HOMECOMING : Du rock fait maison

Un vent de fraîcheur souffle sur le rock stoner et le post metal français depuis quelques temps déjà. Divers formations apparaissent, osant mélanger des choses, des influences, après les avoir longtemps digérées dans les années 90/2000, ce qui donne souvent de belles réussites, tant sur disque que sur scène. Par exemple, voici le quatuor parisien Homecoming qui, après un premier LP logiquement appelé LP01 (sur ce coup-là, nos petits Frenchies ne se sont pas foulés ;-)), nous sort le grand jeu en matière de, appelez ça comme vous voulez mais qu’importe : rock alternatif/progressif/stoner et post metal, sur son second essai Those We Knew. Il nous fallait absolument faire leur connaissance avec Homecoming car cet album, produit par Francis Caste (Hangman’s Chair, Lazy, Svart Crown, Necrowretch, Regarde Les Hommes Tomber…) nous a tout simplement bluffés. [Entretien avec Théo Guiter (guitare/chant), Théo Giotti (batterie), Basile (basse), Renaud Fumey (guitare/chœurs) – Photos : DR]

D’où vient le nom de votre groupe : Homecoming ? Avez-vous apprécié et trop regardé peut-être les derniers film Marvel de la saga Spider-man au cinéma (Home Coming, Far From Home, No Way Home…) ? (rires)
Basile : On a eu des expériences musicales avant de former Homecoming. Avec Théo Giotti, on a commencé à jouer de la musique ensemble. On a eu un groupe, fait des concerts… Sur notre période lycée, c’était cool. On a fait un bout de chemin chacun de notre côté. J’ai rencontré Théo Guiter quelques années plus tard dans un projet stoner, et quand celui-ci s’est arrêté, je me disais que ça pourrait être une super occasion de faire se rencontrer les deux Théo, et de jouer ensemble une musique qui nous fait vibrer… Homecoming c’est ça, un retour aux sources, un retour à la maison.

Plus sérieusement, question classique certes, mais afin de mieux vous connaître, vous et votre histoire, pouvez-vous nous résumer comment est né le groupe en 2017 du côté de Paris ? Une histoire entre potes ? Via une petite annonce comme Metallica un beau jour d’automne 1981, mais par internet cette fois ? (sourires)
Giotti :
Après ce que Basile t’a dit précédemment, et après, il y a eu Renaud aussi, le deuxième guitariste qui fait aussi les chœurs. Il jouait déjà avec Guiter dans leur groupe Nouriture, il était venu nous voir après un concert à l’occasion de la sortie de LP01. Il a dit qu’il aimait beaucoup nos chansons, nous on réfléchissait à ce qu’un guitariste nous rejoigne pour pouvoir jouer en live ce qui était enregistré en studio… Et pareil, ça a vachement bien fonctionné, c’est allé très vite !

Ce qui détonne d’emblée dans la musique de Homecoming, sur ce second album Those We Knew, c’est ce mélange rock/metal savamment dosé et mis en son. On peut entendre et relever diverses influences rock (post rock ou progressif, stoner, rock alternatif, grunge) et metal, voire post hardcore. C’est ça en résumé vos influences chez Homecoming même si ça brasse peut-être plus large encore ?
Guiter : Moi, j’ai grandi avec le rock progressif mais aussi avec la musique brésilienne. À mon adolescence, j’ai découvert le Grunge puis le Stoner et je me suis noyé dedans !
Basile : J’ai découvert le prog avec le jeu vidéo Guitar Hero World Tour et les chansons de Tool dedans. Je dirais que depuis, je suis un aficionado de la scène post des années 2000, avec des groupes comme ISIS, Cult of Luna, Pelican, the Ocean, Bossk…
Giotti : C’est Lamb Of God et Dream Theater qui m’ont fait aimer le metal. Puis je m’éclatais pas mal avec le metalcore et le deathcore qui a émergé avant 2010 : Chelsea Grin, Suicide Silence, Bring Me The Horizon…
Basile : Pour aller plus loin, on a tenté de monter chacun une playlist de nos influences respectives sur Spotify, vous pourrez les trouver sur notre profil d’artiste !

