Composé de deux chanteurs énergiques, un guitariste paré d’une sept cordes, d’un bassiste qui ne nous est pas inconnu sur la scène locale, et d’un batteur Chris, sosie de Mike Dean (Corrosion of Conformity) en plus jeune et sans dreadlocks, qui ne va pas chômer ce soir derrières ses fûts, la formation locale va peu à peu chauffer l’audience d’une petite centaine de personnes (bénévoles inclus). Quelque peu déçu de ne pas avoir leur premier album à proposer ce soir au stand de merchandising (ils n’ont publié qu’un EP Insomnia à cette heure), qu’importe, les cinq gaillards ont bien envie de remplir leur mission live. Si l’on peine à retenir des riffs et mémoriser des rythmiques entraînantes, cela est dû à leur style musical loin d’être évident, une sorte de mathcore hybride teinté d’influences power/hardcore metal aux structures complexes. La basse cinq cordes se fait entendre, mais du fait des deux voix couplées à la section rythmique très puissante, on n’entend pas toujours bien la guitare alors que sur la gauche de la scène, le musicien s’applique et enchaîne pourtant des séries de notes et accords qui auraient mériter peut-être plus d’espace, même si le son est bon globalement.

Patent

Les deux chanteurs, quant à eux, occupent bien la scène, à la limite parfois de se prendre le manche de la basse cinq cordes de leur camarade. Kevin est le vocaliste brun situé plutôt sur la droite (quand il ne va pas dans le public). Nous aurons d’ailleurs le temps de faire sa connaissance auparavant en backstage. A gauche, son collègue blond chevelu aux faux airs de Brice de Nice et Whitfield Crane (jeune), lui répond la pareille au micro. Les deux communiquent bien et haranguent les spectateurs. Une réelle complicité se sent grâce à leurs efforts pour réveiller les métalleux et coreux présents ce soir. On apprécie leurs petites blagues pour introduire des morceaux tantôt sérieux ou plus ironiques (« Cinq étoiles », ou bien un autre chanson sur Carlos Ghosn, l’ex-patron de Renault « parti trop vite »… (rires)), dénonçant une certaine vision de notre société consumériste. Vers la fin du set, de plus en plus brutal et entraînant, nous avons droit à une petite descente dans le pit du blond gaillard. Le public commence à être bien chaud, et en redemande. Avec plus de riffs fédérateurs, nul doute que Patent a des choses à prouver sur la scène hardcore/metal régionale actuelle.

Changement de backline sur scène, et c’est au tour de Karras de faire monter d’un cran la fièvre du samedi soir avec leur death metal ’n roll musclé et entraînant. Pour ceux qui n’auraient pas vu le trio parisien au Hellfest ou à la Convention Firemaster plus tôt cette année 2022, ils découvrent Diego Janson, frontman impressionnant sur sa basse noire et vêtu d’un perfecto à l’ancienne, compte bien faire headbanguer les fans, accompagné du discret guitariste intérimaire Nico (du groupe Grist), à gauche, remplaçant pour la troisième fois en live Yann Heurthaux (en concert également ce soir avec Mass Hysteria). D’ailleurs, il joue avec la même guitare Gibson SG que Yann (sauf que celle-ci est marron et non pas noire ici). A la batterie, notre ami Etienne Sarthou est déjà installé. Celui-ci est au taquet, échauffé et alerte, à la frappe rapide et millimétrée. Pourtant son actualité est bien chargée (tournée de Karras, sortie du troisième LP de Deliverance, son autre projet black/sludge avec le chanteur de Memories Of A Dead Man, à retrouver très bientôt ici-même en interview). Mais revenons à nos brebis afin de ne pas les égarer car chez Karras, l’ambiance va être nettement plus sombre et extrême…

Karras (Diego)
Diego Janson (Karras)

Basé sur le concept du film L’Exorciste (le père Damien Karras dans le célèbre film de William Friedkin), leur premier album None More Heretic (Verycords) (lire notre chronique) va être passé au crible ce soir par la formation parisienne. Mais il est agrémenté de quelques nouveaux morceaux du second LP déjà prometteurs à paraître l’an prochain (avec une collaboration entre plusieurs labels) qui, d’après son chanteur/bassiste, reviendra sur le fait divers de 1949 ayant donné naissance justement au livre puis au chef d’œuvre cinématographique L’Exorciste (interview à venir sur notre site d’ici quelques semaines). Si l’on pouvait s’attendre à une intro typique du genre « Tubular Bells » de Mike Oldfield ayant signé la B.O. du film justement, non, ici c’est frontal, direct in your face. Du « power violence trio » comme aime à dire Diego en entretien…

C’est donc parti pour une leçon de death metal suédois à l’ancienne, nous ramenant à Nihilist et surtout Entombed période death metal and roll à la Wolverine Blues jusqu’à To Ride, Shoot Straight and Speak the Truth !. Les amateurs de guitare tronçonneuse sont alors comblés. Vive la pédale de distorsion Boss Heavy Metal HM-2 (made in Japan) qui fit la gloire du death metal scandinave au début des années 90… A gauche de la scène, Nico envoie du lourd et ne tremble pas sur son instrument, véritablement habité, le léger stress laissant place maintenant à l’adrénaline.

