Il était une fois, en Bavière, The Vision Bleak, un duo fantastique à la créativité et l’inspiration débordantes. C’est donc toujours avec un grand plaisir que nous aimons retrouvé, sous une forme ou une autre, la paire teutonne Konstanz/Schwadorf, que ce soit avec Ewigheim, Noekk, ou plus récemment Empyrium (lire notre interview de Markus Stock alias « Schwadorf »), ou aujourd’hui The Vision Bleak. Et ce qu’il y a bien avec ces deux artistes, la qualité de leurs réalisations demeure constante malgré les années. Cela en devient même agaçant tant ces deux génies excellent dans leur spleen partagé. Nous commencions presque à nous impatienter pour se délecter d’un successeur à The Unknown (Prophecy Productions) paru en 2016, mine de rien. A présent, nos deux compères se permettent de revenir avec une seule plage sonore d’une durée de 41’17, sobrement intitulé Weird Tales comme le nom de ce septième petit bijou. C’est plutôt osé, risqué même, de s’offrir un tel luxe avec un album conceptuel divisé cependant en douze sous-chapitres afin de faciliter l’écouter et le repérage de l’auditeur dans ce sombre dédale de contes étranges où l’on retrouve cette patte des Allemands, faite de mystère, de folklore européen, et bien entendu de noirceur, ou plutôt d’une beauté sombre et étrange…
Weird Tales fait ici référence aux écrits fantastiques (dans tous les sens du terme) d’auteurs du début du XXème siècle, comme H. P. Lovecraft, Robert Ervin Howard (vous savez, l’auteur des récits de Conan Le Cimmérien, ou plutôt le Barbare), et Clark Ashton Smith, qui ont contribué au magazine du même nom, Weird Tales donc. Il fait également allusion à des écrivains qui n’ont jamais été présentés dans cette publication paradoxalement, et pas des moindres, comme par exemple Edgar Allen Poe et Lafcadio Hearn, dont l’œuvre Fantastics and Other Fancies a d’ailleurs été très influent pour cet album.
C’est sur quelques mystérieuses notes de claviers qui n’auraient plus à Mike Oldfield sur son principal thème « Tubular Bells » de la B-O de L’Exorciste que démarre l’introduction à ces contes étranges rassemblées sur une unique plage sonore donc, mais heureusement chapitrées. Après « Introduction », une chanson au rythme soutenu, plutôt classique, où l’on retrouve bien entendu tous les ingrédients de nos maîtres ès sciences occultes, direction la France avec « In Rue d’Auseil » après un petit break de batterie bienvenue. Le tout est très propre, propret dirons certains pour du horror metal, mais très sincèrement, l’écoute n’en devient qu’appréciable. Le travail vocal magnifiquement réparti entre Konstanz et Schwadorf, propose un chant clair principal, et divers chœurs. Les guitares puissantes sonorisées dans leur home studio (Klangschmiede Studio E), à Mellrichstadt en Bavière possèdent un grain magnifique, rendant les riffs plus entêtants les uns que les autres. Et que dire de ces nappes de claviers tubulaires, hypnotiques. Un solo de guitare signé Schwadorf vient éclairer ces ténèbres lyriques. Succède « III : In Gardens Red, Satanical », un morceau réellement crépusculaire, aux relents doomy. Un break à la guitare acoustique, qui ravira les fans d’Empyrium, vient cajoler nos oreilles. Splendide, tout simplement. Un piano feutré, puis des arpèges à la guitare acoustique puis électrique, quelque part entre Paradise Lost (période Icon/Draconian Times) et Type O Negative, laissent place à « IV : Once I Was A Flower » qui vous donne des frissons dans tout le corps.
Mais The Vision Bleak, ce n’est pas qu’un romantisme à l’apparence uniquement douce et mélancolique, c’est aussi des growls bien sentis par moment (« V : The Premature Burial », « Evil Dreams Run Deep »), passionnément interprétés par les deux compères (leurs racines dark et black metal sont palpables), et par moment des guitares plombées et bien saturées (« The Witch with Eyes of Amber », « Canticle »), alors que Konstanz accentue sa frappe sur ses fûts. C’est tout ce contraste, cette narration, et ces superbes mélodies, avec un violon par-ci joué par leur consœur Aline Deinert (Neun Welten, et, on y revient Empyrium (live)), un clavier dark wave par-là, ou un piano classique. Alors bien sûr, on pourrait continuer l’histoire encore longtemps, mais le mieux, plutôt que de vous la narrer ici, c’est de l’écouter (voir vidéo YouTube à disposition sur cette page), les yeux fermés, le temps d’une pause bien méritée. Quelques instants pour soi, égoïstement, dans cette société où tout va vite, très vite, trop vite, un peu comme le film Une Heure de Tranquillité avec Christian Clavier qui n’arrive jamais à écouter tranquillement son précieux disque de jazz. Eh bien là, avec Weird Tales, on a affaire à un véritable écrin de dark/horror/gothic metal, appelez ça comme vous voulez. Mais prenez réellement le temps de le savourer, sérieusement, en toute quiétude. Alors vous verrez, la magie opèrera et le pouvoir de la musique vous aura enchanter le temps de quarante-et-une petites minutes qui en valaient vraiment la chandelle. Chapeau, messieurs, pour cette septième petite merveille studio ! Deutsche Qualität. [Seigneur Fred]
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