Depuis 2009 et le très moyen Phantasmagoria qui suivit l’année suivante, Vidar « Daemon » Jensen dirige seul d’une main de fer le vaisseau fantôme qu’est devenu Limbonic Art après le départ de son coéquipier Morfeus pour continuer ses propres projets (Psykdom, Dimension F3H auteur d’une première bombe black/indus symphonique remarquable et remarqué il y a vingt ans Reaping the World Winds ; mais aussi ex-Mayhem (live)). Foncièrement direct et plus brutal, l’album Legacy Of Evil fut donc le dernier testament du duo norvégien avant de continuer en solitaire pour Daemon. Si son capitaine a le courage de continuer aujourd’hui tout en espaçant les publications (Phantasmagoria en 2010 donc, Spectre Abysm en 2017), on ne peut plus vraiment dire que la flamme brille encore dans le ciel étoilé de Sandefjord en Norvège… En effet, depuis, les compositions de Limbonic Art ont perdu pour ainsi dire de leur superbe, le multi-instrumentiste, chanteur, mais aussi parolier se chargeant de tout à la maison, et manquant parfois peut-être de recul sur son écriture et sa production toujours doté de séquences de batterie programmée comme depuis sa formation au début des années, alors sous le parrainage d’un certain Samoth, guitariste d’Emperor, grâce à une signature sur le label de ce dernier, Nocturnal Art Productions. Mais prenons les choses comme elles viennent, en l’occurrence cette nouvelle offrande bien nommée, Opus Daemoniacal, signée Daemon, pardon, Limbonic Art… Sur un riff de guitare plutôt inspiré, le morceau « Ad Astra Et Abyssos » ouvre ce bal cosmique mais plus vraiment symphonique. Il faut déjà retenir son souffle comme le fait son chanteur tout du long des huit minutes (spécialité du one man band norvégien) car les breaks se font rares. La batterie programmée par ce dernier pilonne tandis que le musicien norvégienne s’écrie continuellement. La légère pause en milieu de morceau puis aux trois quarts du titre permettent de reprendre un peu d’air, mais que c’est intense, et brutal. On est là dans la droite lignée d’un album comme Legacy Of Evil (2007) précédemment évoqué. Du même acabit, quoiqu’un poil plus lent, « Deify Thy Master » impose des riffs de guitares plutôt inspirés là encore, mais les mélodies manquent à l’appel. Seuls quelques chœurs viennent un peu diversifier le propos black metal radical ici.
Survient le premier single officiel, « Consigned To The Flames », là encore assez répétitif et construit sur cette même continuité sans ralentir la cadence. Les choses s’accélèrent même en milieu de morceau, avant un léger ralentissement et quelques chœurs appréciables mais trop rares. Les riffs très sombres et evil plairont aux initiés, mais en laisseront déjà quelques uns sur le bas côté, la magie n’étant plus au rendez-vous. Peu de variété encore sur le quatrième morceau « Vir Triumphalis ». On se demande même si le lecteur (CD, MP3, ou streaming) n’est pas resté bloqué en mode « repeat » tellement on a la drôle de sensation d’écouter toujours la même chanson en boucle alors que l’on approche déjà de la moitié de l’album… Malgré tout les riffs de guitare s’avèrent plutôt bons et accrocheurs. Ce sont plutôt les structures de compositions moins recherchées, plus foncièrement directes, et moins épiques, sans ces fameux claviers d’antan, qui provoquent cette redondance. Mais enfin, toujours sur « Vir Triumphalis », on note une évolution : les chœurs entendus quelque peu auparavant reviennent, quelques breaks permettent à la chanson de prendre un certaine emphase. D’un air vicieux, Daemon enfonce le clou à la fin de la chanson, avant de laisser place au cinquième et peut-être le plus intéressant des morceaux : « I Am Your Demon » (et non « Daemon » ;-)). Doté d’une intro directe encore une fois, les parties de guitares sonnent bien et Daemon prend davantage le temps de poser l’ambiance. Arrivé à la 2ème minute, on retrouve ce souffle épique, marqué par un terrible cri « Amen », tel Nergal (Behemoth) déclamant son art blasphématoire. A la fois glaçant et épique donc, « I Am Your Demon » marque davantage les esprits, alors que ses riffs incisifs et ses blasts beats synthétiques nous martèlent encore le cerveau…
« The Wrath Of Storms » regorge là encore de bons riffs, et sa construction au niveau des ponts et ses chœurs permettent de garder une oreille attentive, mais la patience est de mise car on attend et espère toujours une petite surprise, un solo de guitare ou un éventuel synthétiseur comme jadis, mais non. Quelques courts breaks surviennent, et c’est reparti à fond les ballons. Clairement Daemon a privilégié la puissance et l’intensité à la mélodie et les atmosphères. Son passage de quelques années (1998-2001) au sein de Zyklon, l’ancien groupe de Samoth (Emperor) devenu depuis The Wretched End et dont on attend un jour un quatrième méfait, a laissé des traces dans la vision du black/death metal chez Daemon. Enfin l’ultime et énorme pièce d’un peu plus de douze minutes, « Ars Diavoli », conclut et synthétise formidablement bien à lui seul finalement cet Opus Daemoniacal dénué de magie : rentre-dedans, long, redondant, violent, evil, et par moment atmosphérique et symphonique, mais cela est bien trop rare malheureusement pour les fans nostalgiques. Alors si l’on espère retrouver les ambiances du triptyque faste Moon In The Scorpio (1996)/Abhorrence In Dementia (1997)/Epitome Of Illusions (1998), il faudra passer son chemin même si tout n’est pas inintéressant quand même sur ce neuvième album. Ceux qui découvriront ici l’art limbonique de l’ermite norvégien Daemon, alors la patience devra être l’une de leurs vertus. [Seigneur Fred]
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