ASET : L’expérience interdite

A l’heure des selfies à gogo et du m’as-tu vu sur internet, il existe encore des artistes, ou ce que nous qualifierons ici d’entités, qui aiment se préserver de la reconnaissance publique et préfèrent rester secrets, incognitos, afin de mieux faire passer leurs messages et faire travailler l’imagination du public. C’est le cas d’Aset, mystérieuse formation de black metal européenne, qui livre un premier opus Astral Rape totalement habité grâce à son ambiance sombre et mortifère. Malgré tout, nous savons que derrière ce miroir sans reflet, on y trouve des membres de Seth et Oranssi Pazuzu. Alors laissez-vous cueillir par ses auteurs fantomatiques, au risque peut-être de perdre votre âme au passage… [Entretien réalisé avec l’entité Aset dans son intégralité par Seigneur Fred – Photos : DR]

Comment est né Aset ? Était-ce déjà un projet dans les cartons depuis longtemps qui a mûri ces dernières années, ou bien au contraire, Aset est-il né et a émergé durant la période d’inactivité scénique totale des artistes dans le monde (concerts, tournées, festivals) liée à l’épidémie de covid-19 entre 2020 et 2022 ?
Il nous est difficile d’établir exactement l’origine d’Aset car l’entité dépasse la simple somme des artistes qui matérialisent cet album. À notre échelle, nous pouvons vous indiquer que les morceaux ont été écrits sur une durée d’environ quatre ans, et ont été enregistrés il y a maintenant dix ans, puis mixés plus récemment.

Le nom d’Aset m’a immédiatement évoqué la mythologie égyptienne qui possédait de nombreuses liaisons avec la mythologie grecque durant l’Antiquité. J’ai notamment pensé également au dieu Seth (dieu du désert, de l’orage, et de la violence, dans la religion de l’Égypte antique, frère d’Isis et Osiris, souvent représenté en homme à tête d’animal à long museau). En plus, dans Aset, il y a, me semble-t’il un ou plusieurs membres du groupe de black metal français bien connu Seth. Alors pourquoi ce nom d’Aset et quelle en est sa signification ? Quelle est l’idée ici ?
Notre musique a pour but de dévoiler des réalités qui vont au-delà de nos perceptions sensorielles et de plonger l’auditeur dans l’Astral. Ce voyage spirituel est idéalement personnalisé par la déesse Aset qui a donné son nom à l’entité.

Au niveau du line-up du groupe, combien êtes-vous de personnes au sein d’Aset, qui fait quoi, et qui êtes-vous au juste car certains membres ont fait partie ou font partie de Seth, justement, et Oranssi Pazuzu ?
Nous ne sommes qu’un et légion à la fois… Deux noms de groupes ont effectivement fuités, alors nous n’avions donc pas d’autres choix que de présenter Aset ainsi, mais les composantes de l’entité ne se limitent pas à ces deux seuls groupes.

Visuellement, aucune photo de groupe n’a été fournie par le label Les Acteurs de l’Ombre Productions ni votre agence de promotion, pourquoi ? Vous souhaitez restés incognito ?
Est-il nécessaire de connaître les noms et visages des musiciens pour apprécier l’œuvre ? Nous ne sommes pas en quête de plus de reconnaissance individuelle. Au contraire, notre entité n’établit aucun égo, ceci afin de mieux permettre aux auditeurs de se concentrer objectivement sur la musique et l’univers véhiculés. À ce titre, nous allons à l’encontre de nos sociétés actuelles, basées sur l’individualité de l’être et une mise en avant du « je » ayant pour fin l’obsession hystérisée de la reconnaissance de l’individu.

L’album avait annoncé dès août 2022 sur le CD sampler du label français Les Acteurs de l’Ombre Productions. On avait alors pu déjà découvrir ce premier extrait « A Light In Disguise » d’Aset, tiré de votre premier LP Astral Rape. J’étais impatient de découvrir l’album et il nous a fallu attendre un an ! Nous avions beau relancé le label, rien, jusqu’à cet été pour une annonce officielle : Astral Rape sortirait à la fin de l’été (22/09/23). Que s’est-il passé au juste et pourquoi un tel retard à l’allumage ? Pour faire durer le suspense jusqu’au bout ? Problèmes de pressage (CD, vinyle…) peut-être ?
Le titre figurant sur le Sampler Ladlo de l’année passée (Ndlr : 2022) était une version de prémixage. Nous n’avons aucune pression avec Aset puisque nous sommes libres de toute considération commerciale et n’avons pour unique but que de sortir un album dont nous sommes pleinement satisfaits. Nous avons donc choisi de replonger œuvrer dans l’ombre afin de vous présenter l’album que vous découvrez maintenant.

