En ce jour de solstice d’été 2024, nous avons littéralement succombé aux ténèbres invoquées par ce charmant duo français, à la ville comme à la scène, qu’est Blóð. Ce troisième essai dédié à la fille des deux artistes, baptisée naturellement Mara, reflète l’osmose parfaite du couple constitué de Anna W. (ex-Lynn Project) et Ulrich W., alias « Dagoth », guitariste et chanteur d’Otargos (et ex-Regarde Les Hommes Tomber). De cette union sanglante et sanguine, Mara a vu le jour, ou plutôt la nuit, une nuit de sabbat, en référence à la déesse du même nom des morts dans l’hindouisme. Evoluant dans un doom/dark metal atmosphérique teinté d’influences sludge à la Amenra, Mara se veut totalement envoûtant et paradoxalement suffocant. S’ouvrant sur l’intro de « Gehenna » se situant quelque part entre la B.O. d’un film de Hayao Miyazaki et le nom du groupe norvégien de black metal, très vite on comprend donc que l’ambiance n’est pas à la fête et que nos âmes vont souffrir. Sur un rythme lancinant et un riff de guitare typé black (influence Otargos oblige), on est totalement happé par Blóð. La voix d’Anna W., d’abord claire et presque plaintive, interpelle et nous charme brièvement, comme une harpie viendrait tenter de nous séduire, puis des screams black brisent la glace. Des riffs de guitares au grain abrasif et saturé au possible nous font comprendre que l’on est déjà dans les limbes… Sur « Malignant », la batterie pachydermique programmée par Ulrich W. passe très bien, comme une lettre à La Poste (hors période de grève), et nous rappelle à notre condition humaine, du genre « Memento Mori », comme sur le dernier Marduk. On tombe là six pieds sous terre. L’ambiance est oppressante mais on redemande paradoxalement. On va ainsi suivre tout du long cette descente aux enfers. Nous sommes alors guidés par Mara, la déesse des morts, quitte à se perdre dans les chemins sinueux et mortels de la perdition (« Martyr »), ou à perdre la raison (« Mara » qui nous charme, puis nous fait succomber à la tentation).
Si les rythmes lancinants et les principaux riffs de guitares peuvent sembler redondants, ils confèrent justement ce côté hypnotique aux compositions savamment concoctées à la maison par le frontman d’Otargos, avant que la belle n’appose ses textes personnels sombres et torturés. La performance vocale de Lynn d’ailleurs impose le respect car elle y assure tous les types de chant : growls, screams, voix claire, murmures, etc. Et si tout paraît monolithique de prime abord (comme chez les Danoises de Konvent), en plus mélodique ici néanmoins, peut-être vous direz-vous que pour du doom/sludge metal ici, les influences black et dark metal rajoutent une couche à cette déjà brumeuse et épaisse musique heavy et presque shamanique par son ton incantatoire. A cela, on trouve de délicieuses touches expérimentales dark metal donc, doom et gothic. Comment par exemple ne pas penser à Amenra par moment, même si Blóð possède déjà son univers et son identité sonore sur ce troisième opus, mais aussi, sur certains arpèges aux Deftones (« Frost ») ; mais encore et surtout au regretté Celtic Frost période Monotheist (« Mother Ov All »), voire Triptykon (« The White Death »). Tiens donc, d’ailleurs Tom G. Warrior peaufine actuellement le prochain et troisième album qui devrait bientôt lui aussi voir le jour. Trois, comme ce troisième album Mara signé Blóð qui mérite, grâce à son atmosphère vraiment personnelle et hypnotique, l’attention de tous vos sens et vous fera patienter d’ici le prochain de Triptykon par exemple, ou si Amenra vous a un peu déçu sur son dernier ouvrage Skunk sorti en février 2024 en indépendant. Âmes sensibles s’abstenir. [Seigneur Fred]
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