IRON ALLIES : Le pouvoir de l’acier et du sang

S’il y a une chose que l’on ne peut reprocher à Herman Frank, c’est de se reposer sur ses lauriers. L’ancien guitariste d’Accept est surtout et avant tout un musicien des plus prolifiques : à la fois producteur, gérant en parallèle une carrière solo très fournie, et occupant le poste d’axe man au sein du groupe Victory, sans oublier les nombreux projets parallèles auxquels il participe. Pas étonnant donc de le voir revenir avec un nouveau combo baptisé Iron Allies, avec comme comparse surprise David Reece, l’ancien chanteur d’Accept sur le très décrié Heat The Heat datant de 1989, ce qui ne nous rajeunit pas. Dans tous les cas, point de surprise avec Blood On Blood Out qui s’avère être un véritable manifeste heavy metal concocté par l’un des maîtres du genre. Voici notre entretien avec le célèbre guitariste allemand, placé sous le signe de l’humour… [Entretien avec Hermann Frank (guitares) par Pascal Beaumont – Photos : DR]

Tu as eu l’occasion de donner quelques concerts en solo du 13 au 22 mai 2022, quels souvenirs en gardes-tu ?
Tout d’abord, je suis heureux de pouvoir parler une nouvelle fois avec toi. Malheureusement cette tournée a été annulée en raison du Covid mais heureusement nous avons pu tourner avec Victory. Cependant, en mai ce n’était pas encore possible de jouer au vu des conditions sanitaires.

Oui, justement avec Victory vous avez donné plusieurs prestations live du 5 juin au 23 septembre 2022. Alors j’imagine que c’était de très bons moments ?
Oui, on a fait quelques dates dans certains festivals en Suisse et dans d’autres pays.

Vous deviez aussi célébrer les trente ans de Victory aussi !
(rires) Oui mais avec tout cela, on va fêter plutôt les trente-trois ans. (rires) Le covid a tout décalé une fois de plus. On devait les fêter il y a trois ans au départ et on a décalé à chaque fois et maintenant tu vas pouvoir rajouter trois années supplémentaires. (rires) Mais on a envie d’organiser quelques dates, on ne sait pas quand, peut-être fin janvier 2023. On a dû repousser trois fois mais ça devrait avoir lieu.

Tu as toujours été très actif, dis-moi. L’année dernière tu as sorti un album solo Two For A Lie et un autre avec Victory, Gods of Tomorrow. À présent, te voilà en 2022 de retour avec une nouvelle formation avec David Reece : Iron Allies !
J’avais beaucoup de temps devant moi, j’étais assis chez moi, j’avais travaillé sur le nouveau Victory, sur mon propre opus studio en solo, mais ce n’étais pas assez pour moi. J’ai eu cette envie de créer un autre combo il y a de ça plusieurs années mais j’étais trop occupé, il me fallait trouver du temps. J’ai toujours pensé à David Reece comme chanteur et le moment venu je lui ai envoyé un message alors sur Facebook. J’adore Facebook pour ça, merci à eux. Je lui ai dit que je formais un nouveau groupe et je lui ai demandé s’il serait intéressé pour en assurer le chant.  Il m’a immédiatement répondu : « oui, monsieur ». (rires) Je lui ai dit : « ok c’est parti ». Je l’ai appelé et on a parlé du projet, de ce que nous allions faire, etc. J’ai pensé à lui car j’ai toujours aimé sa voix, la manière dont il sonnait, son style, il est rock, metal mais avec un coté bluesy que j’aime bien. C’est très différent de Gianni Pontillo, le chanteur de Victory, et aussi de Rick Altzi qui assure les voix sur mes opus solo. Ce qui fait que ça avait du sens de travailler avec lui, je fais du heavy metal mais de très belle manière. Je lui ai envoyé quelques morceaux que j’avais composés et deux jours après, il me les renvoya. Il avait enregistré ses voix très rapidement dans son studio en Italie. Tout était bien fais, je me suis dit que ça allait fonctionner. Je lui ai dit que c’était exactement ce que je cherchais. Il a vraiment bien travaillé, c’était facile avec lui. C’est un des meilleurs professionnels que j’ai rencontré dans ma carrière, j’ai apprécié qu’il travaille si vite et en quelques semaines on avait beaucoup de chansons en boite. Finalement on s’est retrouvé avec une vingtaine de titres et il a fallu en choisir douze. C’était le plus difficile à faire. Et puis j’ai envoyé tout ça au président de AFM Records, c’est quelqu’un de très bien et il a répondu positivement, il était partant. Puis on a choisi un studio, le Horus Studio, car il a une longue histoire et Arne Neurand, l’ingénieur du son, y a fait du bon travail. David (Reece) et Francesco Jovino notre batteur ont vraiment apprécié d’enregistrer ce disque et d’être en studio avec les autres musiciens. Ça nous a pris environ dix-huit jours et on était très content.

