MARDUK : Memento Mori

Memento Mori - MARDUK
MARDUK
Memento Mori
Black metal
Century Media

Si les thèmes de la guerre ou du sang constituent des sujets récurrents dans les albums de la riche discographie de Marduk, il y en a un autre aussi qui revient souvent et est cher à la horde suédoise et son leader, Morgan Stenmeyer Håkansson, c’est celui de la Mort avec un grand « M ». Bien sûr tout cela est intrinsèquement lié et n’est pas vraiment une nouveauté lyrique chez le groupe de Norrköping, mais ce thème de la mort qui omniprésent, qui rôde toujours dans les parages, colle parfaitement à l’ambiance du black metal sombre et brutal de Marduk depuis ses débuts en 1990, outre les sujets de Satan et compagnie.

Les dernières fois que l’on avait croisé de près ou de loin la grande Faucheuse sur un album de Marduk, c’était sur La Grande Danse Macabre, Plague Angel, l’EP Death March, et Serpent Sermon, alors que le dernier méfait en date, Viktoria, voyait de nouveau la Seconde Guerre Mondiale mise en lumière, tout comme son prédécesseur Frontschwein et l’EP Iron Dawn. Si ceux-ci étaient plus froids comme l’acier des canons, mais d’un autre côté très direct, renvoyant sur bien des points à leur incontournable brûlot Panzer Division Marduk (1999/Osmose Prod.), ce méfait combine tout ce qui fait le « charme » de Marduk, à savoir des passages rapides comme l’éclair à 350 bpm avec des riffs tranchants, une basse bien présente mais qui ne fait pas que suivre bêtement les lignes de guitare, et un chant mortuaire signé, ça ne s’invente pas, Mortuus, ou Daniel Rostén, alias aussi « Arioch » dans son propre et excellent groupe Funeral Mist (signé sur le label français Norma Evangelium Diaboli basé dans la Vienne pour info). Mais là où les albums sur la mort étaient généralement plus variés et plus lents, très dark (souvenez-vous de Plague Angel), voire expérimental (claviers, duos improbables comme avec A.A. Nemthenga (Primordial) sur « Accuser/Opposer » dans l’album Rom 5 :12, trompettes, claviers…), eh bien, Memento Mori mélange habilement tout ça. On ressent là tout le travail de composition mais aussi la volonté de se renouveler un peu, tout en continuant à faire du pur Marduk.

Morgan (MARDUK) live@Motocultor Festival 2023

Du fait de l’épidémie de covid-19, Morgan a ainsi eu tout le temps et loisir d’écrire, de composer, puis de répéter et tester les nouvelles compositions avec ses collègues aux alentours de Norrköping, dans le sud de la Suède. Tels les dix commandements dans l’Ancien Testament de la Bible, ces dix nouveaux brûlots de pure furie black metal vont s’enchaîner dans une violence et noirceur totale.

C’est la chanson-titre qui ouvre cet assaut mortifère, aux faux-airs de Nightwing durant une minute. Puis, très vite les choses s’accélèrent sous les terribles hurlements de Mortuus qui font trembler n’importe quel être vivant normalement constitué. La guitare de Morgan se veut particulièrement véloce, et à la batterie, il en est de même avec la nouvelle recrue, Simon Schilling, qui impressionne derrière ses percussions, dépassant, surpassant même, Fredrik Andersson, Emil Dragutinović ou la dernière recrue, Fredrik Widigs, qui a déposé les armes en 2018. Sur un rythme soutenu mais plus abordable, « Heart Of The Funeral » survient aussitôt, sans intro ni préliminaire. Les breaks dynamisent ce second morceau, alors que le riff principal devient relativement entêtant. Et sur la fin du morceau, on assiste à une première puis une seconde accélération. Marduk fait mal, très mal, encore 2023.

Après deux morceaux finalement assez courts (2 à 3 mn), on passe aux choses sérieuses. Cela devient sanglant, et morbide. Un bruitage d’une tombe que l’on creuse à la pelle, on s’imagine creuser sa propre tombe. D’un seul coup, le rythme s’emballe, devient fou, insensé, sur le premier single « Blood Of The Funeral » qui fait froid dans le dos et annihile toute résistance. L’auditeur verra défiler toute sa vie devant lui avant de rejoindre le royaume des ombres. Des albums références Heaven Shall Burn… When We Are Gathered ou Panzer Division Marduk ne sont guère loin et nous viennent à l’esprit. Mortuus est très en voix, et encore une fois quelle performance de la part de Simon Schilling derrière les fûts.

