Allez, on rattrape le temps perdu en profitant de ce confinement pour vous faire part de notre entretien réalisé dernièrement avec les Danoises de Konvent à l’occasion de la sortie en début d’année chez Napalm Records de leur premier album intitulé Puritan Masochism, rien que ça ! Evoluant dans un registre Doom/Death Metal particulièrement lourd et sombre, ce jeune quatuor scandinave cent pour cent féminin risque de calmer les ardeurs des Métalleux les plus sauvages d’entre vous dans le pit, notamment les mâles en manque de nouvelle sensation sonore, et ce dès que possible, du moins on l’espère !! [Entretien avec Heidi Withington Brink (basse) et Rikke Emilie List (chant) par Seigneur Fred – Photos : DR]
Tout d’abord une question plus personnelle et d’actualité : comment allez-vous, vous et vos proches, et comment vivez-vous chacune d’entre vous la situation de confinement due à l’épidémie mondiale de corona virus (covid-19) au Danemark ? Il me semble que les pays nordiques sont moins touchés pour l’heure par rapport aux pays du sud de l’Europe (Italie, Espagne, voire même la France…) ?
Heidi : La situation semble beaucoup plus sous contrôle actuellement au Danemark, en effet, le gouvernement ayant pris rapidement des mesures pour empêcher la propagation du virus, du moins la limiter, et de devenir incontrôlable. Toutes nos familles et amis vont bien pour l’heure, merci. On travaille déjà tous à domicile depuis près de deux semaines (NDLR : interview réalisée courant mars), et nous continuerons ainsi jusqu’à au moins Pâques, ce que notre gouvernement nous a demandé de faire jusqu’à nouvel ordre, tandis que seuls les commerces alimentaires (supermarchés, épiceries) restent ouverts, tous les autres étant fermés. Du coup, pour le moment, on ne se réunit pas pour répéter et jouer ensemble, on s’entraîne chez nous à la maison et on essaie de créer de nouveaux riffs pour le prochain album.
A propos du groupe maintenant, comment est né en fait Konvent en 2015 à Copenhague ? Vous étiez une bande de copines à l’école ou à l’université peut-être au départ ? Pouvez-vous résumer l’histoire du groupe qui est entièrement féminin ? Cela a commencé en famille, je crois…
Rikke : Lorsque notre première batteuse, c’est-à-dire ma sœur Mette Marie List, a commencé à prendre des cours de batterie en 2015, son professeur (Nicolai du groupe Dirt Forge) a dit à son colocataire qu’il avait commencé à enseigner à une fille. Son colocataire n’était autre que notre bassiste Heidi et elle a immédiatement contacté Mette, lui demandant si elle voulait créer un groupe. Cela était un rêve depuis longtemps pour Heidi de créer un groupe, mais tous les musiciens à qui elle avait demandé n’avaient pas le temps dans leur emploi du temps pour démarrer un nouveau projet… Étant donné que Mette et Heidi étaient plus ou moins au même niveau sur leurs instruments, un groupe semblait également être une opportunité idéale pour pratiquer et écrire de la musique. Ils ont cherché un guitariste et ont demandé à Alexander, le copain d’étude de Mette (également membre de Dirt Forge) de suggérer l’idée à sa petite amie Sara de les rejoindre car Mette savait qu’elle avait déjà joué dans un groupe. Ils avaient également besoin d’un chanteur et ont demandé à ma sœur Mette qui avait suivi des cours de chant de Métal extrême avec quelqu’un pendant environ six mois à l’époque. C’était donc parti, et nous nous sommes toutes rencontrées dans un espace de répétition loué pour un après-midi et avons essayé de jouer ensemble. L’ambiance était bonne et on a décidé de former le groupe et d’avoir notre propre espace de répétition. Après trois ans, ma sœur Mette a dû quitter le groupe à cause de ses études et nous avons eu beaucoup de chance de retrouver Julie Simonsen à la batterie. Julie n’avait que dix-huit ans à l’époque mais avait déjà joué de la batterie pendant six ans et nous avait époustouflé avec son talent lors de son audition, bref, c’était une évidence. Notre formation finale était donc établie. Le fait que nous soyons toutes des nanas est complètement aléatoire. On voulait juste créer un groupe et les gens qui ont voulu nous rejoindre petit à petit étaient simplement des femmes.
Pourquoi avez-vous choisi ce nom surprenant de Konvent pour le groupe lorsque vous l’avez lancé en 2015 ? Quelle était l’idée de départ ?
