FESTIVAL MOTOCULTOR : Live report @St-Nolff (FR) du 18/08/2022 au 21/08/2022

Si certains festivals indépendants n’ont malheureusement pas pu avoir lieu cet été en France, il en est un qui a résisté, et ce, coûte que coûte, après les reports de 2020 et 2021 pour les raisons sanitaires que nous connaissons tous : le Motocultor. Quel bonheur de retrouver le site de Kerboulard et son ambiance conviviale !! Malgré l’absence de Heilung annoncé en tête d’affiche il y a trois ans, et une première journée du jeudi à thématique rock (et non plus folk) en demi-teinte, le second festival de metal en France a tout de même rassemblé près que 44 000 personnes sur 4 jours !! Un record de fréquentation mais qui sera probablement insuffisant pour revoir le festival l’an prochain sur le même site à cause d’un désaccord entre la commune de Saint-Nolff qui veut rester sur une programmation à 3 jours, et Yann Le Baraillec, directeur du Motoc’, qui lui table désormais sur 4 jours dans son business plan… En attendant l’édition 2023, quelque part en Bretagne assurément, et si tout ne fut, bien sûr, pas encore parfait cette année, nous avons eu droit à des prestations de qualité de la part d’artistes aussi divers et variés, plus motivés que jamais avec ce retour à la vie, offrant de bien belles surprises sur les désormais quatre scènes du fameux festival breton. [Live report : textes par Seigneur Fred, avec la collaboration de Norman Garcia – Photos : Norman Garcia, Seigneur Fred, et Corentin Charbonnier (Behemoth)]

JEUDI 18/08/2022

Pour des raisons d’agendas professionnels, nous ne pûmes assister à la première journée consacrée au rock. Celle-ci a vu les têtes d’affiche The Hives et The Libertines s’exprimer sur les grandes scènes du Motocultor avec une affluence moyenne en deçà des attentes (comme la journée folk en 2019 consacrée à la comédie musicale Excalibur et Alan Stivell), la majorité des préventes revenant au choix du pass 3 jours allant du vendredi au dimanche. Cela peut se comprendre et s’explique. Par des préférences musicales, mais aussi pour des raisons logistiques et budgétaires, car encore faut-il être disponible dès le jeudi pour y assister (sauf les locaux idéalement placés), et cela rallonge de manière non négligeable les dépenses en festival, surtout si l’on a en fait d’autres durant l’été comme le Hellfest pas très loin d’ici…


VENDREDI 19/08/2022

Tout d’abord, un grand mea culpa à tous les artistes suivants que nous manquâmes suite à une arrivée tardive au festival (eh oui, on a tous une vie aussi !) : les jeunes Toulousains qui montent d’Aephanemer (black/death symphonique à la Children of Bodom) ; Sorcières ; Maïeutiste (black/doom metal avant-gardiste) (lire notre interview dans notre n° 89 de sept. 2019) qui, d’après nos dires, a rencontré des problèmes techniques au début de son set ; Klone ; Sublime Cadaveric Decomposition ; Pogo Car Crash Control ; Seth (lire notre interview à propos de leur dernier opus) ; Pallbearer ; Krisiun ; la légende américaine Dark Angel avec le non moins légendaire batteur Gene Hoglan ; Skáld avec notre ami Pierrick Valence (ex-Scarve, ex-Phazm) dont le show fut apparemment excellent et envoûtant avec son folklore nordique à la Wardruna, Promis, nous irons nous confesser ! D’ailleurs, nous avons vite trouvé deux nonnes peu catholiques et fort sympathiques qui ont écouté notre mea culpa…

Mes bien chères sœurs

Alors que dix ans après leur premier passage au Motocultor, les Espagnols de Noctem répandent leur black metal satanique (pléonasme) sur la Supositor Stage à l’orée des bois de Kerboulard, nos amis de The Ocean délivrent un show dantesque sur la Massey Ferguscène, l’une des deux principales scènes. Devant un public connaisseur qui accueille en masse le collectif germano-suisse toujours mené par le grand guitariste Robin Staps (sur la gauche de la scène), son sympathique chanteur francophone, Loïc Rossetti, n’en revient pas devant la ferveur de l’audience bretonne. À la fin du set, il remerciera d’ailleurs chaudement les spectateurs qui, tout du long, répondirent présent au post metal puissant, progressif et épique, essentiellement centré sur les deux derniers opus studio parus en 2018 et 2020, Phanerozoic I et Phanerozoic II, dont on vous recommande la version live Phanerozoic sortie en 2020 (Metal Blade Rec.). Deux titres extraits de l’album Pelagial seront toutefois aussi interprétés. Énorme !! The Ocean n’est définitivement plus un simple croisement binaire de The DEP et Isis…

THE OCEAN

À présent, on change de scène (voisine) mais reste en Allemagne avec une seconde leçon de thrash metal ce vendredi. Après les vétérans américains de Dark Angel, place aux maîtres du thrash teuton, vétérans eux aussi : Kreator. Forts de leur nouvel album Hate Über Alles, pendant (seulement) 40 petites minutes, la bande à Mille Petrozza et notre frenchy Frédéric Leclercq à la basse (lire notre interview) vont enchaîner les bombes thrash. Le terrible « Violent Revolution » fait d’emblée headbanguer les premiers rangs. Ventor derrière ses fûts harangue le public un instant pour introduire un nouveau morceau. Cependant, on sent que le groupe d’Essen n’est pas totalement à fond, peut-être du fait de l’absence de pyrotechnie dans leur show, leurs longs serpentins qui restèrent coincés dans un câble en haut du chapiteau faisant office de pétard mouillé en quelque sorte… On a droit aux derniers hits de leur nouvel album taillés bien sûr pour le live : la chanson-titre, le provocateur « Killer of Jesus », et le très heavy et entraînant « Strongest of the Strong », ainsi que « Phantom Antichrist » et un vieux classique « Pleasure to Kill ». Le public est content, mais sincèrement, on aurait aimé en avoir plus car 40 mn de thrash, ça passe trop vite ! À revoir en tournée cet automne avec les excellents Gatecreeper et Thy Art Is Murder, puis Lamb of God (le 20/12/22 à l’Olympia !).


