Amalie Bruun, mieux connue sous le nom de Myrkur, est une artiste singulière dont le parcours musical a toujours été imprévisible et captivant. Avec son style musical en constante évolution, il était donc difficile de savoir à quoi s’attendre sur son déjà cinquième album studio (si l’on inclut son récent Ragnarok conçu pour une pièce au Royal Theater of Denmark cet été, et que l’on exclut son live Mausoleum).
Lorsqu’on plonge dans les musiques individuelles de Spine, on est immédiatement surpris par la diversité des sonorités : pop, dark, électro, folk, black metal… L’album débute de manière très douce avec une piste folk (« Bålfærd ») qui tromperait facilement quelqu’un qui ne connaît pas Myrkur, le faisant penser à une chanteuse purement folk, ce qu’elle est à l’origine. Cependant, il ne faut pas oublier que Myrkur a commencé sa carrière solo dans la pop indé aux États-Unis, accomplit diverses collaborations (dont avec le rappeur R.A. The Rugged Man) puis fit partie du duo Ex Cops à ses débuts en groupe en 2011-2014, avant de lancer Myrkur véritablement sur une base black metal en 2014 alors qu’elle était étrangère à cette scène. Elle nous l’avait d’ailleurs confié en 2017 lors de notre interview pour sa promotion de Mareridt qu’elle avait découvert le black metal durant ses années collège par un ami, alors qu’elle n’accrochait pas plus que ça à l’époque. Ainsi, au fil de son écoute, Spine nous rappelle toutes les facettes de la sirène danoise (nom d’ailleurs d’un de ses singles sortis en solo sur l’EP Crush en 2012) qui fut aussi mannequin (apparaissant dans une pub Chanel dirigée par Martin Scorsese). Mais pour autant, cela mérite-t’il toutes les récentes méchancetés à son égard par les puristes de black metal ? Tout le monde n’est-il pas libre de jouer la musique dont il a envie et par laquelle s’exprimer par moment ? Ou faut-il voir là une provocation et uniquement un coup marketing qui alimente nos tabloïds et réseaux sociaux ?
Mais revenons à la substantifique moelle de ce Spine représentant une colonne vertébrale métallique qui fera probablement l’objet encore de détractions en 2023. Parmi les morceaux qui se démarquent, le single hybride « Like Humans » suivi de « Mothlike » qui est tout aussi singulier, mêlant des nuances de folk, d’électro et de dark/black metal, créant un cocktail musical unique en son genre. « My Blood Is Gold », quant à elle, est une piste douce mais saturée, créant une atmosphère à la fois feutrée et inquiétante, qui rappelle parfaitement la bande-son d’un film d’horreur (elle avait d’ailleurs participé à la B.O. du film d’horreur Some Kind Of Hate en 2015).
Cependant, le point culminant de l’album arrive avec le superbe « Valkyriernes Sang ». Ce single est un véritable retour aux racines black metal de Myrkur qui l’auditeur en haleine jusqu’à la dernière seconde. C’est un véritable régal pour les fans qui ont suivi la mue artistique de Myrkur au fil des années et qui attendaient peut-être avec impatience un retour à ses origines. L’album se termine d’une manière tout à fait inattendue avec « Manneskebarn », une comptine pour enfant qui reprend la même tonalité douce que « Balfaerd », la première plage de l’album. Cette fin douce contraste avec l’intensité musicale qui a précédé.
Spine est donc un disque qui nous offre du folk et de la pop/électro avec une touche de metal, une expérience musicale riche en surprises. Amalie Bruun reste fidèle à sa voie, quelle qu’elle soit, et ne se laisse pas emprisonner par un genre musical, Myrkur fait du Myrkur. Cette nouvelle œuvre est une exploration humaine de la créativité d’une artiste libre qui continue sa mue, ne cessant de repousser les limites de sa musique, se moquant bien des critiques. [Acha]
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