Finalement tout a été très simple pour vous ?
(rires) Ça n’est jamais facile. Ça le parait lorsque je le raconte. (sourires) Pour être honnête, de nos jours dans la musique et tout le business autour, rien n’est simple. Il y a eu des époques fantastiques dans les années 80/90. Les maisons de disques disposaient de beaucoup d’argent et le dépensaient. Mais aujourd’hui, il n’y a plus de financement et nous vivons une époque très difficile.

David Reece a enregistré avec Accept un seul album Eat The Heat en 1989. Quel regard portes-tu sur cet ancien opus ?
David avait fait du bon boulot, c’est un excellent chanteur mais tout ça c’est de l’histoire ancienne et je regarde toujours vers l’avant. J’ai fait tant de choses tout au long de ma carrière mais c’est le futur qui m’intéresse. C’est une époque où nous avons passé de très bons moments avec Accept, et j’ai vraiment apprécié jouer avec eux. Mais maintenant c’est de l’histoire ancienne. Ça remonte à loin…

Justement comment décrirais-tu le style joué avec Iron Allies aujourd’hui ?
C’est du heavy metal classique avec beaucoup d’énergie. On a enregistré avec un esprit live et cela sonne très frais, tu le prends directement en pleine face. On a une énergie fantastique, c’est du très bon heavy metal  Ce n’est pas facile de décrire ce que tu crées mais j’en suis fier, c’est de l’excellent metal.

Oui, il fait la part belle aux guitares qui sont très présentes sur cette galette…
C’est superbe. (Ndlr : en français dans le texte). (rires) Ce n’est pas facile de décrire ta propre musique, tu sais. Si vous aimez le heavy metal avec une très belle voix, des mélodies, de bonnes guitares, beaucoup de solos, des chansons faites pour vous rester dans le crâne, alors cet opus est pour vous.

David vit aujourd’hui en Italie mais est américain. Quel a été son apport sur cette collaboration du fait de sa nationalité ?
David a enregistré de très nombreux albums, c’est un très grand professionnel. Il a apporté sa couleur, il écrit de très bons textes, c’est une sorte de poète, il adore écrire des paroles qui lui colle parfaitement à la peau, il est très talentueux. C’est le meilleur chanteur professionnel avec lequel j’ai travaillé. C’est fantastique, tout est très facile avec lui, on peut lui demander d’interpréter un morceau d’une certaine manière et il le fait. Il aime chanter, et il assure très bien ses parties vocales. Il en a enregistré beaucoup, cela lui semble très facile. Il pense de la même façon que moi, nous avons la même attitude. Il a consacré sa vie à la musique, il aime ça. C’est ce qui m’a donné envie de travaillé avec lui.



Vous avez écrit de nombreux morceaux pour n’en garder que douze. Du coup, un deuxième opus est-il déjà prêt ? (rires)
(rires) Si un morceau est bon pour le premier album, un titre issu de la même session ne veut pas dire qu’il le sera pour le prochain. Je n’en sais rien, nous avons de très bons morceaux, il y a beaucoup de parties dans une chanson mais il y a aussi un fil rouge dans un album et nous nous y tenons. Pour mes opus en solo, si j’ai quinze ou seize morceaux et que je n’en conserve que dix sur le disque, j’efface tous les autres, je ne les copie pas sur un cd ou sur mon ordinateur. Si je m’en souviens par la suite, deux ou trois ans après, c’est qu’ils sont très bons. Si je ne m’en souviens pas, c’est que ce n’était pas assez bon. Il y a de très nombreuses chansons que j’ai effacées de cette manière.