Pendant ce temps-là, la belle diva finlandaise Tarja fait son show sur la plus petite et nouvelle quatrième scène Bruce Dickinscène, avec ses musiciens. Si les lumières sont plus sobres et les guitares moins heavy que sur album, les fans sont comblés et son metal symphonique ravit l’audience française, sans souffrir trop de la concurrence de Kreator qui joue en parallèle, et de toute façon dans un autre genre metal. C’est là toute la richesse du metal et d’un festival comme le Motocultor.

TARJA

La nuit est tombée sur St Nolff, et place aux Norvégiens de Leprous qui vont littéralement faire danser la foule et se révéler la sensation rock/metal progressif de ce vendredi. Grâce à un set de grande classe, un son impeccable et des lumières parfaites penchant sur le violet, et ses musiciens délivrent un concert de haut vol, essentiellement centré sur les deux derniers albums dont le chef d’œuvre de l’année 2021, l’indispensable Aphelion (InsideOut Music). Étonnamment, le chanteur Einar Solberg en pleine possession de son organe (vocale) sur scène, dira que c’est la première fois qu’ils jouent ici ?! Mouais, disons que c’est à moitié vrai car ses excellents zicos ont pour la plupart accompagnés par deux fois Ihsahn d’Emperor ici-même au Motocultor par le passé. En tout cas, le public est ravi et nous aussi.


Deux salles, ou plutôt deux scènes, et deux ambiances… Dans un tout autre genre là encore, on file se secouer l’échine et en prendre plein les oreilles avec la boucherie sonore de Devourment sur la Supositor Stage, toujours située en contre-bas comme chaque année dans les bois. Les Texans vont littéralement atomiser nos tympans avec une basse vrombissante et une batterie qui tabasse, une guitare au moins 8 cordes, le tout agrémenté du chant caverneux à souhait de Ruben Rosas aux cheveux courts désormais. Leur brutal slam death metal relativement basique, certes, mais ô combien efficace et brutal qui fait déjà mal sur disque, nous met en live un suppositoire, non pas où vous pensez, mais en pleine tête. Aie, nos oreilles ! Après les frères Kolesne de Krisiun que nous manquâmes plus tôt dans l’après-midi, nous voilà comblés.

DEVOURMENT
POWERWOLF


Après l’appel du metal de la mort, c’est maintenant l’heure de l’appel du loup (ah ouh !!!) avec Powerwolf et son power metal fédérateur grand public. Leur dernier opus, Call of the Wild, fait un tabac sur scène. Devant une Dave Mustage pleine à craquer, les Autrichiens vont donner un superbe show (car c’est bien le mot) avec décors gothic, des musiciens dynamiques (un clavieriste ou plutôt organiste très en forme), et un chanteur charismatique en la personne d’Attila Dorn, qui parle très bien français. La chanson française « La Bête du Gévaudan » sera notamment interprété en français, et les fans en redemandent.  Dans le même temps, le folklore moderne de Plantec, fait de flûtes et boîte à rythmes, cognent aussi. Les gens dansent, c’est très rythmé, et il y a du monde sur scène. Dommage qu’il n’y ait cependant aucun percussionniste sur scène…


Les fidèles Celeste, toujours équipés de leur lumière frontale rouge Decathlon, reviennent à St-Nolff avec un nouvel album baptisé Assassine(s) (Nuclear Blast), quatre ans après leur passage en 2018. Show assez similaire des Lyonnais dans le concept, mais les influences black se font davantage présentes peut-être notamment vocalement dans leur sludge/hardcore lourd et oppressant. Encore une formation française qui prend du galon notamment à l’étranger. Superbe.

CELESTE

Sur la Supositor Stage, après l’échauffement plus que brutal donné par Devourment précédemment, nous assistons à une pure leçon de death metal US grâce au culte Suffocation. Quelle claque là encore ! Eux qui sont aussi habitués au Motocultor, ils ne font jamais semblants sur scène. Entre le bassiste Derek Boyer qui headbangue sur sa basse qu’il tient par moment comme un violoncelle (ou une contrebasse) posée sur la pointe d’une extrémité de son instrument comme s’il labourait le sol, et le doyen Terrance Hobbs, discret mais en pleine forme sur le côté gauche, s’impose sans problème Ricky Myers, l’ex-nouveau chanteur arrivé en 2019, plus qu’impressionnant tant vocalement que physiquement. Ses growls font tout simplement trembler les fans bien agités. Tout fan de death metal US se doit de voir au moins une fois Suffo live une fois dans sa vie. Bon, maintenant on aimerait bien avoir un successeur à …Of The Dark Light sorti en 2017 (Relapse Rec.)…

SUFFOCATION


Enfin, pour clôturer cette première journée metal, même si nous regardions étant petit la série Flipper le Dauphin à la TV, nous nous rendons au dernier concert la soirée avec Týr sur la Bruce Dickinscène. Si la prestation est de qualité avec un bon son électrique, nous nous attendions à quelque chose de plus folklorique (hormis la jolie petite balade traditionnelle entamée a capella) et black metal, mais pas du tout. Le groupe des îles Féroé tend à se rapprocher un peu d’Einherjer ou Enslaved sur ses titres les plus heavy/black accessibles, mais il manque un petit quelque chose pour véritablement accrocher, bien que leurs albums soient bons en général comme le petit dernier Hel (Metal Blade Rec.). Passée la polémique sur le chanteur Heri Joensen, adepte de la chasse aux dauphins à ses heures perdues selon la tradition (au début du concert, de la terre lui sera lancée par des festivaliers rapidement congédiés manu militari), nous allons rejoindre les bras de Morphée plutôt que ceux de Njörd car demain est un autre jour…

