Les supers combos dans le metal, on connaît déjà, y compris dans le metal extrême. Bien souvent, dans l’association d’artistes aux multiples talents, on est rarement déçu, mais aussi rarement surpris. Pour le cas Vltimas apparu sur la scène black/death metal internationale en 2019 avec un premier opus remarqué, Something Wicked Marches In, figurent rien de moins que David Vincent (ex-Morbid Angel, I Am Morbid, ex-Genitorturers…), le batteur d’origine tourangelle Flo Mounier, qui a quitté la France pour le Québec depuis bien longtemps afin de blaster chez nos cousins de Cryptopsy, et l’ex-guitariste norvégien de Mayhem, Rune Eriksen alias « Blasphemer » désormais exilé au Portugal. Ce dernier est connu pour ses divers side-projects toujours intéressants et de qualité (Aura noir, Ava Inferi, Earth Electric, dernièrement Ruïm…). A présent, celui qui eut la lourde charge, mais aussi l’opportunité, de succéder à Euronymous (R.I.P.) un beau jour de 1994 alors comme jeune guitariste de black metal au sein de Mayhem, nous a présentés Epic, second effort d’Vltimas réalisé malgré l’éloignement de chacun de ses membres. Epic reflète pourtant une forte cohésion, avec des membres en totale osmose, pour un résultat à la fois catchy, groovy et extrêmement heavy. [Entretien avec Rune « Blasphemer » Eriksen (guitares) par Seigneur Fred – Photos : DR]
Comment allez-vous, toi et ta femme Carmen Simões (ex-Ava Inferi, Earth Electric) au Portugal et où vis-tu précisément là-bas depuis déjà pas mal d’années après avoir quitté la Norvège et le groupe Mayhem ?
On va bien, je te remercie. C’est exact. Oh, j’ai déménagé il y a déjà vingt ans, tu sais. C’était en 2004 en fait, avant d’arrêter de jouer avec Mayhem. Je vis tout proche de Lisbonne, de l’autre côté du pont où se trouve la grande statue du Christ Roi que tu connais certainement qui est situé au sud de la ville (Ndlr : statue ressemblant à celle du Christ Rédempteur à Rio de Janeiro au Brésil). Je vis de ce côté-là en fait. Et ça me va bien, vu la météo actuelle glaciale en Norvège, je suis heureux ici… (sourires) Mais j’y ai encore ma famille là-bas, près d’Oslo.
En 2023, faute à un manque de temps chacun de nos côtés, on n’a pas eu l’occasion d’échanger à propos de ton premier album solo avec Ruïm (Peaceville Rec.) qui était une franche réussite (lire notre chronique ici). Alors mes félicitations en retard !
Ah, cool. Tant mieux si tu l’as aimé. Merci beaucoup !
Venons à Vltimas maintenant. Ce n’est pas trop compliqué quand même pour travailler ensemble dans un tel groupe international où chacun des membres est à l’autre bout du globe ? David Vincent (ex-Morbid Angel) est aux États-Unis, votre batteur Flo, d’origine française (Tours) vit au Canada (Québec), et toi au Portugal. Comment faites-vous pour sonner aussi soudé et solide avec Vltimas ?
Ouais, c’est vrai. On vit tous loin des autres. David (Vincent) vit au Texas, en effet, et Flo au Québec. Mais à vrai dire, ça fait longtemps que je fonctionne comme ça, tu sais. De nos jours, ça se fait beaucoup. On a tous les mêmes racines musicales, on s’entend bien déjà, et puis on a tous des familles, certains ont des enfants, etc. Donc on travaille ainsi, on répète chacun de notre côté, et puis on se retrouve pour répéter physiquement ensemble, aux États-Unis. Ce n’est alors pas juste un week-end, mais durant deux semaines par exemple de manière intense. Alors ça nous coûte cher, les déplacements en avion, ça pollue, etc. mais on le fait modérément car ça devient presque du luxe. C’est un choix de toute façon. De mon côté, ça fait longtemps que je travaille ainsi, que ce soit avec Vltimas, ou auparavant déjà avec Mayhem, Aura Noir, ou d’autres side-projects. Et puis, je me plais bien au Portugal, ma vie est ici désormais, c’est plus relaxe ici. Je n’irai pas vivre aux USA, ni ne retournerai en Norvège.
