Malgré la mode actuelle des reformations à tout-va, qui aurait parié un dollar sur le retour de Ministry avec un quatorzième album en 2018, dix ans après l’annonce de son split et les drames qui précédèrent ou s’en suivirent (mort du bassiste Paul Raven en 2007, puis celle du guitariste Mike Scaccia en 2012) ? Si les derniers albums ou diverses compilations du pionnier du Métal Industriel américain marquèrent peu les esprits, Amerikkkant, véritable pamphlet anti-Trump, pourrait bien redonner un second souffle à son leader. [Extraits d’entretien avec Al Jourgensen (guitare, chant) par Seigneur Fred – Photo : DR]
En premier lieu, peut-on revenir sur les circonstances de tes deux comeback successifs en 2011 puis 2014, live et studio, car tu avais pourtant déclaré en 2008 vouloir stopper définitivement Ministry afin de te concentrer sur tes autres activités (side project Revolting Cocks et ton label) ?
La réponse est simple. Quand je fus interrogé au sujet de l’avenir de Ministry à l’époque, j’étais vraiment mal en point, mon état de santé général était inquiétant, je crachais du sang chaque soir de concert, etc.. J’avais donc dit que je ne voulais plus tourner avec Ministry ni me concentrer sur un nouvel album en studio… Après cela, j’ai subi de la chirurgie durant deux ans, ma santé s’est améliorée. On s’est reformé, je me suis bien entouré, et nous avons fait deux albums dont From Beer To Eternity (2013) avec Mike Scaccia (R.I.P.) qui est mort juste après. Alors de nouveau, je fus abattu et me suis dit qu’il s’agissait du dernier album de Ministry ce qui était compréhensible : c’était l’un de mes meilleurs amis ! J’en avais alors assez… Je n’ai jamais dit cependant que j’arrêterai totalement la musique. Et là, depuis peut-être la première fois depuis l’album Filth Pig, on a vraiment eu un projet collectif en collaborant avec des gens impliqués, avec le même agenda. On a donc ressuscité la machine, car j’ai eu de nouveau le sentiment d’être un groupe et cela avait un sens.
Et toute cette actualité politique et sociale dans ton propre pays, tous ces événements dans le monde entier ont dû aussi provoquer en toi une envie de révolte et donné de l’inspiration, non ?
Bien sûr, mais oui, certainement ! [en français]] Le 8 novembre 2016 [NDLR : date d’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis], pour être honnête, je n’avais aucune idée sur la façon ou le contenu de ce que j’allais faire, mais je me suis dit qu’il était temps de faire un nouvel album de Ministry, ça, c’était clair ! Y en a marre de la montée de conservatisme, du retour du fascisme un peu partout dans le monde notamment en Europe chez vous aussi avec votre Marine Le Pen ! (rires)
Après avoir combattu ouvertement Bush Junior dans le passé, tu ne t’es pas dit : « Mince ça recommence avec ce Trump à présent » ? Et penses-tu que ta musique peut réellement changer le cours des choses particulièrement aux Etats-Unis ?
Oui, mais si tu écoutes les gens et notamment qui ont voté pour notre président actuel, ils te diront de toute façon que je fais de la musique de merde pour les fous ! (rires) Donc en effet, en novembre 2016, je me suis dit qu’il fallait absolument enregistrer un nouvel album. Mais la chose est que ce n’est pas de la musique de fous, mais quelque chose de différent, de la musique alternative, et nous devons faire cela du mieux possible pour faire prendre conscience aux gens de la situation et les convaincre. Cela m’a rappelé les années 60, comme en 1967 durant les émeutes raciales à Chicago et Détroit sauf qu’il n’y avait pas internet bien sûr et on était alors en pleine guerre froide avec le Vietnam, etc. Aujourd’hui, on a l’information en direct avec les réseaux sociaux. Amerikkkan’t est comme une photo sur Snapchat du monde stupide dans lequel nous vivons aujourd’hui !
Et pourquoi ces trois KKK provocateurs en référence au Ku Klux Klan insérés dans le titre Amerikkkan’t ? Cela semble être l’antithèse du slogan d’Obama à l’époque de son élection présidentielle « Yes, we can ! » mais destiné à Trump et l’Amérique conservatrice actuelle ?
Exactement ! [en français] C’est tout ça : « Yes, we can » et « No, we KKKan’t » ici. C’est en opposition à ce retour du fascisme pro-blanc un peu partout, pas seulement aux Etats-Unis : aux Pays-Bas, en Roumanie, Autriche… Ça continue à se développer, et l’histoire se répète comme lors de la montée du nationalisme au début du siècle dernier. Les droits des minorités sont bafoués, et on doit donc dire non à tout ça donc : « no, we can’t » et se soulever, il faut réagir !
Quels sont tes nouveaux musiciens, car il y a du beau monde qui t’entoure en studio et pour la tournée à venir : Roy Mayorga (ex-Soulfly, Stone Sour) ? John Bechdel (ex-Fear Factory, ex-Prong, ex-Killing Joke) ? Mais aussi Burton C. Bell (Fear Factory), etc.
Roy était avec nous en tournée européenne en 2016 et aussi en Amérique en 2017. Il fut avec nous à notre retour durant la première semaine où on a commencé à bosser sur le nouvel album. En live, c’est Joey Jordisson (ex-Slipknot). Et après, les trois-quarts de l’album ont été composés en quelques week-ends en travaillant ensemble avec le nouveau noyau dur du groupe en studio qui comprend en effet John Bechdel aux claviers et samples, Tony Campos (ex-Static X) à la basse, et Burton C. Bell est venu également chanter sur l’album. C’est la première fois vraiment que Ministry redevenait vraiment un groupe et c’est justement ce qui est excitant. J’ai hâte de repartir en tournée avec la plupart d’entre eux car ils ont apporté de la fraîcheur tous ensemble. Le reste de l’album, je l’ai réalisé en studio avec un ingénieur du son.
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