TÝR


SAMEDI 20/08/2022

BIERE-MAN encore blacklisté cette année au bar VIP

Si nous manquâmes l’excellent combo français Hypno5e (encore un mea culpa), c’est avec précipitation mais néanmoins détente que nous assistons au show des Bretons de Tranzat avec qui nous avons fait connaissance dernièrement (cf. MO#101 interview p. 31). Évoluant dans un rock/metal à la Mr Bungle (ils ne s’en cachent d’ailleurs pas), nos cinq musiciens habillés en tenue claire (pantalon blanc/polo rose clair) attirent l’attention des spectateurs déjà nombreux en cette troisième journée de festivités. Justement, c’est festif, ça bouge bien, et c’est très carré. Une belle surprise qui demande à être revue en concert en salle pour encore mieux apprécier le style assez décalé et frais des Brestois avec leur dernier opus Ouh La La (Klonosphère). Pendant ce temps-là, sur la, Ten56. tabasse déjà avec sa fusion deathcore menée par l’ex-chanteur de Betraying The Martyrs, Aaron Matts. Ils reviendront d’ailleurs le dimanche en remplacement des Ukrainiens de 1914, absents à cause d’un problème de transport. Mais l’autre claque pleine de fraîcheur de ce samedi après-midi, après celle musicale de Tranzat un peu plus tôt, fut sans conteste les Princesses Leya qui ont été très bien accueilli(e)s tel Ultra Vomit au Motocultor lors des éditions précédentes. Mélangeant théâtre comique (et non d’impro comme on pourrait le croire sur scène), joutes musicales et blagues sexistes sous fond de chansons stéréotypant le metal, les quatre Parisiens ont mis l’ambiance dans le pit sur la nouvelle Bruce Dickinscène avec même un bain de foule du chanteur alors que dans le même temps, les Français de Gohrgone jouent sur la grande Dave Mustage, devant un pit poussiéreux sur lequel ils lanceront un ultime wall of death…

GOHRGONE


Auteur d’un premier album autoproduit, Princesses Leya devraient bientôt sortir un second LP chez At(h)ome (Tagada Jones, Headcharger, Lofofora, ex-Mass Hysteria…). Nous les recroiserons d’ailleurs plus tard sur le site de Kerboulard, et il y a de fortes chances pour que vous entendiez de nouveau parler d’eux, ou elles…


Puis le trio français Nature Morte va quelque peu assombrir l’ambiance festive pour nous mener dans son univers lourd et dépressif, entre sludge, black metal, voire shoegaze. Très bon. Jetez une oreille à leur Messe Basse (Source Atone Rec.). Dans un genre plus brutal, Viscera, composé d’anciens membres de Heart of a Coward, Abhorrent Decimation, Nervecell (live) et Surfaces, délivre un set de deathcore musclé qui fait plaisir à entendre car encore peu entendu jusqu’alors ce weekend. Relativement technique mais bien construit, Viscera ravira les amateurs du genre, mais pas que, grâce à des compositions habilement construites. Son premier album Obsidian (Unique Leader Rec.) paru en 2020 nous avait déjà plus à l’époque. On avait entendu parler de Schammasch (le nom fait référence au dieu du soleil dans la mythologie babylonienne) mais jamais vus. Maintenant, c’est chose faite. Cette obscure formation de black metal nous a littéralement conquises sur scène musicalement, et non pas que par ses apparats qui deviennent, certes, très tendances dans le black metal, avec ses longues robes noires et jouant sous des capuches (on pense bien sûr à Batushka que l’on verra le soir-même ou la tête d’affiche Behemoth), accompagnés de magnifiques dorures, le tout masqués, bien évidemment, mais leur prestation ne se limitant heureusement pas à ce bel accoutrement. Signés sur le label américain Prosthetic Rec., nos cinq Suisses donnent un set de qualité, bien plus convaincant qu’Imperial Triumphant le lendemain par exemple, devant un public attentif qui découvre cette formation de black metal avant-gardiste ! Incantatoire…

SCHAMMASCH


Sur la Massey Ferguscène, nous retrouvons ensuite 20 Seconds Falling Man qui n’en est pas à son premier essai. Découverts au Hellfest 2010 et reprogrammés cette année à Clisson, les voici cette fois au Motocultor avec son excellent post hardcore/metal, lancinant, sombre, moins chaotique que par le passé, mais relativement énergique, comme en témoigne leur (enfin) premier album autoproduit Void. (notre interview à retrouver ici). Simultanément sur la Supositor Stage, difficile de ne pas manquer les Flamands de Wiegedood avec leur post black metal direct et cru mené par l’ancien bassiste d’Amenra. D’ailleurs ici point de basse, le trio belge étant composé uniquement d’une batterie et deux guitaristes qui vont envoyer méchamment la sauce. Malgré quelques passages au son clair, le set s’avère violent, et l’absence de lumières sur scène en plein soleil n’y fait rien. La batterie pilonne tt du long sur des accords puissants et répétitifs. Sur le côté de la scène, Julien Truchand (Benighted) assiste au spectacle tout en s’abreuvant avant se succéder à ces derniers un peu plus tard. Ecoutez leur dernier There’s Always Blood at the End of the Road (Century Media), vous ne serez pas déçu.


Si le titre du dernier album de Gronibard n’a pas trop plu aux Nantais de Regarde Les Hommes Tomber, c’est en habitués et maîtres des lieux que nos cinq encapuchonnés montent sur la Massey Ferguscène. Leur post black metal fait désormais l’unanimité, leur dernier opus Ascension (Season of Mist) ayant mis tout le monde d’accord, prouvant une nouvelle fois qu’en France on a d’incroyables talents dans le metal sombre et extrême. Super concert, mais pas de surprise pour les fans. Autre excellente formation française, dans un registre death/grind celui-ci mais avec parfois quelques influences black notamment à ses tout débuts, Benighted, originaire de St Etienne rappelons-le. C’est parti pour un match, non pas de foot, mais de death/grind donc, dans le pit où la sécurité ne vas pas chômer durant 50 mn. Pieds nus comme d’hab’, notre ami chanteur Julien (et infirmier psy dans le civil) n’en revient pas alors qu’il connaît bien pourtant le festival et son public. Les slammeurs s’en donnent à cœur joie sur les titres brutaux de Obscene Repressed (Season of Mist), et les agents de sécu ont le sourire car tout cela se fait dans un esprit bon enfant, même si leur musique est toujours aussi violente. L’unique guitariste Emmanuel Dalle fait un sacré boulot sur sa magnifique guitare LTD de forme Strato, entre les riffs et soli, alors que le second guitariste Fabien, alias « Fake », est absent, ne pouvant assurer les concerts actuels pour des questions d’agendas et de tournées trop intensives actuellement en Europe. Dans tous les cas, y’a toujours du sport dans le pit avec Benighted !!


