SATYRICON
Le (re)commencement

A l’occasion de la réédition des deux premiers ouvrages cultes, Dark Medieval Times et The Shadowthrone, du fameux duo norvégien de Black Metal Satyricon, nous avons passé un petit coup de fil au batteur Frost, cette fois, afin de prendre la température du côté d’Oslo dans ce contexte culturel et sanitaire toujours compliqué. Et visiblement, nos deux artistes semblent bien occupés, préparant activement un nouvel album studio pour 2022, et ce, malgré les problèmes de santé de son leader Satyr… [Entretien avec Kjetil-Vidar Haraldstad alias « Frost » (batterie) par Seigneur Fred – Photos : DR]

En tant qu’artiste, as-tu le moral avec la situation que l’on vit depuis un an et demi ? Comment vis-tu cela chez toi à Oslo en Norvège, toi qui a l’habitude d’intenses concerts avec tes principaux groupes Satyricon et 1349 ?
On ne peut plus tourner, mais ça va. J’ai une routine assez normale en fait dans ma vie en dehors de mon travail quand on ne tourne pas. Là, je suis revenu à mon appart à Oslo pour assurer les interviews en fin de journée. On reste en contact avec Satyr régulièrement, et on répète chacun de son côté car on se doit d’être prêt dès que les concerts reprendront. Mais sinon ça va, on est donc bien occupés tous les deux et on vit plutôt bien la chose. Satyr est pas mal occupé étant père maintenant donc il a de quoi faire… De plus, on n’a pas trop à se plaindre en tant qu’artistes car des compensations versées par l’état norvégien nous assurent un minimum de revenus, mais la scène nous manque, bien sûr.

Tu as un autre boulot ou Satyricon et tes autres projets musicaux te permettent de vivre de ta musique ?
Au tout début, oui, j’avais un autre job à côté, heureusement d’ailleurs en fait… Mais quand j’ai commencé à travailler sérieusement dans la musique avec mes deux groupes, alors ça a été et je n’avais plus assez de temps à côté. Comme je te disais, même si on n’a pas pu tourner depuis l’an dernier, on a des aides donc ça va. Je ne suis pas riche, mais ça me permet autant soit peu de rester en vie. (rires)

Avec cette pandémie et les éventuels confinements en Norvège, en as-tu profité pour travailler sur de nouveaux projets ? As-tu peut-être préparé déjà un nouvel album pour 1349 par exemple ?
Non, pas spécialement, je n’ai plus d’autres projets en dehors de 1349 et Satyricon qui restent mes deux groupes. Cela me suffit. Je n’ai plus vraiment le temps à vrai dire pour autre chose. Il y a toujours des choses et projets qui peuvent arriver en cours d’année, mais je répète pas mal déjà avec 1349. Là on travaille dur avec Satyr actuellement sur un nouvel album studio.

Concernant l’actualité immédiate de Satyricon, il y a donc ces rééditions de vos deux premiers albums devenus rapidement cultes à l’époque. D’où est venue l’idée de ressortir ces deux albums Dark Medieval Times et The Shadowthrone ? C’est vous ou le label Napalm Records avec lequel vous êtes en contrat ?
Oui. En fait, remasteriser ces albums était une idée que nous avions en tête depuis longtemps, mais on préfère toujours sortir un nouvel album (studio et live) avec Satyricon, car en général on préfère avancer et créer de nouvelles choses plutôt que de regarder en arrière. Là, on s’est dit que c’était le bon moment, de prendre le temps pour ça étant donné que l’on ne peut pas faire de concert avec de nouvelles compositions à défendre live. Il le fallait rendre disponibles ces albums. Parfois, nos labels nous demandaient justement à ce que nos anciens ressortent, et les fans aussi, surtout qu’il y a toujours de la demande pour ces deux albums difficiles à trouver officiellement or ils doivent rester disponibles. Je pense que c’est une bonne idée de faire ça maintenant.

Satyr a-t’il dû céder alors les droits alors à Napalm Records puisqu’il en avait la propriété au départ étant donné que les premiers albums de Satyricon étaient parus à l’origine sur son propre label Moonfog Productions, non ?
Cela n’a pas vraiment posé de problème au niveau des droits en plus avec notre label actuel, Napalm Records, qui a déjà sorti notre dernier album Deep Calleth upon Deep (et sur lequel sortira le prochain) dans la mesure où l’on était partant. On a donc eu une offre correcte ». En effet, Satyr était l’unique compositeur et auteur de Satyricon, à l’époque. Il avait publié Dark Medieval Times puis The Shadowthrone sur son propre label en 1994. Mais bon tout ça, tu sais, je laisse Satyr gérer toute cette partie-là. (rires)

