Le titanesque trio polonais (quatuor à la scène) Behemoth ne reste jamais bien longtemps inactif. Le revoici avec un terrible et nouvel opus foncièrement anti-chrétien, quatre ans après I Love You To The Darkest, sans compter l’album live In Absentia Dei sorti l’an dernier histoire de maintenir les fans en haleine au sortir de la pandémie. Ce douzième album studio intitulé Opvs Contra Natvra comprend dix titres pour une durée globale de quarante-trois minutes de furie, dont quatre sont en écoute gratuite sur les plateformes de streaming. Ceux qui souhaitent s’immerger dans l’univers sombre du monstre enragé peuvent déjà visionner les clips de ces quatre singles (« The Deathless Sun », « Ov My Herculean Exile », « Off to War », « Thy Becoming Eternal ») et constateront qu’ils sont toujours aussi sombres, dans le même esprit que les précédents… Pas vraiment de surprise visuelle donc en 2022 ? Bien-sûr que si ! N’oublions pas que Behemoth s’acharne à surprendre constamment son public et il n’a d’ailleurs pas l’intention de lâcher l’affaire de sitôt ! En effet, Nergal vient d’annoncer le tournage en 3D du clip « Once Upon a Pale Horse » où les musiciens évolueront dans un décor virtuel, un concept tout nouveau pour eux.
Cet album a été écrit et enregistré pendant la crise sanitaire, période d’inspiration pour nombre d’artistes enfermés dans leur home studio. Ces derniers en ont ainsi profité pour peaufiner leurs morceaux, étant donné qu’il n’y avait pas de deadline pour l’enregistrement. Cette liberté leur a permis de travailler plus longuement sur les titres et cela se ressent d’ailleurs au niveau de leur complexité. Le sujet délicat de la folle décision d’enfermement de la population a donné au groupe matière à réfléchir sur les tendances destructrices de la culture et des médias dans notre bas monde. Ici, plus encore que dans leurs précédents opus, le leader de la scène metal extrême polonaise se pose des questions existentielles et philosophiques dans un climat mondial tendu et instable. La rébellion reste leur thème constant, pas étonnant quand on sait qu’Opvs Contra Natvra se traduit littéralement par « Œuvre contre-nature » en latin.
Parmi les nouveaux titres toujours emplis de rage comme à l’accoutumée, on retrouve une recherche approfondie dans l’écriture des morceaux. Contrairement à leur mode opératoire, ils nous font part de chansons plus abouties et variées (« Off To War !»). On est très loin des débuts black approximatifs mais déjà prometteurs de Grom (1996/Solistitium Records). Alors qu’habituellement ils nous envoient violemment toute leur haine dans les oreilles en même temps, ici chacun des instruments trouve subtilement sa place dans la mélodie : les plans de batterie de l’incroyable Inferno sont plus recherchés, l’accent est mis sur les soli de guitare (mélodie) et la structure, et quelques atmosphères dans un format, certes court, mais savamment calibré (l’intro « Post-God Nirvana » où figure Einar Selvik (Wardruna)). Si certains pensaient que nos amis polonais allaient perdre de leur brutalité à l’écoute du précédent album et plus récemment avec l’expérience solo de Nergal avec Me And That Man, qu’ils se rassurent ! Ils pourront retrouver le son brutal et propre qui a fait le succès du groupe ces dernières années, à savoir un savant mélange de bestialité et d’ambiance atmosphérique, après le virage death metal post-Thelema.6.
Si pour le précédent opus, le mixage avait été confié à Matt Hyde (Slayer, As I Lay Dying, Kreator, Slipknot), cette fois-ci, Behemoth a décidé de faire appel à un autre Américain Joe Barresi (Melvins, Parkway Drive, Avenged Sevenfold, Isis…). Concernant le packaging, la horde infernale de Nergal et Orion ont pris le parti de sortir, parmi tant d’autres formats physiques, deux versions CD différentes : la version simple sur fond noir, et une version de luxe sur fond blanc, conçu par l’artiste/designer Bartek Rogalewicz, avec un disque doré accompagné d’un booklet de 36 pages. De quoi ravir les collectionneurs ! Si l’album vous a conquis et que vous n’avez pas eu la chance de les voir cet été lors du dernier festival Motocultor (cf. lire notre reportage), vous les retrouverez sur scène lors de leur tournée française avec les Suédois de Death Metal mélodique Arch Enemy. Ils seront de passage à Paris, Toulouse et Lyon en octobre 2022. Ce sera la « meilleure tournée métal extrême de l’année » dixit le frontman avec son humilité légendaire. Mais ils ne s’arrêteront pas là, nos quatre chevaliers de l’Apocalypse ont bien l’intention de refouler les scènes des festivals l’été prochain. Alors peut-être un retour au Hellfest en 2023 ? [ROCKINGIRL]
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