Place maintenant à Tesseract et son metal progressif de grande classe. Les Britanniques sont vraiment passés maîtres dans leur genre. C’est là que l’on regrette le Brexit (et eux aussi, avec la complexité administrative maintenant pour voyager). Les Anglais et leur djent/metal progressif léché démontrent l’étendue de leur talent, emmené par un Daniel Thomkins olympique. Le groupe enchaîne les titres avec un rare professionnalisme et met tout le monde d’accord quant à une supposée baisse de régime depuis l’EP Errai (2016). Tesseract fait définitivement partie du gratin du metal moderne. Alors que le gang américain H09909 détonne sur la sur Bruce Dickinscène avec son punk/hip-/hop rappelant quelque peu la démarche du phénomène brésilien Black Project Pantera et son crossover.


Puis Piotr Paweł Wiwczarek et son Vader font l’unanimité devant la Supositor Stage avec son death/thrash metal terriblement efficace et rodé avec les extraits de sa dernière bombe Solitude In Madness (Nuclear Blast). Si l’on n’est pas toujours d’accord avec les positions politiques de son leader grisonnant toujours passionné et prêt à en découdre, il faut bien reconnaître que le groupe de death polonais, même vieillissant, reste une vraie machine de guerre en live.

VADER


Mais n’oublions pas le rock progressif des Irlandais de God Is An Astronaut qui offre toujours un voyage musical aux festivaliers. Epitaph est son dernier opus en date. Mais si vous voulez (re) vivre leurs débuts en live, jetez-vous sur The End of the Beginning paru en version live pour le vingtième anniversaire cet été (Napalm Rec.).

GOD IS AN ASTRONAUT


Et c’est la transition parfaite pour Neige et Winterhalter avec leur principal groupe Alcest qui entament un set de pur blackgaze, mélange de rock éthéré, dit « shoegaze » et de black metal atmosphérique, avec quelques screams mais surtout paroles murmurées et mélodies aériennes. Si le show est très classique et fait la part belle à Natural Instinct (Nuclear Blast) pour lequel on s’était entretenu, ce n’est pas l’idéal ici en condition de festival même si les fans sont au rendez-vous. Alcest demeure l’un des grands groupes français qui s’exporte bien notamment au pays du Soleil-Levant. Malheureusement nous sommes un peu loin pour assister au show à l’ambiance zen et mélancolique…

ALCEST (de loin ;-))


À présent, place au metal teuton, bien gras, martial, avec tout d’abord Eisbrecher, sorte d’ersatz de Rammstein tout à fait respectable et respecté dans le milieu, qui va littéralement réveiller les festivaliers avec son metal indus dans la langue de Goethe sous l’énorme chapiteau de la Massey Ferguscène plein comme un œuf. Ses voisins autrichiens de Belphegor, vont également endiabler, et ce, une fois n’est pas coutume, l’audience du Motocultor sur la Supositor Stage mais différemment. Son leader Helmuth, maquillé et cheveux gominés, peaufine toujours un peu plus ses shows avec le temps. Leur death/black metal est terrible. Et on est loin des concerts en pilotage automatique dénué de lights et d’ambiance comme parfois dans le passé il y a une dizaine d’années. Ça sent le bouc, les crucifix sont renversés, l’ambiance à l’orée du bois de Kerboulard est simplement magique et démoniaque ce soir. Au passage, nous découvrons leur dernier méfait, The Devils (Nuclear Blast).

BELPHEGOR


Dans la vie, il faut parfois faire des choix. Eh bien, ce samedi soir, nous avons décidé de ne pas choisir entre le New York hardcore old school de Sick Of It All que nous connaissons bien, et le post metal des Suédois de Cult of Luna, plus rares dans notre contrée. Malgré l’absence du guitariste Peter Koller (en convalescence suite opération), le chanteur Lou Koller assure un set impeccable avec sa bande même si l’on regrette le jeu de jambes scénique de son frangin. Remplacé au pied levé, c’est Craig Silverman, moins charismatique forcément, qui fait le job à la gratte en strummant comme un malade sur ses 6 cordes. Les coreux s’en donnent à cœur joie même si, à minuit, ces derniers semblent fatigués dans le pit à cette heure avancée de la soirée, car on a connu davantage de pogos et slams au festival. On passe dans tous les cas un bon moment avec ces Yankees. On aimerait bien à présent un successeur à Wake The Sleeping Dragon !(Century Media) paru en 2018. Côté suédois sur la Dave Mustage, on se croirait dans le film Gorilles dans la Brume… La faute à un dosage excessif de fumigènes, qui, certes, contribuent à créer visuellement l’atmosphère lourde et atmosphérique qui sied à merveille avec le sludge/post metal de Cult Of Luna, mais à force, on y voit rien. Le son est énorme, massif, et c’est un excellent show que donnent les Suédois ce soir mais sans réelle surprise. Rappelons que leur dernier opus The Long Road North est sorti en début d’année (Metal Blade Rec.).

SICK OF IT ALL
CULT OF LUNA
CULT OF LUNA


Là encore à présent pour sa fièvre du samedi soir au Motocultor, difficile de choisir entre Perturbator et Batushka (de Krzysztof Drabikowski car le groupe a splitté et connaît un conflit juridique sur le nom). Deux scènes, deux ambiances. Pour les adeptes d’électro et synthwave, il fallait aller sous la Massey Ferguscène pour voir James Kent s’agiter derrière ses claviers et/ou sa guitare. L’artiste parisien influencé tant par Carpenter Brut que Vangelis, va faire danser le public, tandis que face à la Supositor Stage, dans un cadre propice à une messe orthodoxe renversée, les Polonais de Batushka nous invitent à leur cérémonie occulte, tout en douceur. Après un rituel d’encens, bougies, etc. autour d’un cercueil les musiciens et choristes prennent place face à un public attentif et circonspect. Si les choses sont longues à commencer et très protocolaire, il faut se laisser bercer par le black metal mystérieux mais finalement relativement accessible. Côté show, les musiciens ne bougeant pas, on finit par s’ennuyer, voire s’endormir un peu, à force, malgré un set de qualité mais finalement pas si transcendantal.