Tu as choisi de confier le mixage et le mastering à Dennis Ward (Pink Cream 69, etc.), une pointure que l’on ne présente plus… Qu’attendais-tu de lui ?
Oui, j’ai déjà travaillé avec lui que ce soit pour Hermann Frank ou Victory. Là on partait avec une nouvelle formation et de nouveaux morceaux, Dennis les a mixés d’une manière différente pour nous forger une identité musicale. Et puis c’est aussi un musicien talentueux et un très bon mixeur. Tout a été assez facile, je lui ai envoyé les titres, il les a écoutés et a travaillé dessus. On en a discuté et il m’a renvoyé ce que j’attendais. J’ai passé trois jours en studio avec lui, on a énormément travaillé, tu peux mettre un peu plus d’écho là, monter le son de tel instrument, on a échangé. Je lui ai dit que je trouvais que la basse était un peu trop mise en avant, c’est un bassiste, il veut toujours mettre plus de basse. Rires. Je lui ai dit que ce n’était pas possible, ce n’est pas un opus basé sur les basses, il y a aussi des guitares, des voix. Rires. Il s’est mis à rire et il m’a dit : « oui je sais, c’est mon défaut, j’adore la basse ».

Sur les trois singles qui sont sortis, « Full Of Surprises » a été le premier et ouvre aussi le disque. Quels sont ces fameuses surprises ?
C’est un opus plein de surprises, en effet, et ce, dans chaque morceau. Il ouvre l’album pour t’inviter à écouter le reste, la surprise est dedans. (rires). Ce  sont toutes les autres chansons qui suivent.

À t‘entendre ça semble facile de sélectionner les titres qui figurent sur cet album Blood In Blood Out d’Iron Allies !
J’aimerai bien ! (rires) Si ça ne dépendait que de moi, j’aurais choisi tous les douze morceaux comme singles (rires) Au départ on en a discuté ensemble David et moi, puis avec la maison de disque. On ne pouvait en sortir que trois, on a choisi les trois premiers morceaux. C’est plus facile. Pour moi, c’est toujours compliqué, je suis heureux que le titre « Full Of Surprises » soit sorti car il y a une très bonne partie de guitare. C’est un titre très spécial pour moi car j’ai beaucoup travaillé dessus pour obtenir ces guitares en studio.

Tu veux dire que certains morceaux ont été plus difficiles pour toi à finaliser en studio ?
On a commencé à travailler avec Dennis Ward en 2021, on n’avait jamais collaboré avec lui avant mais on en parlait depuis des années. J’avais envie de le faire. Et oui bien sûr, tout l’album a été un challenge et je suis effrayé en pensant au fait que je vais devoir les jouer sur scène. (rires) En studio, j’ai enregistré quatre-vingt-dix pour cent des parties que j’avais préparées en démo. J’enregistre tout dans mon studio. C’est facile, je suis tranquille assis chez moi et si je me sens bien, si j’ai un bon feeling pour jouer alors je vais dans mon studio et je joue. C’est très différent que lorsque tu es dans un studio qui ne t’appartient pas. Moi je dois jouer en permanence chez moi.

Ressens-tu toujours une forme de pression lorsque tu travailles sur un nouveau projet ?
Non, plus maintenant. Je suis dans une situation particulière où je suis très chanceux. Je commence par un riff, je travaille les chorus, les solos, je fais toutes les parties. Quand je commence à composer, je m’assois et je travaille, il n’y a aucune pression. C’est du plaisir, crois-le ou pas, j’aime ça. Parfois tu peux te mettre la pression toi-même en te disant peut être que je pourrais faire mieux. Généralement, les premières prises sont les meilleures, ce sont les plus fraiches, elles ont le meilleur feeling, la meilleure énergie. Les prises suivantes sont souvent moins efficaces, il ne faut pas non plus que ce soit trop lisse.