Comment ça s’est passé pour le remastering en studio sur ces deux albums ? Est-ce que tu as demandé à faire ressortir davantage par exemple tes parties de batterie ?
Non, c’est plus Satyr qui s’est chargé de cela. Je ne suis pas le genre de gars à dire derrière l’épaule : « tiens, fais comme ci, et puis comme ça là, etc. ». Non, je ne suis pas forcément compétent pour ça. Moi j’ai pour habitude de rester derrière mon kit de batterie. Satyr a supervisé le remastering, mais je précise que sur ces republications, on n’a pas réenregistré cependant les morceaux de 1993. Satyr a une vision globale, mais aussi a un sens du détail et est aussi un très bon ingénieur du son en studio. On savait ce que l’on voulait comme objectif de toute façon. Il sait très bien comment ça doit sonner et reste fluide et fidèle aux enregistrements de 1993.

Aucun bonus track, ou inédit, ne figure sur ces deux rééditions, juste un nouvel artwork très réussi pour chaque disque au demeurant, pourquoi ? Je suis quelque peu déçu d’ailleurs… Vous n’aviez pas de fonds de tiroir dans vos archives personnelles à proposer en supplément aux fans ?
Tout d’abord, on veut déjà que ces deux albums dans leur format initial soient déjà disponibles. C’est ça le principal objectif de ces deux rééditions : les rendre de nouveaux disponibles au public. Ensuite, il n’y a pas grand-chose restant en archives de l’époque, tu sais. Presque tout y est déjà de l’époque. Et ce qui n’avait pas été prêt ou retenu pour Dark Medieval Times figura alors sur le disque suivant, The Shadowthrone, six mois plus tard. On ne voulait pas dénaturer l’ensemble, cela doit selon nous rester fidèle. Si on avait ajouté quelque chose de nouveau, cela n’aurait pas trop eu de sens d’après moi.

Satyr (SATYRICON) en 1993

Te souviens-tu de cette période de tes débuts, toi qui es arrivé dans Satyricon en 1993, après la transformation du groupe Eczema en Satyricon après l’arrivée de Satyr au sein du groupe en 1991 ? Te rappelles-tu de quelques anecdotes de ces enregistrements, toi qui étais tout jeune en 1993-1994 ?
En fait, je suis arrivé dans Satyricon en décembre 1992 exactement. Satyr a tout composé entre 1992-1993. Nous étions jeunes. Il avait dix-sept sept-ans à peine. Moi, je suis arrivé de Lillehammer où je jouais un peu de batterie dans un petit groupe, pour venir à Oslo. J’étais plus passionné de musique que musicien alors. J’avais entendu dire par les gars d’Emperor que Sayricon cherchait un batteur. On s’est rencontré, on a discuté un long moment et répété. Je ne pensais pas qu’il me choisirait. Il m’a laissé ma chance de répéter et m’entraîner car il aimait mon style mais je ne faisais que débuter. Samoth figure d’ailleurs à la guitare et à la basse sur le second album The Shadowthrone. J’ai eu de la chance. Satyr m’a alors donné mes parties de batterie et j’enregistrais ça rapidement, n’étant pas trop sûr du résultat et d’être à la hauteur sur chaque chanson. Je me souviens, pour The Shadowthrone, j’ai dû parfois refaire mes parties de batterie encore et encore car les compositions devenaient plus complexes. Du coup, ça m’a permis en fait de travailler et développer mon jeu à ce moment-là. Mais on ne savait pas trop ce que ça donnerait ensuite.

Tu étais en contact à l’époque avec tous les autres groupes de la scène Black Metal norvégienne, et notamment avec Mayhem étant donné qu’il avait fondé son label Deathlike Silence Productions et son propre magasin de disque/distro Helvete à Oslo ?
Il y avait beaucoup de groupes qui émergeaient à l’époque, et on était plus ou moins proches, oui. La plupart d’entre nous se connaissaient à Oslo ensuite. C’était le début de la scène Black Metal norvégienne, à l’origine. Pas mal de choses commençaient à se passe, et par la suite des choses affreuses… Mais en même temps, on était que deux dans Satyricon, on a travaillé essentiellement tous les deux, Satyr et moi. je pense que l’on était du coup un peu à part sur la scène. Cependant on était en contact avec Samoth (Emperor, Zyklon-B) par exemple.

Frost (SATYRICON) en 1993

Faisais-tu partie de ce cercle alors baptisé « l’Inner Circle » ou en as-tu fait partie à un moment donné ?
Non, non, je n’ai jamais fait partie de cela, ni d’aucun autre groupuscule de ce genre de toute façon.