Les têtes d’affiche de la soirée sont, enfin, Apocalyptica et son metal grand public interprété aux violoncelles, et Les Ramoneurs de Menhirs, fidèles vétérans du punk français et habitués au Motocultor. Nous quittons la bande de l’ex-Bérurier Noir Loran alors que la soirée se termine à merveille et la température redescend à St-Nolff.
Sweet dreams…


DIMANCHE 21/08/2022

Malgré la sécheresse générale cette année, quelques gouttes viennent mouiller le sol breton en fin de matinée. Et c’est le vieux groupe français de heavy/power metal Nightmare (fondé en 1979 tout de même suivi d’un split entre 1988 et 1999) qui ouvre le bal ce dimanche vers 12h00 sur la Dave Mustage. Les Grenoblois nous présentent sa nouvelle et très convaincante chanteuse, Marianne Dien alias « Madie », arrivée en 2019, figurant sur leur très bon dernier album Aeternam (AFM Rec.). Salutation au passage à notre confrère Yves Campion à la basse, directeur du magazine Metallian. 😉 Les Belges de Stake, quant à eux, donnent un show tout aussi musclé dans un genre post metal/sludge énervé, avec son frontman vêtu d’une salopette orange. Que ce soit en club ou en festival, Stake fait toujours mouche. Nous n’avions pu les voir au festival The Outbreak à Blois plus tôt dans l’année du fait de l’annulation de la soirée avec Lofofora (pour cause de covid), ce fut donc une belle séance de rattrapage. Puis les Bordelais d’Exocrine vont mettre une première claque sur la Supositor Stage avec leur brutal techno death metal (techno, pas dans le sens « boum boum », hein, mais technique comme à l’ancienne à la Cynic, Atheist, etc. mais en bien plus brutal). Dignes cousins de Gorod et signés chez Unique Leader Records, nous vous recommandons chaudement leur dernier opus The Hybrid Suns pour lequel nous nous étions entretenus (interview à lire ici).

DRUIDS OF THE GUE CHARETTE


Si le rock stoner pourrait renvoyer plutôt à la rigolade sur la Bruce Dickinscène avec Druids of The Gué Charrette, rien qu’à leur nom et leur accoutrement, entre deux concerts death metal, il n’en est rien, mais le show peine un peu à décoller. Il faut dire que la concurrence est rude avec la nouvelle sensation américaine new metal de Vended. Cela ne vous dit peut-être rien et pourtant… Originaires de Des Moines (Iowa), ces cinq jeunes sont prêts à en découdre et reçoivent une belle ovation sur la scène principale. Dans le line-up, rappelons que l’on retrouve du beau monde : aux growls, Griffin Taylor, le fils de Corey Taylor (chanteur de Slipknot pour les ignorants) ; et Simon Crahan, le fils du clown percussionniste Shawn Crahan, à la batterie. Ce dernier affirme d’ailleurs dans la presse être nettement meilleur que son paternel. Bon, c’est bien beau sur le papier d’être « les fils de… », mais musicalement et techniquement ça donne quoi ? Eh bien du Slipknot à Papa, sans chant clair. Ça défouraille et assure plutôt, à défaut d’originalité, nos petits yankees étant déjà bien à l’aise sur cette fin de tournée européenne. Ils joueront leur tout nouveau single « Ded to Me » en plus des extraits de leur premier enregistrement, l’EP What Is It/Kill It (autoprod.). À suivre de près donc…

VENDED
VENDED


Les Ukrainiens de 1914 ayant annulé leur venue (à cause d’un problème de transport, décidément, après l’annulation de leur tournée européenne au côté de Konvent, notamment en France, en avril dernier à cause de la guerre…), nous nous concentrons donc, et nous nous sommes visiblement pas les seuls, sur la Massey Ferguscène où Rivers of Nihil prend place, là encore, pour achever sa tournée européenne avant de retourner dans leur Pennsylvanie natale. Si leur death metal se veut technique et progressif, leur dernier opus The Work (Metal Blade Rec.) passe plutôt bien devant un public attentif. On distingue par moment du saxo mais point de saxophoniste, seulement des samples. Dommage, cette touche instrumentale aurait pu être sympa mais pas toujours évident à reproduire en tournée. Un set carré et appliqué, pointu même, plaisant et puissant. Le chanteur, tout en aube noire tel Nick Holmes en prêtre dans Bloodbath, remerciera ses fidèles.

soundcheck RIVERS OF NIHIL


Ten56. rejouera ce dimanche mais nous privilégions le rock stoner énergique des Ricains de Valley Of The Sun sur la petite Bruce Dickinscène. Ce sont les dignes héritiers des défunts Karma to Burn mais en moins provocateurs et plus sobres. On passe un sacré bon moment fumant…

VALLEY OF THE SUN


Nous étions curieux de voir Imperial Triumphant… À vrai dire, nous avons été déçus de la prestation des Américains, sans relief, ne représentant pas bien leur black metal assez avant-gardiste plus appréciable sur disque, comme sur leur dernier paru (Century Media). La faute peut-être à un manque de charisme et des growls difficiles audibles car jouer derrière des masques (gênant presque le chant du grand guitariste sur la gauche de la Supositor Stage). C’est assez technique et original, on sent que le trio provient d’une formation de jazz ou quelque chose comme ça, mais en plein jour en festival, ça passe difficilement. Dommage, on est loin du triomphe en live…

IMPERIAL TRIUMPHANT


Mais la sensation et autre temps fort ce weekend à Kerboulard fut sans aucun doute les Indiens de Bloodywood, sorte de Soulfy ou Ill Niño aux racines folk orientales. Certains verront en eux un énième groupe grâce auquel le nü-metal revit, d’autre une caricature des précurseurs du genre (Linkin Park, Korn, Limp Bizkit, Skindred…). En tous cas les Indiens envoient du lourd et mettent le feu. Le retour du public est formidable, l’accueil chaleureux et énergique. Les slams en cascade s’enchaînant pendant que le groupe déroule son set. Une des bonnes et rafraichissantes surprises du festival. Le nü metal a encore de beaux jours devant lui… Pour la petite histoire, les membres de Bloodywood se verront également recevoir une standing-ovation par les journalistes présents au village des artistes juste avant la conférence de presse du patron du festival Yann Le Baraillec qui nous annoncera alors avoir atteint un record de fréquentation mais avec un avenir un certain sur le lieu de la prochaine édition à cause d’un désaccord avec St-Nolff sur la durée de l’évènement…