Et comment envisages-tu l’avenir d’Iron Allies ?
C’est notre premier opus. Pour le second je pars m’installer dans une ferme en Angleterre. (rires) Non on ne peut pas prévoir, les réactions sont très bonnes, on apprécie en même temps, et on est surpris car tu ne peux pas t’attendre à ce que tout le monde apprécie ton album. Cela fait tellement longtemps que je fais de la musique, j’ai soixante-quatre ans, tout le monde l’apprécie, il y en a qui nous disent que c’est l’album heavy metal de l’année. Ok, c’est très bien. Mais tu ne peux pas connaitre l’avenir, cela dépend de tant d’intervenants, les promoteurs, les bookers, ils attendent les premières réactions du public, savoir si ça sera porteur… Mais on est prêt pour l’année prochaine, donc on verra si on peut tourner en Europe en 2023.

Et pour toi personnellement, qu’envisages-tu dans les prochains mois ?
Je travaille déjà sur de nouveaux morceaux pour tous les autres projets que j’ai. Je n’arrête jamais sinon je m’ennuie. Je suis à la maison, je m’assois et je commence à lire un livre mais après ça devient lassant. Je pense sans cesse à enregistrer, je suis un gros travailleur. J’adore être en studio et composer. Cela peut être pour un opus solo, pour le prochain album de Victory, ou bien Iron Allies. Je n’arrête pas ! J’ai produit un album pour ma femme qui est auteure compositeur.

La première fois que tu as tournée en Europe avec Accept, c’était sur le Restless And Wild tour en 1983 !
J’ai pris beaucoup de plaisir sur cette tournée, c’est gravé pour toujours dans ma mémoire.

Tu souviens-tu du premier concert d’Accept à Paris, c’était à la salle de La Mutualité le 29 avril 1983 avec Stocks en première partie ?
Oui, je m’en souviens très bien et il y a une raison à cela. C’était dans une salle qui ressemblait un peu à un cinéma, à la fin du concert c’était la première fois que la scène s’écroulait, les barrières de sécurité étaient tordues et déplacées tellement le public poussait fort, la scène bougeait, c’était fantastique. Après le concert, on est revenu voir la scène avec les techniciens. Je fais toujours cela après le show je retourne dans la salle saluer et remercier tous les gens qui travaillent avec nous. C’est là que j’ai vu que plusieurs parties de la scène avait été cassé, le public était vraiment fou lors de ce concert. Ça remonte à tant d’années…

Quel regard portes-tu sur ton troisième retour au sein d’Accept en 2009 avec Mark Tornillo au chant ?
C’était une belle époque car entre temps, j’avais fait de très belles choses avec le groupe Victory. J’étais très occupé. On a fait de bons albums mais il n’y avait pas de grandes différences, je jouais de la guitare, il y avait une basse, une batterie et on jouait du heavy metal. (rires) C’est tout ce dont je me rappelle. (rires)

Comment vas-tu faire lorsque tu vas écrire ta biographie ?! (rires)
Je n’écrirais jamais de biographie. Jamais. Pour moi ce n’est pas important. Si le président des USA écrit un livre, c’est bien, si Neil Armstrong, le premier homme à avoir marché sur la Lune, écrit un livre sur ses aventures, je le lirai. De nos jours tout le monde écrit son autobiographie mais comparé aux grands de ce monde, ceux qui sont vraiment importants, s’il vous plait ne le faites pas. Je parle de ma vie à ma fille, à mes enfants, à ma femme, c’est tout. C’est ma vie, pourquoi devrais-je la partager avec tout le monde à travers un écrit public ?

Pourtant il y a de très nombreux musiciens de nos jours qui le font ? (Paul Stanley (Kiss), etc.)
Oui, mais personne n’a envie de lire ce qu’ils racontent ! (rires) Ce sont des artistes de moindre envergure qui écrivent à travers les autres en racontant leurs rencontres. Ils utilisent les noms de personnalité du rock pour se mettre en valeur. J’ai rencontré ce type à Los Angeles et j’ai fait ceci à New-York, qui a envie de savoir cela ! Etc. (rires)

Pour conclure, un dernier mot sur Iron Allies ?
J’ai sorti pas mal d’albums dans ma carrière mais celui-là est vraiment très spécial pour moi, c’est le meilleur que j’ai jamais fait. Je le dis vraiment du plus profond de mon cœur, j’ai vraiment adoré l’enregistrer, j’aime les morceaux et j’apprécierais si les gens s’intéressent à ce disque et l’écoutent.

On en reparle dans un an ?
C’était sympa, peut-être à dans six mois plutôt. (rires)


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