Si l’on dit de votre musique, et vous me pardonnerez l’expression familière que vous avez le « cul entre deux chaises », entre le rock et le metal, ça vous va et êtes à l’aise ainsi, ou bien vous dressez un pont entre les deux finalement comme l’ont fait des groupes cultes comme Tool ou Mastodon l’ont accompli durant les années 90/2000 et encore de nos jours ?
Basile : On a tendance à entendre à notre sujet qu’on explore plein de styles différents. Parfois on qualifie même notre musique de « patchwork » ! C’est vrai que les chroniques relèvent souvent que certaines parties font penser à tel genre, ou tel genre extrême… Mais si on parle de Mastodon, c’est un bon exemple. On dirait d’eux « qu’ils font du Mastodon ». Ils ont plein d’influences, ils en font quelque chose qui leur est propre. La question du style vient après, elle est même extérieure au projet… Je pense un peu pareil pour notre musique. Elle ne se pose pas du tout quand on écrit.
Guiter : On va laisser les critiques faire leur job, et attendre quinze ans pour qu’on nous dise « Homecoming c’était tel style de musique ».

Comment avez-vous réussi à mixer alors à travers seulement six nouvelles chansons vos/ces influences d’ailleurs car lors de la phase de composition et écriture des morceaux, ce ne doit pas être évident afin de tous vous exprimer, que ce soit à travers les instruments, les chants et chœurs, et les arrangements ?
Giotti : Théo Guiter est un puit d’idées. Ça offre une sacrée base de travail. Mais l’astuce est plutôt de partir d’une idée qui nous met tous d’accord, et on joue autour. On arrive chacun notre tour à être moteur sinon à se laisser guider par les propositions des uns des autres alors même qu’on joue. On travaille beaucoup à partir de la spontanéité. C’est comme ça qu’on a écrit les trois-quarts de notre album.
Guiter : Puis après y’a le travail de détail. On réécoute, on ajuste, discute autour de ce qu’on a à l’esprit quand on joue le morceau, quelle ambiance on veut poser… Ça nous arrive souvent de ne pas voir les parties de la même façon. Et c’est super car des fois ça donne des choses très surprenantes !
Basile : On fait le plus gros de la composition à trois. Ensuite Renaud nous rejoint pour ajouter une deuxième guitare. Il capte directement ce qu’il peut apporter aux morceaux et l’exécute super bien ! Il fait aussi les chœurs. On a de la chance d’avoir un guitariste/chanteur capable de suivre Guiter sur ses lignes de guitare et de chant.
Renaud : Les gars composent depuis un moment ensemble, et j’ai rejoint le projet en cours de route. J’ai beaucoup joué et écrit avec Théo (guitare) avant d’intégrer Homecoming, je connais bien ses intentions musicales et j’ai essayé de les suivre au maximum en y ajoutant ma patte.

Pourquoi proposer seulement six chansons au public sur ce nouvel enregistrement studio à la limite du EP ? Pourtant vous sembliez inspiré et aviez le temps de composer et enregistrer durant la pandémie étant donné que vous avez attaqué sa conception après LP01 et avez subi, comme tout le monde, la pandémie et les quarantaines qui ont stoppé les concerts des artistes un peu partout dans le monde ?
Basile :
Six chansons de 8 à 12 minutes tout de même ! Ah ah ! (rires) Nous avions bouclé l’enregistrement de « Those We Knew » fin 2021. On sort « LP01 » juste avant la pandémie. Quand les choses allaient « mieux » pour la scène, on a décidé de promouvoir LP01 et de prendre le temps de préparer la sortie du deuxième album différemment. Ce qui nous a permis de tourner, de rencontrer des gens qui voulaient bosser avec nous (Hello Euphoria, Copper Feast Records, Shake Promotion… ) et on a pu sortir notre deuxième album dans des conditions plus « professionnelles » que LP01.
Giotti : Six chansons ça fait presque une heure. On a beaucoup de choses à dire, c’est vrai, d’ailleurs on est en train d’écrire notre troisième album !