Le bassiste Jason Mirza (HEATHEN)


L’appel du thrash se fait sentir en nous, et c’est plus fort que nous que nous allons d’abord voir les vétérans de la Bay Area, souvent oubliés, que sont Heathen. Les morceaux des deux derniers albums espacés de onze ans, Evolution of the Chaos (Mascott Rec.) et Empire of The Blind (Nuclear Blast) passent très bien, taillés pour la grande scène de la Dave Mustage. Si la voix aigüe de David White fait des merveilles au micro, déroulant son show, il ne trouve pas forcément réponse dans le public qui accroche moyen à leur thrash old school pourtant diablement efficace, la faute à la fatigue de fin de festival, probablement… Aux guitares, nous sommes un brin déçus de ne pas voir live le célèbre guitariste Lee Altus (se préparant pour Exodus ensuite), remplacé ici par Kyle Edissi d’Invicta sur Flying V Randy Rhoads blanche. C’est l’occasion aussi pour nous de découvrir le nouveau bassiste Jason que nous recroiserons d’ailleurs plus tard sur le site du festoche, très sympathique et disponible. Devant, l’audience proche faite de vieux thrasheurs comme nous est conquise, mais on sent que la majorité du public, plus ou moins fatiguée donc, se réserve certainement pour les autres ténors du genre à venir que sont Exodus et Testament…

HEATHEN


A l’instar de Leprous ou Cult of Luna, une prestation scénique de Hangman’s Chair prend tout son sens en salle plutôt qu’en outdoor (jeux de scène et de lumières, ambiance froide et feutrée…). Ceci dit, les Parisiens semblent ravis de jouer, en parallèle de Heathen, sur la Bruce Dickinscène. Nos amis de Hangman’s Chair proposent un set maintenant rodé et carré, en plus d’être efficace (cf. notre précédent live report au Big Band Café de Caen). Si l’on ressent les influences enivrantes de Type O Negative et Paradise Lost, ce quatuor de « cold doom wave metal » comme ils aiment se définir, est définitivement une valeur sûre de la scène française.

HANGMAN’S CHAIR
HANGMAN’S CHAIR


Lorna Shore ayant été annulé (pour raisons de transport), LE concert à ne pas manquer ce dimanche après-midi était bien évidemment celui des New-Yorkais de Life Of Agony. Nous assistons en plus à la balance sonore assurée par les musiciens eux-mêmes, étonnant à ce niveau-là de notoriété depuis trente-trois ans d’existence.

Soundcheck LIFE OF AGONY (vidéo)

Le quatuor américain, toujours mené par le chanteur, pardon la chanteuse Nina Caputo (autrefois Keith Caputo) offre une setlist identique à celles des festivals Hellfest ou Alcatraz de cet été, axée majoritairement sur leur premier album culte de Life Of Agony Rivers Runs Red (1993/Roadrunner Rec.). Celle-ci est efficace, s’ouvrant par l’intro au piano de « Little Spots of You » de l’album A Place Where There’s No More Pain (2017/Napalm Rec.) suivie comme à l’accoutumée par l’énorme et heavy, ou plutôt hardcore, « Plexiglass Gate » (tiré de la compilation de raretés 1989-1999 (Roadrunner Rec.)) lancé par Alan Robert (basse) et Joey Z. (guitare/chant). Mais il faut attendre la moitié du set pour que les choses s’excitent un peu dans le pit, quand la frontwoman Mina prend le drapeau français d’un die hard fan français dans les premiers rangs. Beaucoup de spectateurs ne connaissent en effet visiblement pas ce phénomène des années 90, ni Rivers Run Red de la pourtant célèbre formation américaine mêlant hardcore mélodique et rock alternatif. À la batterie, Sal Abruscato (ex-Type O Negative et actuel A Pale Horse Named Death) ayant quitté Life O en 2017 après la reformation de 2014, c’est Veronica Bellino qui assure derrière les fûts, égalant sans problème son célèbre prédécesseur. De passage au Motocultor, certains viennent plus par curiosité voir la bête de foire, étant surpris par la voix et l’allure de Mina Caputo qui prônera avant la fin du show qui monte en ambiance, la tolérance et l’ouverture aux autres, le respect. Ces mots ne sont pas vains en cette période de guerre aux portes de l’Europe…

LIFE OF AGONY


Puis c’est Bury Tomorrow qui met tout le monde d’accord sur la Main Stage avec son metalcore, les Britanniques excellant dans le genre. Mais nous allons découvrir dans le même temps une petite perle de rock stoner souvent mise en avant par Josh Homme (ex-Kyuss, Queens Of The Stone Age) : le trio suédois de Truck Fighters. Existant depuis une vingtaine d’années du côté d’Örebro, nous ne serons point déçus, leur stoner s’avérant tout bonnement délicieux sur la Bruce Dickinscène. Amis de la fuzz, bonsoir !

BURY TOMORROW
TRUCK FIGHTERS


Combichrist, connu par les fans de Marilyn Manson, donne dans le metal indus nihiliste et provocateur. Ça bastonne et se veut plus méchant qu’Eisbrecher par exemple la veille. Pour les true vegan et/ou fans de death metal/grindcore, il ne fallait cependant pas louper Cattle Decapitation venu il y a déjà quelques années au Motocultor mais sur l’autre site de Theix (56). Là c’est la boucherie mais végétarienne ! Côté pit, c’est l’heure de point ! Les slams sont légions et les agents de sécu répondent présents face à cette avalanche de slams en continu, et ce, toujours avec le sourire, malgré quatre jours à la tâche devant la Supositor Stage. Le groupe californien ne fait pas semblant, à l’image de son chanteur Travis Ryan, au timbre vocal si particulier et versatile oscillant entre screams nasillards à la Black Bomb A et les growls. Si vous ne connaissez pas, jetez-vous sur leurs albums Humanure (avec sa formidable pochette), Monolith of Inhumanity, ou leur dernière bombe Death Atlas (Metal Blade Rec.).

