Nouveau venu sur la scène (chaotic) hardcore hexagonale (enfin presque puisque le quatuor parisien a tout de même déjà sorti 2 EP en 2014, puis 2018), Anna Sage franchit enfin le pas du long format avec la sortie de son premier album éponyme, épaulé par l’incontournable Francis Caste aux manettes. Rencontre et découverte. [Entretien avec Sébastien (basse), Gabriel (guitare), Xavier (chant), Chrysal (batterie) par Norman Garcia – Photos : Naps Hart]
Pouvez-vous commencer par présenter le groupe, sa genèse, l’arrivée du nouveau batteur, et revenir sur le choix du nom groupe, plutôt engagé et surprenant ?
Sébastien : Concernant le nom du groupe, on avait été marqué par l’histoire d’Anna Sage, une femme avec un parcours un peu chaotique, une histoire de trahison… Le côté un peu dramatique de son histoire nous avait marqué à l’époque, et on avait pris ce nom-là. Le groupe a une dizaine d’années maintenant, et a connu plusieurs phases avec divers changements de line-up au fil du temps. Moi je suis dans le groupe depuis le début. Notre nouveau batteur est arrivé au moment où nous avons commencé à bosser sur ce projet d’album.
Gabriel : Chrysal, notre nouveau batteur, est un bon ami depuis plusieurs années, depuis une tournée partagée avec No Vale Nada, son autre groupe. On a eu un super feeling dès le départ, et on a été littéralement scotché sur son jeu tout au long de la tournée. Le jour où on a dû changer de batteur, c’était une évidence pour nous de se tourner vers lui. A la base on pensait juste collaborer pour l’enregistrement de l’album mais après la première répète avant l’enregistrement, on savait qu’on ne le lâcherait pas. Il est trop fort, ça a marché tout de suite !
Chrysal : Quand ils m’ont contacté, j’ai tout de suite été emballé par le projet, j’ai trouvé les nouveaux morceaux énormes. J’ai alors pas mal bossé dessus de mon côté et un an plus tard, malgré toute cette période de confinement, on était prêts pour le studio.
On assiste à une sorte de regain de la scène chaotic hardcore, new school hardcore et mathcore avec des groupes comme Knocked Loose ou Vein.fm., regain artistique auquel vous participez du coup. Comment avez-vous découvert cette scène ? Que représente-t-elle à vos yeux ?
Sébastien : Pour ma part, la scène qui m’a vraiment marqué c’est quelques groupes de la fin des années 90/début 2000, avec les premiers albums de Converge, les albums de Breach, Calculating Infinity de The Dillinger Escape Plan, Botch et autres groupes du même style. Ces groupes représentent, chacun à leur façon, les ponts entre l’énergie du hardcore et quelque chose de plus sombre, plus personnel. Je me rappelle qu’à l’époque c’était vraiment l’intensité de ces groupes qui me scotchait, et leur liberté de création, et je crois que c’est encore ce que je recherche aujourd’hui dans ce style.
Xavier : A mes yeux, ce style nerveux et agressif a toujours été un bon exutoire !
Gabriel : Perso, j’ai découvert cette scène en rejoignant Anna Sage avant l’EP Downward Motion de 2018. Étant à la base plus branché punk, et metalcore, je me suis rendu compte que cette scène post-hardcore est au croisement de plein de styles, c’est ça qui est cool. Les groupes gravitent autour de tous ces genres punk, metal, mathcore, post hardcore, etc. en pouvant se permettre d’y exploiter les codes associés. Je pense que c’est ce qu’on a fait dans notre album en tout cas.
La scène hardcore était d’ailleurs bien représentée avec l’ancêtre du Hellfest qui s’appelait alors le FuryFest il y a une vingtaine d’années, et aussi une grande partie des concerts en Belgique et ses nombreux festivals… Du coup, que pensez-vous de la place laissée à la scène hardcore en France actuellement ainsi que sa visibilité ?
Xavier : C’est assez drôle que tu parles du Furyfest car c’est à cette période que j’ai commencé à découvrir toute cette scène underground… Malheureusement, c’est toujours aussi difficile pour la plupart des groupes d’avoir de la visibilité, mais cela n’empêche pas certains de sortir du lot, et même parfois de réussir à s’exporter avec succès à l’étranger.
Gabriel : C’est une scène qui reste assez underground, on ne va pas se le cacher, qui n’a finalement pas énormément de visibilité mais qui est très vivante et regorge de groupes géniaux et de passionnés qui s’investissent énormément. En tout cas c’est vraiment bien que ça s’ouvre un peu plus car c’est vraiment un style à voir en live pour le comprendre et profiter de l’expérience.
Revenons sur votre album, qui est votre premier long format en fait. Comment s’est passé son écriture en cette période de pandémie ? Et l’un d’entre vous peut-il revenir sur les raisons du choix (de continuité) de Francis Caste à la réalisation ?
Sébastien : C’est vrai, on avait sorti deux EP avant, et on n’avait jamais bossé sur un format long, donc c’était un peu un défi. C’est sûr que pour l’écriture en période de pandémie c’était pas simple de ne pas pouvoir jouer les morceaux ensemble et de devoir composer le tout sans répéter. On s’est vu avec Gabriel, le guitariste, après la période de confinement, avec tout ce qu’on avait écrit, pour commencer le travail d’arrangements et prendre le temps de soigner les derniers détails. Avec le recul, je crois que ça a rendu l’album très cohérent au niveau de l’écrire de cette façon-là.