Au niveau des paroles, ce second album aborde des aspects humains assez naturels comme la perte d’espoir, le deuil. Est-ce contexte anxiogène de la crise sanitaire du covid-19 qui a façonné l’atmosphère de Those We Knew ou bien c’était déjà sous-jacent sur LP01, votre premier opus ?
Guiter : Les morceaux parlent de choses qui me touchent depuis toujours. La crise sanitaire n’a pas grand-chose à voir là-dedans. En composant avec Homecoming, s’est posée la question de l’écriture des textes. J’y ai trouvé la possibilité de mettre en mot ces thèmes qui me travaillent et y donner une forme personnelle, ça s’est fait naturellement d’ailleurs, sans trop de réflexion.

Pourquoi ce titre Those We Knew (« Ceux qui croyaient » en français) ? Quelle est sa signification ici et pourquoi avoir choisi un titre et des noms de chansons en anglais pour vous exprimer plutôt qu’en français alors que notre belle langue a plutôt la côte ces temps-ci à l’étranger ? La French touch ! (sourires)
Guiter : On traduirait le titre de l’album par « ceux qu’on a connus ». Manque de pot, je suis le seul qui voulait bien chanter et écrire les textes, donc ça s’est fait en anglais. C’est la langue avec laquelle je me sens le plus à l’aise pour m’exprimer. J’ai grandi dans le théâtre et la littérature anglophone et, pour moi, c’est une langue d’une richesse inouïe, d’une liberté hors pair.

Those We Knew s’avère donc être un cocktail musical en béton parfaitement dosé et produit, enregistré, masterisé par Francis Caste au fameux studio parisien Sainte-Marthe (Xème arrondissement si ma mémoire est bonne). Comment s’est passé l’enregistrement avec lui en studio justement ? Plutôt à l’ancienne en enregistrant collectivement, en live en quelque sorte, ou bien instrument par instrument séparément ? Avez-vous apporté au préalable une maquette de préprod’ car ce nouvel album sonne si pro et propre, fluide, que ça semble facile de composer et d’enregistrer et que l’on a envie de vous suivre ? (sourires)
Giotti : Merci pour ces compliments, ça fait plaisir ! Francis nous a confrontés à nos limites respectives. En nous adressant à lui, on savait qu’on allait se confronter à de nouvelles exigences. Pour ma part, ça a été une vraie leçon de bosser avec lui, il m’a sensibilisé à plein d’aspects de la batterie et de son enregistrement. On a enregistré les choses séparément. On est arrivé avec nos fichiers Guitar-pro qu’on s’était compliqué la vie écrire, Francis n’avait jamais bossé avec ce support au départ, ça faisait un peu touriste ! Ah ah ! (rires) Bon, après il a vu qu’on avait à en revendre… Il nous a beaucoup aidés pour faire en sorte que notre musique sonne aussi bien !
Basile : La durée des sessions et la deadline de mixage bien définie ont été des défis importants. Nous avions enregistré LP01 en plusieurs parties, l’approche était différente. J’ai beaucoup aimé le challenge. Bien sûr qu’en regardant en arrière j’aimerais toujours améliorer certains aspects de l’album final. Francis a vraiment fait un super boulot.
Renaud : Francis a le talent de pousser les musiciens à aller à l’essentiel et donner le meilleur d’eux-mêmes, en étant attentif aux moindres détails. Ça a été une super expérience d’enregistrer là-bas !

Selon vous, hormis la production sonore peut-être, quelles sont les principales évolutions notables entre votre premier album LP01 autoproduit et paru en 2019, et ce second album Those We Knew ?
Guiter : L’introduction d’une seconde guitare nous a permis d’être plus inventif avec nos riffs et surtout, de mettre une plus grosse mandale sonore en pleine gueule. (sourires) Au niveau de la composition, on a pu explorer différentes idées très naturellement, en prenant plus notre temps. Comme d’habitude pour nous, la digestion de certaines idées a pris un peu de temps. Mais le ragoût doit souvent mijoter longtemps avant d’atteindre sa succulence idéale. (rires)