Pour le premier album paru en 2019, Something Wicked Marches In, avez-vous pu tourner et le défendre live comme il se doit sur scène avant la pandémie qui a touché tous les artistes ce qui était frustrant pour tout le monde ? En es-tu toujours fier ?
On a tout de même pu donner plusieurs shows, et notamment fait une tournée européenne en compagnie d’Abbath. Mais oui, ce fut frustrant comme tu dis, mais bon, c’est ainsi. On ne pouvait plus voyager, mais on a avancé sur le nouvel album qui est devenu alors ma priorité. En termes de créativité, ce fut plutôt positif en fin de compte par contre. Et oui, j’en suis toujours fier ! Il y a des chansons géniales que l’on va jouer dans notre prochain set en concert bientôt. Mais le nouveau matériel sonne plus influencé par le heavy metal à vrai dire…
Du coup, vous en avez profité pour composer et écrire ce second album Epic ?
Le truc est que nous avions déjà pour projet de faire un nouvel album dès l’année suivante, en 2020. Pas mal de morceaux étaient déjà bien avancés et presque prêts, et d’autres nouveaux sont nés par la suite les années plus tard. Mais comme je ne pouvais voyager vers l’Amérique du Nord (États-Unis, Canada) pour bosser avec les gars et finaliser tout ça, alors les choses ont été quelque peu retardées…
Vltimas est passé de trois à quatre membres. Un nouveau membre est arrivé officiellement entre-temps à la basse dans l’équipe. Peux-tu nous en dire davantage sur lui ?
Oui, il s’appelle Ype TVS. Il est originaire des Pays-Bas, et joue déjà notamment dans le groupe de thrash metal Escadron depuis pas mal d’années. Jusqu’à présent, c’était moi qui m’occupais d’enregistrer la basse.
David Vincent n’avait pas assuré la basse sur le premier Vltimas alors qu’il a longtemps occupé le poste de bassiste/chanteur? Quel fainéant celui-là ! (rires)
Hé non ! (rires) C’était moi déjà qui assurais la basse sur le premier album d’Vltimas. En fait, il avait été mordu par un serpent chez lui au Texas peu de temps avant l’enregistrement, alors c’était impossible pour lui de jouer. Et puis c’est plus simple ainsi pour moi aussi, en fait, car je compose et joue toutes les guitares. Mais sur le nouvel album, c’est Ype. On avait besoin à la fois d’un musicien de session studio et live. João Duarte (de Corpus Christii) a également enregistré des parties de guitare classique avec moi, et tout cela a été enregistré dans le studio ici au Portugal avec Jaime Gomez Arellano une nouvelle fois.
Pourquoi ce choix de titre, Epic, pour ce nouvel album ? C’est vrai qu’il y a un côté épique, dramatique presque dans l’interprétation qu’en donne David au chant. Mais est-ce un clin d’œil peut-être aussi à la célèbre chanson de Faith No More tirée de leur album à succès The Real Thing (Slash Rec./1989) ? (sourires)
Ah non, pas du tout ! (rires) Bien que je connaisse la chanson. Mais en fait, c’est le premier morceau que j’ai composé chez moi dans mon salon, et qui a été fini assez rapidement, je l’avais nommé « Epic ». Après, quand il a fallu trouver un titre à ce nouvel album, on a choisi et repris ce titre, tout simplement. Ce n’est pas par erreur en tout cas. (rires)
Sinon ça fait quoi de chanter au côté de David Vincent, que ce soit sur disque ou sur scène, une telle légende du metal extrême depuis des décennies, lui qui est connu pour son charisme sur scène avec Morbid Angel dans le passé ?
J’espère que c’est réciproque aussi ! (rires) Mais ouais, c’est un grand chanteur, il a vraiment une voix unique dans le metal. C’est un bon compositeur aussi, doublé d’un très bon arrangeur en studio. Il a écrit toutes les paroles. Tu sais, avec mes riffs de guitare et sa voix, je pense que l’on s’est trouvé tous les deux. On a formé une bonne combinaison.