Après cinq minutes de furie, le nouveau et second single « Shovel Beats Sceptre » installe une atmosphère inquiétante avec ses percussions et les interjections de Mortuus. Sur un rythme lent et lourd très entraînant, le guitariste et tête pensante du quatuor semble renouer avec ce groove qui apparaissait par exemple sur Plague Angel ou Frontschwein, dans une ambiance vraiment noire. Certains claviers discrets accentuent cette noirceur. Survient le morceau « Charlatan », là aussi plus lent, mais avec des accélérations et des passages heavy de chez heavy. Un titre poignant, avec sa ligne de basse hypnotique. Mortuus réveille alors les morts.

« Coffin Carol » (ou en français « chanson païenne de cercueil ») repart à cent à l’heure, ou plutôt au moins à 350 bpm. Ce nouveau batteur Simon Schilling, que nous avons vu en chair et en os en concert au Motocultor cet été 2023, fait des ravages. Âmes sensibles s’abstenir. Les riffs de guitare se répètent, comme pour mieux rentrer dans nos crânes, et un court solo en shredding tente d’émerger, mais c’est bien trop bref. La fin du morceau dévoile une petite mélodie jouée à la basse reprenant le principal riff de guitare, avec comme des sons de cornemuse. Dans tous les cas, la basse est interprétée ici par Magnus « Devos » Andersson qui a repris du service à ce poste (et qui a produit comme d’habitude l’album en tant qu’ingénieur du son professionnel de métier), comme la majorité des autres morceaux, excepté « Blood Of The Funeral » et « Year Of The Maggot », écrits et joués par le précédent bassiste Joel Lindholm, viré depuis du groupe à cause du scandale du concert en mai 2023.

En préambule de « Marching Bones », des pas d’une armée (des morts ?) se font entendre au loin, sur un rythme militaire, rendant l’ambiance encore plus froide et menaçante. Morgan fait des étincelles à la guitare, alors que Mortuus vomit des paroles sur une « avalanche de cadavres en marche », saluant la Faucheuse. Le rythme s’accélère une nouvelle fois, et puis plus rien.

Sur une intro étrange rappelant les expérimentations dark ambient avec l’artiste douteux Arditi sur l’album Plague Angel, une atmosphère s’installe avant qu’un coup de caisse claire casse justement l’ambiance, et que Marduk envoie une nouvelle salve un peu à la « Slay The Nazarene » entrecoupés de quelques coups de breaks sur des toms, là encore signés merveilleusement Simon Schilling. Quel tueur ce nouveau batteur ! On a droit à des starts et stops. La ligne de basse est là aussi intéressante, alors que Mortuus s’époumone encore plus que sur le titre précédent jusqu’à un chaos final. Puis « Red Tree Of Blood » fait un dernier carnage histoire de vous achever si vous étiez encore dans le monde des vivants sur cette Terre à feu et à sang. On est très proche d’un « Panzer Division Marduk » ou d’un « Baptism By Fire », avec une montée et descente de gammes ultra rapides à la guitare. Des orchestrations épiques viennent renforcer la violence totale de cette avant-dernière chanson.

Mortuus (MARDUK) live@Motocultor Festival 2023

Mais en fin de compte, c’est l’ultime morceau, intitulé « As We Are », qui va clôturer ce bal funèbre de manière plutôt surprenante, d’où sa position en fin de track-listing. Durant 5’38 mn, sur une mélodie lancinante hyper saturée à la guitare et rythmée par de lourdes percussions, la horde suédoise rend hommage à sa manière au défunt chanteur Lars Goran Petrov (Entombed A.D., ex-Entombed, ex-Nihilist) disparu en 2021 à cause d’une saloperie de cancer généralisé. Accompagnée des voix et ricanements du regretté LG Petrov en plus de celle de Mortuus, cette véritable ode funéraire vous fait frissonner, avec en plus de superbes orchestrations (influences de Wagner chez Morgan) fondues dans les guitares et diverses sonorités (une gaïda, ou sorte de cornemuse). On se dit presque que l’on aurait dû commencer l’album par cette chanson.

Quoiqu’il en soit, ces dix nouveaux commandements font de Memento Mori un quinzième opus dérangeant car il aborde de face la Mort et le passage tant redouté vers l’au-delà, ou la poussière, selon les croyances. Marduk nous rappelle que tôt ou tard, nul n’échappera à l’appel de la Faucheuse. Ce disque est tout simplement indispensable à tout fan de Marduk qui se respecte, et de black metal en général, mais aussi aux nombreux étrangers au groupe et à cet univers, qui, lorsqu’ils les auront vus au moins une fois en concert, ressentiront forcément quelque chose au fond de leur être, prouvant qu’ils sont encore bel et bien vivants, et qu’il faut profiter de la vie avant que la mort nous emporte. [Seigneur Fred]

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