Un second guitariste/compositeur est donc arrivé au sein du groupe. Il s’agit de Renaud Fumey-Seguy, je crois, vous faisant passer de trio à quatuor…
Basile : Tout à fait ! Comme on l’abordait plus tôt, Renaud est arrivé pour nous permettre d’assumer LP01 en live à l’époque. Étant très complice avec Theo Guiter, nous nous sommes vite mis à composer la suite ensemble. Le passage de trio à quatuor était assez naturel, il apporte une nouvelle dimension à notre univers musical je trouve.
Renaud : Effectivement, on est très proche avec Théo, on compose dans notre autre projet ensemble, on s’est toujours très bien compris musicalement alors tout ça est assez naturel. Quand j’ai découvert LP01 je l’ai écouté en boucle, ça m’a vraiment plu. Je suis allé les voir quelques fois en concert et j’ai trouvé que ça méritait encore plus de puissance. Comme j’aimais beaucoup leur musique, je leur ai proposé de m’ajouter au groupe pour doubler les guitares et les voix pour les concerts. C’est allé plus loin que ça au final, je me suis retrouvé au milieu de la composition de Those We Knew, et j’y ai participé.

Comment fait-on quand on est un groupe de rock/metal parisien pour se distinguer et s’extirper de la masse de nouvelles formations franciliennes et françaises en plein développement à l’heure actuelle ?
Renaud : C’est compliqué en effet. En dehors de toutes les opérations de management diverses et variées, de com etc, il faut rester focus sur son art et son propos. Il ne faut pas s’égarer à essayer d’appartenir à une catégorie, à plaire à un public le plus large possible ou à restreindre sa vision. La sincérité, la détermination et l’assiduité sont pour moi des points très importants.
Basile : C’est vrai que c’est un peu la guerre. Je suis déjà très reconnaissant des opportunités que nous avons eu jusqu’ici, notamment une tournée européenne et un set au Desertfest de Londres. Je pense que l’on donne ce que l’on peut pour s’extirper de cette masse de groupes talentueux que la scène pond quotidiennement, mais que se distinguer ne sera pas uniquement de notre fait. On a la chance d’avoir une belle communauté qui se crée peu à peu autour de notre projet musical et, c’est déjà la plus belle distinction qui soit selon moi !
Guiter : On joue principalement pour nous, alors je sais pas trop comment ça c’est fait mis à part qu’on a beaucoup joué, à Paris et ailleurs! On fait notre truc à nous, on aime bien ce qu’on fait et, à force, on le fait plutôt bien ! Y’a des tonnes de bons groupes qui tournent et qui sortent en ce moment, et faire partie de la scène actuelle française est un plaisir dont on raffole, on ne sait jamais avec qui on va jouer, et souvent, on est bien décoiffé par les groupes avec qui on partage des scènes !

Parlez-nous un peu du label britannique Copper Feast Records svp ! Pourquoi avoir signé avec lui plutôt qu’un autre ? Que propose-t-il de plus ou de différent par rapport aux autres labels ? N’auriez-vous pas préféré rester indépendants et continuer en autoprod’, quitte à passer par un crowdfunding sur Patreon ou autre sur internet pour vous auto-financer (enregistrement studio, publicité, vidéo-clips, matériel musical, etc.) ?
Basile : Pour le label, ça s’est passé « à l’ancienne” on va dire ! Ah ah (rires). Callum (gérant de Copper Feast Rec.) s’est pris une claque lors de notre passage à Londres en mai dernier (2023), et le lendemain nous proposait d’éditer LP01 sur vinyle. On a sauté sur l’occasion, nous rêvions de pouvoir sortir notre premier album sur ce format. Lorsque nous avons acté la sortie de Those We Knew, Copper Feast a répondu présent, on a donc décidé de continuer naturellement avec eux. Nous n’y perdons pas notre indépendance cela dit, il s’agit d’un deal de pressage et distribution, nous gérons toute la partie artistique.

Enfin, avez-vous des projets de concerts en Europe et tout particulièrement en France ? Des festivals de prévus cet été en Europe ou outre-Manche, voire outre-Atlantique ? des vidéo-clups en perspective pour certaines nouvelles chansons (singles) ?
Basile :
Absolument, nous repartirons sur la route mi-octobre en Europe pour y défendre Those We Knew. Nous assurons quelques concerts en France et essayons d’avoir de beaux festivals à côté. Notez que nous ouvrirons pour Nebula à Paris le 1er juillet 2024, on vous y attend nombreux !

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