La rythmique, quant à elle, est appuyée par le véloce Etienne et se veut d’une efficacité maximum, enclin au violent headbanguing et déjà premiers circle pits, même si son frontman est obligé de réveiller encore un peu plus le public et de ramener les gens plus près de la scène sur laquelle les premiers slams commencent… C’est bon, la chaleur monte. Il y a ce côté sauvage, primaire, et crustcore, un peu à la manière des Suédois de Driller Killer (d’ailleurs que deviennent-ils ?) La set-list se veut efficace et puissante, taillée pour la scène (au hasard « Of Death and Earth »). La force de Karras réside également dans sa forme de trio, formule de line-up généralement efficace en live. Un faux air de Tom Araya se dégage de chez notre ami Diego, placé à droite de la scène, sauf que lui, il peut encore headbanguer et bouger son dos, contrairement au célèbre retraité américain du thrash qui avait lancé lui les moulinets en huit (les spécialistes comprendront). Une belle claque ce soir, et on a déjà hâte d’écouter le second album de Karras en 2023, et surtout de les revoir live (avec de préférence Yann forcément à la guitare, mais attention, Nico a admirablement fait le job ce soir !! Chapeau bas !) sur une plus grand scène ou en festival l’été prochain comme l’été dernier au Hellfest.

Allez, place à la tête d’affiche avec Blockheads qui va littéralement mettre K.O. les néophytes et ravir les fans de grindcore, de punk/hardcore et de metal en général. Étrangement, c’est la toute première fois a priori que le groupe nancéen se produit à Orléans, ici, à l’Astrolabe en trente ans de carrière. La honte ! Il est grand temps de rattraper le temps perdu, comme pour nous qui avons du coup rencontrer son chanteur Xav et le guitariste Raph (à la basse ce soir) lors d’un face-à-face avec Karras juste avant le concert de ce soir, et qui fera l’objet d’une belle interview croisée très bientôt sur Metalobs.

Au cœur du pit, Xav, le chanteur de Blockheads

Avec un bandana sur la tête, Xav s’installe alors au milieu du pit avec son micro, à moitié agenouillé, et doucement, progressivement, les zicos envoient la sauce sur une rythmique punk/hardcore qui groove. Les fans autour de lui n’hésitent pas à capter l’instant sur leur mobile, pendant que tout le monde se positionne près de la scène. Rien que ça comme intro, ça en impose, quelle idée géniale et immersive !

Puis ça part, les sardines dans leur boîte se dispersent, et tout le monde se met à danser dans un chaos fracassant. Leur dernier LP en date,Trip To The Void (Bones Brigade/Lixiviat Rec.), n’est pas joué dans son intégralité (cela aurait pu avec sa durée de 28’ au total), les gars de Blockheads nous confiant en interview préférer mixer des nouveaux titres avec des anciens classiques, et ne pas jouer l’album d’une traite, non pas pour des raisons techniques, mais l’exercice étant finalement peu spontané, voire barbant. Et puis cela pourrait être réducteur par rapport à leur longue carrière même s’ils n’ont publié que six albums en trente ans de carrière, leur avant-dernier LP remontant à 2013 et l’énorme This World Is Dead (Relapse Rec.) dont nous nous rappelons tous de sa triste pochette…

Très vite, les pogos et slams ne se comptent plus sur les courts, mais fracassants, morceaux d’une durée moyenne d’une minute (spécialité maison du grind). Ça glisse par terre, on transpire, la bière coule, et les décibels montent. C’est très violent, mais toujours bon esprit. Les Blockheads, qu’ils soient devant 100 ou 10 000 personnes, peu importe, donnent tout comme si le monde allait s’écrouler demain (cf. This World Is Dead). Il y a une véritable énergie, propre au grindcore justement, genre musical universel qu’ils défendent avec des valeurs, des convictions, sans pour autant imposer les choses avec démagogie.

Blockheads, c’est avant tout une histoire d’amitié entre potes, de réseaux, et grâce à leur avant-dernier album, ils s’exportent désormais en dehors des frontières françaises. Et même si leur dernière galette Trip To The Void a été peaufinée en studio à l’extrême, ils n’ont rien perdu de leur énergie live sur scène, et ses divers extraits font vraiment mal (« Walls », « False », « Cages », etc.), tels des uppercuts en pleine tronche après une cuite d’un samedi soir. Leur jeune caméraman officiel a droit à un slam poli, après des plus violents précédemment. Les fans sont vraiment comblés, peu de répit, et Xav, le frontman géant est justement en grande forme, lui qui, durant le set de Karras, offrait généreusement des shots de Jägermeister à ses potes de tournée, tout en prenant aussi un peu pour la route…

Chapeaux également aux autres membres du groupe lorrain toujours tous au taquet, et qui participent live à cette formidable énergie collective (notamment vocale), même si la scène est presque trop étroite pour eux cinq finalement dès qu’ils ont la bougeotte. Le batteur Nico, tel le Phil Collins du grindcore, chante en plus derrière son kit alors qu’il a déjà des parties intenses à assurer, lui qui est un grand fan d’Obituary. Idem pour Fred à la guitare sur la gauche avec sa casquette vissée sur le crâne qui dégaine les power chords en rafale. Si les lights sont un peu minimalistes parfois, l’essentiel est dans le partage, la ferveur des fans avec Blockheads, et vice-versa. Passé une courte pause, un bref rappel a lieu, avec ensuite les remerciements sincères de rigueur de la part de Blockheads qui a livré une belle prestation musclée, comme les précédents jours à Reims ou Genève. Ils peuvent se reposer, avant de rejouer, d’ailleurs, le 10 décembre 2022 en compagnie toujours de Karras et de leurs vieux amis de Nostromo.

=> Allez, au revoir les amis ! C’est fini. Pour 2023, rendez-vous est d’ores et déjà pris avec Blockheads pour une participation au Hellfest. Quant à Nostromo justement, bonne nouvelle ! L’autre monstre du grindcore, suisse cette fois, viendra en effet atomiser à son tour L’Astrolabe le mercredi 15 mars 2023 avec les Orléanais de Monde de Merde (qu’on ne présente plus) en première partie. [Seigneur Fred]

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