CATTLE DECAPITATION


Avant d’aller voir deux des titans du thrash metal US, nous allons saluer nos amis finnois de Swallow The Sun, auteurs encore d’un chef d’œuvre titanesque en 2021 avec Moonflowers (Century Media). Mais comme bien souvent en festival, ils jouent en plein jour ce qui ne sied pas trop à l’ambiance mélancolique de leur doom/death metal funéraire… Les lumières sont discrètes, le jeu de scène limité (à une époque, les musiciens étaient un chouia plus dynamiques), Mikko Kotamäki au micro fait le boulot, mais sans plus, sans âme, alors que le guitariste et principal compositeur Juha Raivio, qui n’a point grossi durant les divers confinements entre 2020-2022, vit davantage les choses derrière sa maigreur dépressive. À écouter et voir plutôt en salle, en intérieur, pour mieux apprécier et partager pleinement le spleen de ce fantastique groupe finlandais.

SWALLOW THE SUN
SWALLOW THE SUN


Nous allons à présent enchaîner deux prestations titanesques de deux vétérans de la Bay Area, après celle moins impressionnante, il faut bien l’avouer, d’Heathen plus tôt ce dimanche : tout d’abord Exodus, avec un Gary Holt (ex-Slayer) à la guitare au côté de Lee Altus, et un Steve « Zetro » Souza » en pleine forme. Si certains préfèrent le regretté Paul Baloff (R.I.P.) bien sûr, ou plus récemment, Rob Dukes (Generation Kill), le show est tout bonnement superbe : lumière, dynamisme, set-list, avec une mise en avant, forcément, pour le petit dernier Persona Non Grata (Nuclear Blast) paru en 2021. En tout cas, ils sont toujours les bienvenus ici au Motocultor !

EXODUS


Seconde leçon de thrash metal en provenance tout droit d’Oakland : Testament. Achevant eux aussi leur tournée européenne avant un retour au Pays de l’Oncle Sam, le légendaire groupe américain va également donner un show splendide, avec un Chuck Billy égal à lui-même (on l’a connu plus avenant), et surtout un Alex Skolnick sur la gauche de la Dave Mustage, souvent mis en avant sur un piédestal, avec ses guitares Les Paul LTP Eclipse. Et c’est bien normal, tant ce guitariste est doué et sympathique ! Interprétant à la fois les classiques comme « Practice What you preach », « First Strike Is Deadly », « Over the wall », « Into The Pit », ou le plus rare « D.N.R. » (The Gathering), ainsi que quelques extraits de Titans of Creation (Nuclear Blast). Chuck Billy introduira au passage la présence de l’unique Dave Lombardo (ex-Slayer, ex-Grip Inc.) à la batterie, lui qui figurait sur cet album fantastique The Gathering, ce qui fait deux ex-musiciens de Slayer au total ce jour au Motocultor, exceptionnel ! Enfin, à la fin du show, le frontman annoncera aux fans un retour à la composition sur un prochain album studio à venir bientôt.

TESTAMENT

On change totalement d’ambiance avec Electric Callboy et son « disco metal ». Le sextet teuton enflamme la Massey Ferguscène dès son morceau d’ouverture, avec le dansant et hit « Pump it ». Le groupe s’amuse clairement, ce qui ne l’empêche pas de produire un set à la fois énergique et sérieux. Le public aussi s’éclate, avec des slams à tout va. Leur attendu et nouvel album Tekkno doit paraît le 9 septembre 2022 (Century Media). À retrouver dans notre magazine hors-série METAL OBS de rentrée.


Maintenant, après avoir vu diverses formations black metal ce weekend, place aux champions suédois de Dark Funeral pour un concert puissant et impeccable de précision, dans une ambiance nocturne idéale, à l’orée des bois de la Supositor Stage. À l’antithèse de Bathushka, là on assiste à une démonstration de black metal pur et dur à la suédoise. Comme Marduk ici-même mais sans la pluie en 2019, c’est direct et sans fioriture, et totalement démoniaque, grâce notamment à son formidable nouveau chanteur Heljarmadr, relativement décrié par les fans à son arrivée, mais qui finalement convainc véritablement tant sur album (il a davantage participé à l’écriture et composition du dernier sorti en 2022, We Are The Apocalypse (Century Media) (lire notre entretien ici), que sur scène. Depuis le premier titre « Unchain My Soul » extrait de leur précédent album au final « Where Shadows Forever Reign » en passant par le terrible « Leviathan » ou le single plus lourd et dark « Let The Devil In », le chanteur suédois prouve admirablement qu’il a sa place ce soir au côté du leader et toujours plus discret Lord Ahriman, le guitariste situé à droite. La setlist est idéale, entre les dernières compositions et les classiques (« The Secrets of The Black Arts », « The Arrival Of Satan’s Empire ») de Dark Funeral. Superbe show, tout simplement parfait, la horde démoniaque de fans est comblée alors que la nuit tombe désormais sur Kerboulard…


Nos voisins préférés d’outre-Manche, Orange Goblin, reviennent une énième fois au festival Motocultor, mais cette fois sur la « petite » scène Bruce Dickinscène. Son sympathique chanteur Ben Ward est bien connu dans le milieu (il travaille avec David Gilmour, et a lancé l’agence Route One Booking en 2020), est égal à lui-même et mouille le maillot quand il s’agit de stoner metal. S’ils sont désormais basés à Londres, on pense forcément à Cathedral et bien sûr Black Sabbath pour la musique heavy/doom née à Birmingham à la fin des 60’s. On aimerait bien à présent un successeur au dernier album The Wolf Bites Back (Candlelight Rec.) datant de 2018…


