Découvert en août 2022 en avant-première sur le double sampler du label Les Acteurs de l’Ombre, nous avions été interpellé par la qualité de composition mais aussi l’aura mystique et une sensation malsaine qui se dégageaient déjà de ce premier titre « A Light In Disguise » signé d’une obscure formation : Aset. S’il fallait attendre la sortie de l’album initialement prévue en novembre 2022, cela nous avait plus que mis l’eau à la bouche. Malheureusement, la sortie de leur premier effort longue durée fut repoussée, ses auteurs (issus des bien connus black metalleux français de Seth, et d’Oranssi Pazuzu, groupe de black psyché en provenance de Finlande, signé chez Nuclear Blast) préférant prendre leur temps pour peaufiner les choses et sortir le produit une fois seulement et totalement satisfait de l’œuvre, chose tout à fait respectable. Entre-temps, nous relancions sans relâche le label nantais pour avoir des nouvelles, en vain… L’attente fut longue finalement (un an !), mais cela en valait la chandelle car ce premier ouvrage studio d’Aset baptisé Astral Rape, confirme aujourd’hui tous nos espoirs, et récompense notre patience en 2023. Doté d’une très bonne production sonore moderne et claire, cette première chanson « A Light In Disguise » contient tous les ingrédients nécessaires pour vous faire vibrer, tel un bon film d’horreur (attention, on ne parle pas là d’un nanar de série B sur Netflix) : riffs de guitares en tremolo picking à vous glacer le sang, rythme intense mais c’est aéré car entrecoupés de breaks redoutables, screams totalement schizophrènes, refrains frénétiques, mélodies sinueuses à vous faire perdre la boussole, le tout dans cette ambiance mortifère illustrée par un vidéo clip en noir & blanc, quelque part entre Nosferatu (pour le côté rétro car ici nul question de vampirisme, bien que Seth ait déjà abordé ce thème par le passé à travers ses deux actes de « L’hymne au vampire » sur son premier méfait Les Blessures de l’Âme), L’Exorciste, Hereditary, et La Nonne 2…
Au total, sept chansons du même acabit, tels les sept péchés capitaux, vont alors hanter votre esprit, mais avec chacune son histoire, son ambiance, le tout convergeant vers un puits sans fond, un tunnel sans lumière, car aucune once d’espoir n’existe. Le second single « Abusive Metempsychosis » par exemple est tout aussi dérangeant. C’est même viscéral tant les musiciens nous transmettent leur noirceur. Des incantations résonnent parfois ici et là pour encore plus vous faire trembler (l’excellent avant-dernier titre « Force Majeure » presque shamanique). Le chemin semble cependant parfois tout tracé, avec de nombreux blasts mais toujours ces cris déchirants par endroit (« Astral Dominancy »). Au niveau des influences musicales, même si ses auteurs s’en défendent plus ou moins, force est de constater cette même patte, ce même savoir-faire emprunté à Seth (ce qui est un compliment) au niveau des constructions des morceaux. Il y a là un réel talent de composition et d’écriture reconnaissable rapidement. La grande différence est que le chant est interprété ici en anglais et non dans le phrasé de la langue de Molière. Cela ne nuit aucunement à l’atmosphère vraiment sombre et habitée de ce disque. On retrouve aussi ce côté psychédélique des Finnois d’Oranssi Pazuzu. Jusqu’ici, cela demeure finalement assez naturel. Peut-être aussi les albums les plus complexes et dark des regrettés Dark Fortress (les Allemands viennent de spliter) peuvent transparaître, comme sur la chanson « Lord Of Illusions » où l’on prend plaisir à entendre cette basse sur un riff sans fin dans sa dernière partie.
Une autre référence prédominante plane également sur ce black metal occulte et ésotérique, c’est celle des Suédois de Watain. Il y a ici cette même dévotion au malin, et puis ces mêmes mélodies typiques du black metal scandinave, en l’occurrence ici plutôt suédois, mais côté rythmique, difficile aussi de ne pas penser à Mayhem et à la vélocité de son batteur Hellhammer avec tous ces nombreux breaks (Manheim était beaucoup moins technique de son temps même si avec Order il est encore au top à présent). Vous l’aurez donc compris, de multiples et belles influences héritées du black metal scandinave sont également au rendez-vous. Mais résumer Astral Rape à cela serait une pure hérésie. Ce n’était que des repères pour que l’auditeur ne se perde pas dans ce labyrinthe musical et mental sombre et dangereux. En effet, Aset possède déjà son propre concept lyrique avec ce voyage astral interdit, ce « viol astral » littéralement parlant, au risque de s’y brûler les ailes. Ce mystérieux groupe crée ses ambiances, et il sait y faire. Pour cela, il puise dans les anciennes croyances occultes, comme la mythologie gréco-égyptienne (le nom d’Aset). Chaque titre est ainsi une invitation à vendre son âme au diable à chaque coin de rue mais d’autres esprits tout aussi malfaisants peuvent prendre forme. L’ensemble d’Astral Rape mettra donc continuellement l’auditeur à l’épreuve, quitte à le mettre mal à l’aise s’il plonge un peu trop longtemps dans les méandres ténébreuses de cet art blasphématoire que propose et maîtrise avec brio Aset. Attention donc à pas déjà perdre son âme à l’écoute de ce premier méfait qui serait alors un aller sans retour. [Seigneur Fred]
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