Heidi : C’est juste pour raconter des histoires… Les couvents et les monastères ont toujours été des lieux très isolés et fermés au public, ce qui conduit à beaucoup de récits plus ou moins fantasques. On se demande bien ce qui se passe-t-il derrière ces murs parfois ? Cela implique beaucoup de rituels et il y a toute une hiérarchie à l’intérieur dans l’organisation ecclésiastique que nous, étrangers, ne comprenons pas toujours. Et nous avons décidé de remplacer le « C » par un « K » simplement parce que nous pensons que c’est une lettre qui sonne plus heavy dans le mot. (rires)
Je m’interroge cependant. Avez-vous grandi dans la foi chrétienne dans vos familles au Danemark et suivi une éducation religieuse et patriarcale dans le but d’aller peut-être un jour dans les ordres et rejoindre un couvent afin de devenir religieuse sur décision de votre père ? En effet, tout dans votre musique fait référence à ces deux principaux thèmes que sont la religion et le sexisme : le nom du groupe Konvent donc, le nom de votre premier album studio Puritan Masochism. Par contre, cela l’est moins directement et explicitement dans les noms de vos chansons paradoxalement…
Heidi : Aucune de nous n’est croyante, et il n’y a pas non plus de contexte sexiste dans le cadre de notre musique. Notre album n’est pas un album conceptuel, mais si tu devais y définir un thème en général ou autour des paroles des chansons qui le composent, cela serait fondamentalement quelque chose comme perdre le contrôle de sa vie… La chanson-titre « Puritan Masochism » explique comment tout le monde a tendance à faire des choses malgré soi, ou penser des choses qui nous font vraiment mal bien que nous continuons à penser/faire ces choses parce que nous sentons que nous devons le faire ou le penser afin de nous adapter à quelque chose, à notre environnement ou notre système, ou de répondre à certaines attentes imaginaires. Et parfois, nous continuons à faire ces choses sans même le réaliser parce que nous ne réfléchissons même plus sur le sens de nos actes, comme si nous étions en pilote automatique. C’est en quelque sorte notre façon de dire que nous n’avons pas à vivre comme ça. En prenant du recul parfois on s’en rend mieux compte, et on s’aperçoit que l’on n’est pas soi-même ce qui en devient ridicule au final. Une sorte de mimétisme social en quelque sorte.
Est-ce que Konvent est un « girl power band », c’est-à-dire un groupe revendicateur et féministe, ce qui reste somme toute assez rare dans le Métal extrême finalement à l’heure actuelle ? Ceci est plus courant dans le Punk/Hardcore en général. Etes-vous membres et activistes d’une organisation comme les Femen par exemple menée notamment par l’Ukrainienne Inna Shevchenko ? Comment vous considérez-vous sur la scène Rock/Metal qui est elle-même encore très sexiste et misogyne ?
Heidi : Nous ne sommes absolument pas un groupe politique et ne sommes associées à aucun mouvement en particulier.
Dans vos vies personnelles respectives, à l’extérieur et à l’intérieur du groupe, lorsque vous jouez en live ou en tournée, avez-vous rencontré et rencontrez-vous souvent des problèmes avec les hommes et pourquoi avez-vous choisi ce nom provocateur alors pour ce premier album studio Puritan Masochism ? Vous semblez tout de même en colère contre les hommes et l’Eglise…
Heidi : Il n’y a aucune association avec le Christ ou des sentiments de colère envers les hommes. Cela n’a rien à voir avec notre thème lyrique. Nous n’avons aucun problème avec personne, homme ou bien femme.
Que pensez-vous du mouvement #MeToo né en 2017 avec l’affaire du fameux producteur américain Harvey Weinstein qui a été condamné à vingt-trois ans de prison pour viol sur deux femmes dans deux affaires de justice à New York tout d’abord le 24 février dernier (mais il fait appel et a des problèmes de santé) alors qu’il est accusé pour une autre affaire à Los Angeles (Californie) cette fois ?
Heidi : Nous sommes un groupe apolitique, et ne ferons donc aucun commentaire politique sur une affaire de justice. Mais bien sûr nous avons toutes cependant chacune notre propre opinion individuelle, et personnellement nous sommes contre toute forme de violence envers les gens, notamment les femmes.
Les noms de vos chansons sur Puritan Masochism demeurent quand même courts et très énigmatiques : « The Eye », « Trust », « Waste », « Idle Hands », « Ropes pt. I, II »… Pourquoi tant de mystères autour de vos chansons avec un tel nom d’album ?