Encore deux scènes pour deux ambiances différentes pour deux artistes différents, mais rattachées tout de même par trois points communs : outre leur présence à l’affiche 2022 repoussée par deux fois, ils ont tous deux déjà foulé la scène du Motoc’ par le passé. Mais les arrangements électroniques revêtent aussi une place importante de nos jours chez ces deux formations de renom : Igorrr, et Dark Tranquillity. Pour le premier, qui est français, la prestation de breakcore/black metal baroque (enfin ce que vous voulez) est bien différente de celle à laquelle nous assistâmes en 2017 (de mémoire) où la chanteuse déambulait sur la scène vêtue de sa grande robe noire, donnant le change vocal au chanteur, genre « La belle et la bête » comme c’était souvent classique il y a une trentaine d’années dans le gothic metal (on pense à Theatre of Tragedy par exemple). Cette fois, point de chanteuse à l’horizon, tout est samplé, en plus des séquenceurs électroniques. Il y a bel et bien cependant un batteur. Simplement le vocaliste masculin, a priori le guitariste JB Le Bail qui n’est pas au chômage technique (Svart Crown ayant splitté) car sous le maquillage, difficile à vérifier, et et l’homme-orchestre Gautier Serre. Un second guitariste en la personne de Martyn Clement figure sur la Massey Ferguscène. Petite déception de ne pas voir évoluer la nouvelle chanteuse soprano Aphrodite Patoulidou.

IGORRR
IGORRR


L’autre rendez-vous à ne pas manquer avant l’arrivée de Behemoth, c’était bien sûr parallèlement nos chouchous de Dark Tranquillity, toujours mené par notre vieil ami Mikael Stanne (interview ici), seul membre originel du groupe de death metal mélodique de Göteborg. Enfin presque originel, puisqu’il officiait à ses débuts, rappelons-le, dans In Flames, avant de changer et intégrer comme guitariste puis chanteur DT en 1991 après l’ère Septic Broiler. Pour tout vous dire, nous étions impatients mais aussi quelque peu dubitatifs de revoir DT sans le batteur Anders Jivarp parti dernièrement, Niklas Sundin et Martin Henriksson étant parti depuis déjà longtemps, ni Anders Iwers (parti dernièrement et occupé par Tiamat). Il reste toutefois le claviériste Martin Brändström qui occupe une place importante aux claviers et séquenceurs depuis son arrivée sur l’incontournable Projector (1999/Century Media). Le concert s’ouvre sur des décors du dernier album Moment (Century Media) et deux chansons extraites de celui-ci. Le public est massif, mais répond peu, découvrant à la fois le nouveau line-up, notamment les deux nouveaux gratteux : Johan Reinholdz (des excellents Andromeda) et, à défaut de Christopher Amott absent ce soir, c’est un certain Joey Concepcion, jeune surdoué américain, qui le remplace en tant que guitariste soliste. À partir du troisième titre « Monochromatic Stains » (tiré de Damage Done), les choses évoluent rapidement. Alors que nous étions au cœur du pit en train de headbanguer comme des furieux, d’autres furieux et furieuses, peu vêtus et quelque peu imbibés nous rejoignent dans la foule, sur le devant à droite de la scène, mais ils ne connaissent pas le répertoire musical des Suédois. Qu’importe le flacon, pourvu qu’on en ait l’ivresse ! Les festivals sont aussi et surtout des lieux d’échanges et de découverte ! C’est alors parti pour près de quarante minutes de folie : pogos gentillets, slams, headbanging à tout va. Les anciens titres continuent d’être joués remontant jusqu’à Projector et Haven, mais malheureusement rien de l’époque Osmose Productions (The Gallery, ni The Mind’s I) entrecoupé par un petit « Atoma », faute de temps essentiellement. Leur death metal est si entraînant grâce à ses mélodies aux synthétiseurs combinés aux guitares que nous rentrons dans une sorte de transe. Quelque peu fatigué et occupé par la sortie en août du premier LP de son side project The Halo Effect avec des ex-membres d’In Flames et par cette tournée européenne de DT dans les festivals d’été sur cette ultime date, Mikael Stanne est ému face au public qui a retrouvé un second souffle. Le frontman n’en revient pas, et ne triche pas. Lui et ses nouveaux musiciens sont fatigués mais émus, notamment le jeune batteur, carré tel un métronome, tout comme son prédécesseur Anders Jivarp. Il y a toujours eu de toute façon une connexion forte entre Dark Tranquillity et la France, leur succès croissant ayant été lié au public français et au label Osmose Productions dans les années 90. Un superbe moment, là encore, avant le clou final du festival…

DARK TRANQUILLITY


Que dire sur Behemoth, maîtres des lieux et de cérémonie sur cette fin de festival. Si le public est fatigué, il répond présent aux terribles incantations black/death de guitariste/chanteur Nergal. Le show est superbe : légère pyrotechnie, lumières grandioses, décorations occultes omniprésentes sur la Dave Mustage, bref c’est parfait là encore. À la batterie, Inferno demeure indétrônable et martèle ses fûts comme un diable. Par deux fois, le bassiste Orion sur la droite ira boire derrière un paravent au tout début du show. Le show, c’est vraiment ça maintenant à chaque prestation des Polonais qui donnent tout. Au passage, nous avons droit à quelques extraits du nouvel album Opvs Contra Natvram à paraître le 15 septembre 2022 (Nuclear Blast). Pour s’endormir, nous écoutons enfin les dernières notes de Lord of the Lost sur la Bruce Dickinscène…

Nergal/BEHEMOTH (photo par Corentin Charbonnier)
Seth/BEHEMOTH (photo par Corentin Charbonnier)
Orion/BEHEMOTH (photo par Corentin Charbonnier)
BEHEMOTH (photo par Corentin Charbonnier)

=> Un concert de Behemoth en apothéose pour une treizième édition également en apothéose puisque le festival n’a jamais eu une telle affluence en format 4 jours : près de 44 000 personnes au total. Alors merci aux artistes, aux bénévoles surtout qui ne se sont pas dérobés comme il y a 3 ans, et merci aux festivaliers qui, si par moment étaient un peu fatigués (et nous les premiers), et l’âge avançant, ont tout donné là aussi. À bientôt Motocultor pour de nouvelles aventures, sur le site Kerboulard de préférence ! Ou bien il faudra peut-être revoir sa copie d’un  format de 4 jours moyen au profit d’un format de 3 jours concentré mais peut-être plus lucratif, si l’on veut préserver la fidélité des metalleux, punks, hardcoreux, et rockeurs au sens large sur le site de St Nolff. Seul l’avenir nous le dira… [Seigneur Fred]

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