Quelles sont tes morceaux favoris sur ces deux albums Dark Medieval Times et The Shadowthrone ? Tes classiques en quelque sorte ? Difficile question, n’est-ce pas ? (sourires)
Hum… Il s’agit vraiment en effet d’une question très difficile de piocher seulement quelques chansons dans ces deux albums, surtout en comparaison après avec toute le reste de notre discographie. Je dirais, voyons, la chanson « Walk the Path of Sorrow » qui ouvrait l’album Dark Medieval Times… C’était du coup notre premier morceau et reste fantastique à mon sens. Il dégage toujours quelque chose. Mais c’est absolument difficile de comparer, de choisir, certaines étaient vraiment difficiles à jouer à l’époque. Sinon, je dirais aussi « Skyggedans » car j’aime le flot, la vibration, l’atmosphère qui s’en dégage avec un côté Bathory qui de nos jours ne sonne pas désuet. Je l’aime beaucoup. Enfin, j’ajouterai « Min Hyllest Til Vinterland » toujours tiré de Dark Medieval Times, et peut-être aussi « In the Mist by the Hills » extrait quant à lui de The Shadowthrone. Mais c’est plus difficile d’en choisir sur celui-ci tant on a travaillé là-dessus. Tous ces titres demeurent particuliers pour moi, je m’en souviendrai toujours car c’était mes débuts.

Maintenant, je sais que ce n’est pas facile pour toi de parler de cela, mais comment va Satyr actuellement avec sa tumeur au cerveau ? Comment va Satyr au fait du fait de sa tumeur au cerveau ? Il arrive à vivre avec au quotidien ?
Il commence à aller de mieux en mieux. Il vit bien la chose et se consacre à sa famille, à son travail avec Satyricon. Il a subi une lourde opération non pas du cerveau mais de son dos il y a deux ans, et là ça va mieux mais ça été difficile ce qui est tout à fait normal. Mais bon, on ne parle pas trop de chirurgie en répétition, etc., tu sais. D’un autre côté, c’est un gars très solide, Satyr. Tout cela apprendre relativiser les choses dans la vie. Tout ce qu’il fait, il le réussit, donc il n’y a pas de raison. Je souhaite que ça continue pour lui et pour nous. Il profite ainsi au maximum de ses enfants dans sa famille. Il est heureux de faire ses propres choses aussi de son côté. Sinon, on continue donc à travailler ensemble avec Satyricon ce qui nous prend pas mal de temps en ce moment.

Alors en conclusion, quels sont justement les projets à venir pour Satyricon ? Ce projet d’album de reprises (Métal et non Métal) dont m’avait parlé Satyr non sans une certaine excitation il y a quelques années ?? Un nouvel album studio original est donc aussi en cours de réalisation comme tu l’as évoqué au début de notre entretien ?
L’album de reprises est toujours en projet mais c’est pas pour tout de suite, c’est en suspens pour le moment. Là on travaille en studio sur un successeur à donner à Deep Calleth Upon Deep, qui sortira chez Napalm Records bientôt, avec donc là des nouvelles chansons originales de Satyricon. Ce nouvel album devrait sortir l’an prochain à présent.


CHRONIQUE ALBUM

SATYRICON
Dark Medieval Times (rééd.)
The Shadowthrone (rééd.)

Black Metal culte
Napalm Rec./Season Of Mist

Tout légende a une origine, un début, tout comme il n’y a pas de fumée sans feu… Il en va de même pour Satyricon qui a toujours été l’un des illustres ambassadeurs du Black Metal norvégien dans tout son art. Si leurs deux premiers albums studio ont déjà été réédités par le passé mais toujours difficiles à se procurer, les voici de nouveau disponibles sur leur label actuel Napalm Records, bénéficiant chacun au passage d’un nouvel artwork très classieux, et d’un remastering sonore qui ne dénature aucunement les œuvres originelles du duo infernal Satyr et Frost. Rappelons au passage que Dark Medieval Times fut composé alors que Satyr n’avait que dix-sept ans ! Culte donc ! Tous leurs premiers classiques, qui n’ont finalement pas pris une ride, y figurent, et prédestinaient déjà au futur et troisième album qui suivra en 1995 : le chef d’œuvre Nemesis Divina. Des titres bien black, evil, avec déjà cette approche folk épique et nordique (« Skyggedans ») sans pour autant tomber dans la carricature. Les fans que nous sommes auraient apprécié cependant quelques bonus tracks en prime ici (des raretés, des inédits, des démos de studio de l’époque, etc.) mais non, rien de tout ça ici, les deux musiciens ayant préféré le minimum syndical, sans surenchère, afin de rester authentique dans leur démarche artistique de l’époque, mais aussi pour simplement préparer le terrain de leur nouvel album studio qui ne devrait pas tarder d’après Frost (cf. interview)… [Seigneur Fred]

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