Chrysal : Cette période de confinement, ça nous a laissé le temps de bien décortiquer les morceaux, travailler les montées en intensité et les détails d’écriture. Tout ce travail en amont nous a permis d’arriver sereins en studio pour l’enregistrement.
Sébastien : Concernant la production, il nous a semblé évident de travailler à nouveau avec Francis Caste. On a énormément de références musicales communes avec lui et il a très bien compris ce qu’on veut raconter avec Anna Sage. C’est un perfectionniste qui ne laisse rien au hasard et c’était la collaboration parfaite pour cet album.
Gabriel : On ne s’est même pas posé la question en fait, notre expérience avec lui sur notre EP Downward Motion était tellement excellente qu’on n’a même pas imaginer aller ailleurs. Au-delà de son talent en tant qu’ingé son, c’est quelqu’un qui a le don de mieux percevoir que toi ce que tu souhaites faire comme son, comme ambiance, etc. C’est assez troublant. En trois mots, il te remet dans le droit chemin avec une cohérence dans tes morceaux que tu n’aurais pas imaginé en poussant la porte du studio alors que tu t’y prépares depuis deux ans. Et puis il faut être honnête, on rigole bien à ces blagues pourries.
Une question plutôt commune certes, mais quels sont les sujets abordés dans vos chansons, et y en a-t-il un qui vous tient plus particulièrement à cœur et pourquoi ?
Xavier : Dans les textes, j’aborde des sujets tels que la manipulation, le déni mais aussi la révolte. Le tout dépeint un univers sombre en phase avec le son. Tous les morceaux me tiennent à cœur mais le thème abordé sur « Lost In Frame » par exemple est celui qui me touche le plus. Le titre parle du passé, qui peut être synonyme de refuge nostalgique pour certains, mais également constituer une prison pour d’autres. Ce morceau parle également de notre incapacité à nous échapper de nous-mêmes.
Concernant l’artwork, qui est l’enfant que l’on aperçoit sur la pochette ?
Gabriel : A toi de nous le dire, cet enfant c’est justement qui tu as envie qu’il soit, elle représente ce que tu veux et c’est exactement ça que l’on voulait lorsqu’on a demandé à Romain Barbot de travailler avec nous sur le projet. Le plus important pour nous, c’est surtout sa posture, son regard, ce qu’il dégage sur cette photo et pour moi cela vient renforcer la cohérence de l’album, des ambiances et des transitions.
Des infos sur une prochaine tournée (dates, lieux, avec qui) ?
Xavier : Concernant le booking, sur les deux dernières années il ne s’est pas passé grand-chose et ça a été très dur pour beaucoup d’artistes mais aussi d’organisations de concerts. Là, les choses reprennent, on est très chauds à l’idée de revenir sur scène ! On a déjà quelques dates françaises et belges en avril 2022, à la sortie de l’album. On tournera aussi à l’automne prochain ! Il faudra suivre nos actus sur nos réseaux sociaux !
Hier soir (samedi 12/02 ndlr) avaient lieu les Victoires françaises de la musique, sensées représenter toute la scène musicale française. Quel regard portez-vous sur ce genre d’émission ?
Sébastien : En fait, je ne pose aucun regard sur ce genre d’émission. Je ne m’y intéresse simplement pas. Le type de musique que l’on a choisi d’écouter et de faire n’y est pas représenté, et peut-être que c’est tant mieux. Pour aller plus loin, je ne comprends même pas le principe de récompenser des artistes et pas d’autres, sur la base de quoi les mettre en compétition et en quoi certains sont plus méritants que d’autres ? Bref peu importe, toutes ces grandes cérémonies, ça ne me parle pas du tout.
La France se situe a une période charnière, avec bientôt les élections présidentielles (NDLR : interview réalisée courant mars 2022). Le pays n’a rarement été aussi secoué aussi bien socialement qu’économiquement… Avez-vous un avis sur cette situation ou gardez-vous une certaine distance vis-à-vis de la vie politique et toutes ses dérives ?
Tous : Dans nos vies persos, on a bien sur un avis sur cette question que tu poses, mais Anna Sage n’est pas un groupe engagé politiquement donc on ne fera pas de commentaire sur la situation sociale ou économique actuelle ou sur l’actualité dramatique qui secoue le monde dernièrement.
Je vous laisse le mot de la fin. Merci à vous dans tous les cas…
Tous : Un grand merci à vous pour le temps que vous prenez pour nous ! Cet album est le plus sincère et le plus abouti qu’on ait pu écrire, et on y a mis beaucoup de nous-mêmes, ça représente beaucoup de travail, du coup c’est gratifiant d’avoir l’occasion d’en parler un peu. L’album sort le 15 avril chez plusieurs labels, français et étrangers (Klonosphère et Season of Mist pour la sortie cd et digitale, Vox Project, Itawak Records, Zegema Beach, Dingleberry Records et Urgence Disk pour la sortie vinyle). On a hâte de pouvoir le défendre sur scène et d’y retrouver notre public !
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