KERRY KING : From Hell I Rise (track by track)

From Hell I Rise - KERRY KING
KERRY KING
From Hell I Rise
Thrash metal
Reigning Phoenix Music

Comment parler de Kerry King sans évoquer le simple nom de Slayer ?

Ceci n’est pas l’un des nouveaux sujets au choix de l’épreuve de philo au prochain Bac 2024, mais bel et bien la grande problématique à laquelle nous avons été confrontée lors de la préparation de notre interview avec l’artiste américain, lui qui a été contraint de raccrocher un peu trop vite de Slayer, et partir en retraite malgré lui en 2019. Et c’est tout bonnement impossible à l’écoute en avant-première il y a déjà quelques mois de From Hell I Rise, premier opus solo de l’ex/actuel guitariste de Slayer (puisque le groupe se reforme pour quelques shows en 2024). Pour vous, nous avons donc disséqué la bête… [Texte par Seigneur Fred – Photo : DR]

Mais alors, comment donc ne pas penser à chaque instant au légendaire groupe de thrash metal américain ici ? Malheureusement, c’était aussi le mot d’ordre restrictif du management du musicien, interdisant formellement la presse d’interroger le principal intéressé au sujet de la reformation (live) de Slayer annoncée plus tôt cette année dans une certaine confusion, mais aussi interdiction d’aborder la révélation plus ou moins surprenante de l’enregistrement des parties de basse en studio par Kerry King, et non Tom Araya, depuis des lustres sur les disques du gang d’Huntington (Californie). En effet, deux pavés ont été lancés en début d’année dans la mare people du metal par Rolling Stone et Blabbermouth, histoire de faire le buzz autour du retour du guitariste au look charismatique.

Bref, un comble ! Kerry King sans Slayer… C’est le serpent qui se mord la queue ! Ou plutôt sa nouvelle guitare Overlord signée Dean Guitars (et non plus BC Rich) qui se mord le manche ! Et la liberté d’expression de la presse dans tout ça ? Notre passion pour la musique metal ? Le respect envers tous les fans du monde entier, dont ceux français ? Ne sommes-nous pas dans l’attente et en droit d’avoir des news du King of thrash et connaître avant tout la vérité, sans tabou, cinq ans après le split de Slayer et le départ en (pré)retraite de ses membres ? Visiblement le business et le droit priment sur le simple plaisir de la musique…

Passé ce petit coup de gueule, vous l’aurez compris, pour cette non-interview finalement tuée dans l’œuf, alors que l’on connaît pourtant bien le bonhomme à la rédaction depuis le temps, précisément depuis la promotion de l’album God Hates Us All un jour de juin 2001 à l’hôtel parisien Holiday Inn à Bastille où nous rencontrèrent les membres de Slayer, journée qui fut suivie d’une soirée d’écoute en privé au Gibus en compagnie de Tom Araya et Kerry King… Trêve de nostalgie, redevenons a minima professionnels et avant tout fans, l’un n’empêchant pas l’autre dans ce domaine. Mettons de côté cette petite rancœur, et faisons parler notre grand cœur de thrasher.

TRACK BY TRACK

1/ « Diablo » (1’54) : Tout commence par l’intro d’une durée d’à peine deux minutes (préambule des shows du King à n’en pas douter). Son principal riff typique dresse clairement un pont musical entre le Slayer d’antan, période Hell Awaits, et la dernière mouture du groupe sur Repentless, notamment au niveau de sa production sonore signée Josh Wilbur (Korn, Lamb of God, Avenged Sevenfold, Bad Religion…). Si cette première plage instrumentale invoque le diable, certains y verront peut-être aussi une référence au jeu vidéo culte. Puis le bonhomme lâche les chevaux…

2/ « Where I Reign » (3’50) : C’est parti pour un thrash metal furieux comme on aime avec cette première véritable chanson qui envoie du steak. Et ça tombe bien, car on a faim ! Les fans de Slayer (oups, on a prononcé le mot interdit !) ont faim de riffs qui tuent, de rythmiques endiablées, donnant une folle envie de headbanguer et de ressortir les perfectos et autres vestes à patch à l’effigie du Big Four. Le riffing nerveux de la nouvelle paire King/Demmel fait des étincelles, et le rythme est speed. Nous entendons enfin la voix de…, non pas Tom Araya (Que diable, autre mot interdit ici !), mais de Mark Osegueda. Qui ? Mais oui, vous savez, le chanteur de Death Angel, autre légende encore vivante du thrash californien, mais de la Bay Area celle-ci (contrairement à Slayer qui, pour rappel, était originaire de la banlieue de L.A.). Quelle rage !! On croirait presque entendre du S*****. Testament aussi, et Death Angel. Classique, mais très efficace !

3/ « Residue » (4’38) : Il y a comme un parfum du quatuor culte ici, des résidus même, dirons-nous, sur ce titre au nom savamment choisi par Kerry King qui a bossé ça chez lui, tapi dans l’ombre, durant près de cinq ans, désormais établi avec sa femme Ayesha à New York (d’après nos sources). Sur un simple lead de guitare signé K.K., la batterie de Paul Bostaph est oppressante sur l’intro. L’ambiance est lourde. Survient un cri assez grave d’Osegueda. Le phrasé est puissant, extrêmement heavy. Tantôt ça part, puis le couplet redevient menaçant. Le refrain est presque rappé, rappelant l’expérience crossover sur la B.O. de Judgment Night (1993). Sur un mid-tempo ravageur aux mosh parts terribles à la fin, on flirte là aussi avec un « Stain Of Mind » de Diabolus In Musica (1998), album qui fut loin cependant de faire l’unanimité auprès des fans à l’époque.