Rikke : Dès le départ, nous avons toutes convenues que nous préférions les titres de chansons très courts. On ne veut pas trop donner d’informations, et cela vaut aussi pour nos textes. Plus l’auditeur est en mesure de créer ses propres images et histoires à partir de notre musique, mieux c’est… (sourires)
Musicalement, vous sentez-vous plus proches de la scène Death/Doom Metal et des derniers albums de Paradise Lost, Hooded Menace, Septik, ou bien de la scène Sludge Metal plus sale au niveau du son et généralement engagée ?
Heidi : Je ne pense pas que l’on considère notre musique comme du Sludge. Donc, on se sent définitivement plus proche du genre allant vers le Death/Doom. Mais bon, nous jouons avec beaucoup de styles différents, et nous aimons aussi tout un tas de différents genres musicaux.
Même si vous n’avez pas le sentiment d’appartenir à la scène Sludge Metal, il y a tout de même des influences dans votre son. Comment est la scène danoise à ce sujet justement actuellement ? On a plutôt tendance à connaître la scène Death ou Hardcore par chez vous mais pas Sludge…
Heidi : Il y a énormément de groupes de Métal différents ici au Danemark dans la scène underground. Il suffit de savoir où les chercher. Et les groupes locaux ici sont vraiment bons et se soutiennent mutuellement, viennent aux concerts des uns et des autres. C’est réellement cool et sympa de leur part.
Sur certaines photos promotionnelles du groupe, certaines d’entre vous arborent des t-shirts de Mantar. Je présume que vous êtes fans de ce groupe allemand ? D’ailleurs, on peut retrouver une certaine influence chez vous dans ce côté brut et oppressant. S’agit-il d’une de vos influences musicales alors chez Konvent ?
Heidi : Oui, notre guitariste Sara (NDLR : Sara Helena Nørregaard) et moi-même, adorons ce groupe Mantar. Il nous a probablement inspirées, c’est sûr même ! D’ailleurs, les gars de Mantar ont constaté qu’on les avait cités plusieurs fois parmi nos influences. Ils nous ont donc écrit afin de nous remercier. C’est cool ! En plus, ils nous ont même offert certains articles de leur merchandising. Ce fut incroyablement gentil de leur de part !
Rikke, tes growls en tant que chanteuse sont tout à fait impressionnants. Comment travailles-tu ton chant guttural ? Tu fumes et bois beaucoup de Jack Daniels ou plutôt de la bière danoise Carlsberg ? (rires)
Rikke : (rires) J’ai pris en fait beaucoup de cours, à la fois en matière de chant plus classique, du chant Metal et de discours et de diction afin d’entraîner ma voix. Du coup, j’en ai retiré beaucoup d’enseignement et ai appris de nombreuses choses utiles à partir de ses diverses disciplines et styles. Je fais et suis les échauffements de la célèbre coach vocale new-yorkaise Melissa Cross (NDLR : Randy Blythe, Corey Taylor, Robb Flynn…) mêlés à d’autres échauffements avant de répéter toutes ensemble et de monter sur scène. Mais mon principal objectif, et ce que je pense fonctionne le mieux pour moi, c’est de me relaxer, tout simplement entre chaque concert ou prise de son.
Sur la sixième chanson de l’album qui s’appelle « Waste », un invité figure au chant, il s’agit de Tue Krebs Roikjer. Il joue de la guitare et chante dans le groupe de Black Metal danois Morild. Comment est née cette collaboration et appréciez-vous également le Black Metal comme style de Metal ?
Heidi : Nous voulions vraiment un chanteur comme invité sur ce morceau, et on a toujours été fan à vrai dire de Morild. Alors il nous paraissait logique et naturel d’aller vers Tue. On lui a demandé s’il souhaitait prendre part à un titre de notre album, et gentiment (et heureusement !) il a accepté ! (sourires)
En guise de conclusion, malgré cette épidémie de corona virus, quels sont vos projets pour cette année 2020 maintenant que l’album Puritan Masochism est sorti chez Napalm Records ? Envisagez-vous de tourner en Europe et pourquoi pas aussi en Amérique ? Allez-vous participer à des festivals de Rock et Metal cet été ? Peut-on espérer vous voir live en France où vous êtes bien sûr les bienvenues ?
Heidi : Normalement on joue sur quatre festivals cet été, et pour l’heure, aucun d’entre n’a été annulé, donc espérons que ça reste confirmé comme cela a été planifié. Croisons les doigts. Sinon, à part ça, nous travaillons sur une tournée européenne, et pourquoi pas venir en France aussi… (sourires)
=> chronique de l’album Puritan Masochism de KONVENT à retrouver ici !
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