Après un excellent Urd (2012) à l’approche plus folk et organique, et les très bons Winter Thrice (2016) et True North (2019), Borknagar poursuit son bonhomme de chemin à travers les paysages sonores nordiques toujours aussi épiques et majestueux qu’il a su façonner progressivement en s’inspirant de son environnement local mais aussi de la mythologie nordique depuis ses débuts plus extrêmes au milieu des années 90 avec Samoth (Emperor), Infernus (Gorgoroth), Grim (R.I.P.), Garm (Ulver), et un certain Ivar Bjørnson (Enslaved)… Il faut cependant l’avouer, même si l’on est depuis longtemps de grands fans de la formation de Bergen, une certaine redondance tend parfois à se faire sentir dans ses longues compositions sinueuses. Peut-être est-ce pour cela que le chanteur Andreas Hedlund, alias « Vintersorg », a quitté le navire, ou plutôt le drakkar, des Norvégiens en 2019 afin de se reconcentrer sur son principal bébé Vintersorg, ou ses divers side-projects (à quand une suite à Fission ou Otyg ? Mais à chaque fois que l’on interroge le principal intéressé à ce sujet en interview, visiblement ce n’est pas dans ses priorités du moment à notre grand désespoir, affranchi de Borknagar, cela pourrait évoluer…).
Peut-être aussi parce que le chanteur suédois au timbre versatile (il sait tout faire et peut à la fois chanter en voix claire comme en growls/screams), ne trouvait plus vraiment sa place entre la voix claire de l’imposant Simen Hestnæs alias « ICS Vortex » (tout aussi capable d’assurer les growls, chose qu’il fait de nouveau depuis 2019) et la voix claire du formidable claviériste et co-leader de Solefald, Lars A. Nedland… Alors est-ce que la magie de nos amis norvégiens opère encore sur ce douzième voyage musical ? Alors oui, et c’est ça qui est formidable malgré les années qui passent. La chute (« Fall ») de Borknagar, représentée à partir d’une métaphore ici (une chute d’eau) sur l’artwork de la pochette, n’est donc pas pour tout de suite. Nos Vikings sont toujours en belle forme, à l’image du single « Moon », entraînant et onirique. Entraînant, tout d’abord, par son rythme galopant, ses subtiles claviers, le chant clair principal d’ICS Vortex, et un solo de guitare d’inspiration heavy metal qui surgit très tôt avant un refrain et de superbes chœurs signés Lars « Lazare » Nedland (remarqué en 2022 par son duo avec les Grecs de Rotting Christ sur la magnifique chanson « Holy Mountain ») et ICS Vortex. Et puis onirique par sa jolie lyrics vidéo poétique réalisée par l’artiste prolifique Costin Chioreanu/Twilight 13 Media (ayant d’ailleurs récemment exposé à Stockholm quelques unes de ses œuvres graphiques inédites). Ce dernier était déjà l’auteur de la vidéo « Up North » de Borknagar, mais aussi de bien nombreuses créations visuelles pour Arch Enemy, At The Gates, Grave, Ola Englund (The Haunted), etc.
Et à écouter Øystein G. Brun, son principal compositeur & guitariste, à propos de Fall, le géant chauve (il mesure un bon mètre quatre-vingt dix) affirme en 2024 : « Nous sommes extrêmement fiers de vous présenter notre douzième album intitulé Fall, un autre chapitre de notre voyage musical. À bien des égards, celui-ci représente la continuité de True North, mais comme toujours, nous poussons plus loin pour trouver des horizons encore plus vastes et plus stimulants. Musicalement, nous sommes fidèles à notre héritage musical, mais nous avons certainement traversé le feu et la glace pour atteindre notre plus haut sommet. Bien que Fall représente un large éventail d’idées musicales et lyriques, le thème fondamental de l’album est basé sur la fascination et l’appréciation de la périphérie de la vie. Ces endroits, et ces êtres, dans la vaste périphérie de notre propre existence que très peu vivent pour voir ou même apprendre à connaître – mais qui sont pourtant profondément essentiels à notre existence. Avec Fall, nous cherchons à dépeindre et à chérir tout ce qui résiste et repousse les limites – contre la grande chute ». Voilà, tout est résumé ici par son maître d’œuvre. A vous d’apprécier maintenant ce Fall hivernal de toute beauté, qui malgré une recette bien rodée, arrive encore à nous surprendre ici et là (le déchirant « Unraveling » ou l’atmosphérique « The Wild Lingers ») en mariant toujours aussi bien le feu et la glace. [Seigneur Fred]
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