Ce qui est intéressant chez toi, c’est que l’on peut toujours facilement identifier ton jeu de guitare typé black metal, et tu arrives à l’adapter à chaque musique, quel que soit le projet musical. On reconnaît toujours ta patte héritée de ta carrière avec Mayhem à tes débuts. C’est d’ailleurs grâce à Mayhem que tu t’es fait connaître, et en même temps tu t’en es affranchi depuis…
Merci. En effet, c’est vrai ce que tu dis, c’est grâce à Mayhem que j’ai lancé en fin de compte ma carrière en tant que musicien. Mais ça fait plaisir d’entendre cela en tant que guitariste. Et je n’aime pas me répéter et faire deux fois la même chose. Il faut rester créatif. Si tu écoutes Bathory, Darkthrone, ou des choses des années 70’s/80 comme Iron Maiden, Black Sabbath, tous ces grands ont toujours innové en leurs temps. J’aime explorer, tester des nouvelles choses avec les différents groupes sur chaque nouvel enregistrement, tout en conservant le son que j’aime, si unique, et c’est ce qui fait mon style, je pense… Enfin je dis ça en toute humilité.
Par exemple, la chanson « Mephisto Manifesto » représente bien cette double facette plus heavy et groovy présente sur Epic…
C’est un vieux riff que j’avais en fait que je n’avais pas réussi à utiliser. J’ai ressorti ça et l’ai retravaillé en jammant avec Flo Mounier (batterie). Et oui il y a cette influence heavy metal inspiré par la musique des années 70/80 avec laquelle on a tous grandi au sein du groupe David, Flo, moi. Mais ce n’est pas de la simple nostalgie, il y a plusieurs aspects. C’est vraiment groovy. On a voulu faire un disque plus direct !
Quelles sont tes chansons préférées de ce nouvel album Epic ?
« Mephisto Manifesto » dont on parlait à l’instant. « Miserere » aussi, notre premier single. C’est un très bon morceau. La chanson-titre de l’album aussi, « Epic ». Mais dans l’ensemble, tu sais, ce sont tous des morceaux très heavy, directs, on a voulu faire un album immédiat.
Pensez-vous venir jouer en France avec Vltimas prochainement dans le cadre d’une tournée européenne ? Des festivals d’été peut-être ?
Oh, j’aimerai bien ! Pour l’instant il n’y a rien de caler en France. Là, on va déjà faire quelques dates ici et là, notamment en Islande, au Inferno Metal Festival en Norvège, au Graspop en Belgique, aux Pays-Bas aussi. Je pense que l’on devrait venir jouer chez vous bientôt. Des annonces vont être faites. Tu sais, la France, c’est l’un de mes pays préférés, après le Portugal où je vis, et la Norvège où je suis né. J’y viens souvent. C’est un peu ma deuxième ou troisième maison. Et notre label Season Of Mist est français. (sourires)
Avant de conclure, peux-tu nous donner des nouvelles de tous tes autres groupes et divers projets : Aura Noir, Ruïm, Twilight Of The Gods, et si Ava Inferi a splitté, il y a aussi désormais Earth Electric avec ta femme Carmen… ?
Concernant Earth Electric tout d’abord, un nouvel album vient d’être fini. Ce sera bien plus heavy pour tout te dire, moins rock que le premier disque, beaucoup plus heavy et doom metal. J’en suis très content et plutôt excité à l’idée qu’il sorte. Alors pour Ruïm, le second album est en cours, et arrivera bientôt. La plupart des chansons sont prêtes. D’ailleurs je me rends bientôt à Dijon en France pour commencer le processus d’enregistrement. Voilà mes deux autres priorités pour cette année, en plus de répéter avec Vltimas avant de partir en tournée. Sinon, concernant Aura Noir, un nouveau disque est en cours mais là, je serai moins impliqué cette fois. Enfin, pour Twilight Of The Gods, on va se voir dans deux mois à Londres avec Alan A. Nemtheanga pour parler d’un nouvel album. C’est en projet, le premier album remontant à 2013.
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