4/ « Idle Hans » (3’44) : (« Mains oisives », un message lié à la pré-retraite forcée du bonhomme après le split ?) Premier single officiel lâché sur la toile, il a tout d’un futur classique du nouveau répertoire de K.K., avec son artillerie lourde à la batterie (roulement de toms, double pédale, cymbales), et cette montée tout en puissance sur des riffs de guitare familiers. Encore une sacrée performance bien evil de Mark Osegueda qui parle aussi par moment et enchaîne dans une tonalité convaincante, et surprenante, car au-dessus du timbre vocal habituel chez Death Angel.

5/ « Trophies Of The Tyrant » (3’32) : Plus mélodieux, sur un riff frondeur, puis plus nuancé rappelant quelques secondes un bref passage de « Dead Skin Mask » sur une tonalité plus basse, puis un superbe solo où l’apport indéniable de Phil Demmel (désormais ex-Vio-lence, ex-Machine Head) se fait sentir dans les harmonies. Ayant eu carte blanche après son recrutement pour peaufiner ses parties, il a su apporter un peu de finesse dans les compos déjà prêtes de Kerry dont le jeu, lui, demeure plus brut. L’accélération sur la fin en surprendra plus d’un, et excitera les autres !

6/ « Crucifixation » (5’14) : Hyper speed et rentre-dedans, on revient au Slayer bien bourrin de l’époque Divine Intervention. Tout est dit dans le titre de toute façon : ce titre va vous fixer et crucifier sur place. Le break central rappelle le dernier album Repentless qui affichait d’ailleurs le Christ.

7/ « Tension » (2’47) : Arpèges en son légèrement saturé avec reverb, ton menaçant d’Osegueda, les guitares sont menaçantes. Paul Bostaph dose chaque coup de baguette derrière ses fûts, faisant presque oublier Dave Lombardo par son jeu plus technique et mécanique, contrairement au groove de l’actuel Suicidal Tendencies. La basse de Kyle Sanders (Hellyeah) alourdit un peu plus le tableau. Puis un solo est lâché sur la B.C. Rich de Kerry. La tension est ici réellement palpable durant moins de trois minutes. Génial.

8/ « Everything About You I Hate You » (1’21) : Ouh la ! Attaque saignante punk/hardcore à la six cordes, tempo à plus de 250 bpm, chant non stop, et rares breaks pour un morceau speed et bien thrash. Un petit côté « Dittohead ». Tout ce que l’on aime chez Kerry.

9/ « Toxic » (3’54) : Plus mid tempo, avec son riff slayeresque, ce titre sonne très familier, avec cette rage omniprésente du frontman de Death Angel, et un refrain imparable. Quelle colère ! Solo un peu déstructuré, tout en shredding, la spécialité du chef ! Ça tombe bien, c’est Kerry qui régale.

10/ « Two Fists » (3’36) : Retour à Undisputed Attitude ici. Si le punk a toujours été dans l’ADN de Slayer, généralement plutôt amené par le regretté Jeff Hanneman (R.I.P.), Kerry King lui rend brièvement hommage sur cette chanson bien punk/hardcore, tant dans son riff, les hurlements d’Osegueda, et son beat dansant. Simple, mais efficace et plus subtil qu’il n’y paraît.

11/ « Rage » (3’24) : Là encore, tout est dans le titre. Overkill, Death Angel, et Slayer, forcément, viennent à l’esprit. Les deux principaux breaks et la relance avec le solo font de ce morceau puissant et rageur, à l’image de l’atmosphère générale de From Hell I Rise. Brutal.

12/ « Shrapnel » (5’01) : Par son intro à vous glacer le sang ou à vous ouvrir les veines (au choix). Avec un léger vibrato, on revient là à des valeurs sûres comme « Mandatory Suicide » ou « Chemical Warfare ». C’est heavy à souhait. « Je vais tout péter » dirait Rambo ! Si la durée est un peu longue, on sent que l’on approche de la fin avec un superbe ralentissement bien ficelé.

13/ « From Hell I Rise » (3’33) : Chanson-titre en guise de fermeture de ces Enfers desquels Kerry King se relève avec brio. Tout est là : chant hargneux, batterie qui pilonne, riffs assassins, soli en shredding. Bref, c’est du solide, on est rassasié, nos cervicales en font les frais. Putain, on se dit qu’en live, ça risque d’être sacrément mortel si le groupe est moins statique et pas en pilotage automatique comme l’était à sa fin Slayer. (oups !)

=> En résumé, un premier album convenu, certes, d’une redoutable efficacité, puissant et déjà classique, avec de véritables uppercuts thrash. Le cadavre de Slayer bouge encore en fin de compte, et c’est ce que l’on attendait de toute façon naturellement du retour aux affaires du père King. Et From Hell I Rise s’avère suffisamment dense et assez varié pour nous faire headbanguer tout du long. Le guitariste américain se regénère ici, hors Slayer, pour donc refaire sans surprise du Slayer, le tout au côté de zicos bien connus et ultra motivés qui délivrent tous une sacrée performance en studio, même si le King a tout dirigé d’une main de fer en studio avec Josh Wilbur (ce dernier s’est d’ailleurs exprimé à ce sujet sur cette collaboration). Enfin, le chant agressif et extrêmement engagé de Mark Osegueda (Death Angel) parachève le toup. Un must have évident pour tout fan de Slayer qui se respecte.

[Seigneur Fred]

Publicité

Publicité