Musicalement, Aset évolue dans un black metal virulent et mystique, occulte, moderne par sa production sonore, mais avec une certaine tradition tout de même du genre. On retrouve des influences black metal scandinaves, c’est-à-dire norvégiennes mais aussi suédoises (Watain par ex.). C’est varié et d’un haut niveau technique, on sent l’expérience de chacun d’entre vous tant en matière d’écriture que de performance. Comment définiriez-vous votre propre style ? Simplement comme du « black metal français » même si vous chantez en anglais ?
Aset n’a pas de nationalité, ni de frontière l’appellation de « black metal Français » ne ferait donc aucun sens. Nous souhaitons proposer un album de black metal agressif et moderne, comme tu l’as dit, empruntant des éléments de rites occultes égyptiens et, à en croire l’accueil qui lui est réservé à l’heure actuelle, nous pouvons dire que nous avons atteint notre but.

Au début de l’album qui s’ouvre par ce premier titre « A Light In Disguise », on entend comme une incantation avec une voix. On croirait entendre la voix de Nocturno Culto ou Fenriz de Darkthrone sur leur chanson de 1991, « Kathaarian Life Code » de leur album culte A Blaze In The Northern Sky, à moins que ce soit mon imagination… S’agit-il d’une inspiration de Darkthrone ici sachant que Seth avait des connexions dans le passé avec certains groupes de black metal scandinave dont Darkthrone ?
Nos influences viennent d’ici et d’ailleurs, elles sont multiples et Darkthrone en est une parmi d’autres. Le but n’est pas de recréer ce qui a déjà été fait mais d’avancer dans le sens souhaité par le collectif, lui-même guidé par la volonté de l’entité.

Un second extrait d’Astral Rape figure sur le nouveau CD sampler 2023 de LADLO. Il s’agit du titre « Abusive Metempsychosis ». Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette chanson ? (paroles, composition musicale, etc.)
Cette chanson est en fait la plus proche du concept d’Astral Rape. En effet, la métempsychose abusive illustre un passage forcé de l’âme dans une autre, et un cas de possession qui correspond au viol astral. Le titre en lui-même est direct et incisif, présentant de façon très évidente la violence de cette possession.

De quel « viol astral » évoqué dans votre titre d’album s’agit-il ? À quoi faites-vous référence ici ?
La question précédente répond en partie à cette question.
Le viol astral est soit l’exécution de la volonté du magicien par l’éther et son agression sur un autre, soit le choc en retour pour l’impudent novice s’aventurant dans cette manœuvre sans en mesurer les conséquences. La pensée est volonté créatrice, et sous la force volitive et convergente du magicien, elle se transforme en arme redoutable qui peut frapper sa cible tout comme l’initiateur du sortilège.

Chez Aset, tout n’est pas qu’agression, il y a un grand soin apporté aux mélodies de guitare et de la diversité, avec la recherche d’atmosphère, amenée par d’excellents breaks. Par exemple sur « A New Man For A New Age », « Lord Of Illusions », « Astral Dominancy » (avec sa superbe fin, avant les parties de basse). Grâce à votre production sonore moderne, vous sentez-vous proches justement de formations françaises telles que Regarde Les Hommes Tomber et Déluge qui ont su attirer un nouveau public dans le post black metal ?
Si la production reste relativement moderne, il n’a pas été question de se baser sur l’évolution sonore de tel ou tel groupe. La référence au post-black metal qui privilégie assez clairement l’atmosphère au détriment du riff ne semble pas pertinente ici pour une description fidèle de notre entité.

Enfin, avez-vous des projets de tournage de vidéo clips ou lyrics vidéos pour l’une ou plusieurs nouvelles chansons afin de présenter sur internet ce premier et nouvel album ?
Un clip vidéo est sorti récemment sur les réseaux de notre maison de disque.

Allez-vous êtes distribués physiquement et digitalement en Europe, notamment en Scandinavie, mais aussi en Amérique du Nord où le black metal français est de plus en plus apprécié (Seth, Belenos, Svart Crown, Deathspell Omega, Blut Aus Nord, The Great Old Ones, Acod…) ?
La distribution et la promotion sont ouvertes à tous les territoires couverts par notre label Ladlo et ses partenaires. Nous ne sommes pas exclusifs à un seul pays.

Maintenant, quand peut-on espérer vous voir en concert s’il y a des projets dans ce sens, ou bien Aset est uniquement une entité de black metal studio condamnée à errer dans l’obscurité et le secret sans prestation live ?
Nous n’avons aucun projet de concert et il est difficile de l’envisager vu la nature même d’Aset qui ne reconnaît pas l’individualité des musiciens. La conscience de l’ego est essentiellement perçue comme un élément limitatif à une âme bien plus universelle telle que décrite par la philosophie transcendantaliste de Ralph Waldo Emerson.

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