Fruit hybride de Children of Bodom et Wintersun, le groupe finlandais Brymir n’en est cependant pas à son premier coup d’essai, personnalisant un peu plus son death/black symphonique à chaque nouvel album studio. Déjà auteur de trois opus remarqués, ce quintet originaire du Pays des Mille Lacs s’affirme davantage aujourd’hui sur sa nouvelle réalisation baptisée Voices In The Sky (Napalm Records) notamment grâce des compositions finement ciselées et très personnelles qui font écho à notre malheureuse planète, comme nous l’a expliqué son chanteur, principal parolier, mais aussi producteur Viktor Gullichsen… [Entretien par e-mail avec Viktor « Storm » Gullichsen (chant, orchestrations, paroles) par Seigneur Fred – Photos : Janica Lönn]
Brymir existe depuis 2006 en Finlande, mais je me suis toujours demandé d’où vient le nom de votre groupe et que signifie-t-il ? Peut-être est-ce en rapport avec l’univers heroic fantasy de J.R.R. Tolkien et le personnage du Seigneur des Anneaux appelé « Boromir » (frère de Faramir, fils de l’intendant du Gondor) dont la nouvelle série télévisée arrive très bientôt en septembre à la télévision (sur Amazon Prime Video) ? (sourires)
Brymir est en fait une combinaison de deux mots de la mythologie nordique – le premier est « Brimir », une table ou plutôt une salle au Valhalla où les héros de Ragnarök festoient pour toujours (après la fin de l’ancien mode) et le deuxième mot est « Ymir », un géant de givre dont la chair a servi pour créer le monde (avant le début). Donc, d’une certaine manière, Brymir est un mélange. C’est notre façon d’exprimer à la fois l’Alpha et l’Oméga.
Comment vous sentez-vous à quelques semaines (Ndlr : interview réalisée début août 2022) de la sortie de votre quatrième album studio intitulé Voices In The Sky, trois ans après votre précédent album Wings of Fire (Out Of Line Music) qui avait déjà marqué une grande étape dans votre carrière ? Celui-ci avait d’ailleurs récolté de nombreuses bonnes critiques à son sujet avant de signer avec Napalm Records…
Nous sommes tellement excités de montrer enfin au monde ce que nous avons créé dernièrement ! Et nous espérons qu’avec le soutien de Napalm Records, cet album nous emmènera plus loin que jamais !
Question classique du coup mais est-ce que le covid-19 vous a-t-il plus ou moins affectés, personnellement, mais aussi peut-être pour l’écriture des dix nouvelles chansons de Voices In The Sky ? On dirait qu’au niveau timing, ce fut un bon moment dans votre programme finalement, un an après la sortie de Wings of Fire, même si tout le monde se serait bien passé de cette pandémie, bien sûr… Mais comme vous ne pouviez pas jouer live, cela coïncidait bien pour se mettre à écrire un nouveau disque, non ?
Lorsque tous nos plans ont été annulés et que bon nombre de nos travaux ont été interrompus, cela semblait être le moment idéal pour écrire. On a commencé à écrire au début de 2020, mais nous avons rapidement remarqué que nous ne pouvions tout simplement pas faire fonctionner le flux ensemble via le chat vidéo, car une grande partie de notre processus s’effectue sur la dynamique entre moi et le guitariste Joona Björkroth travaillant en face à face. Au fur et à mesure que les restrictions de jouer live, et même de rencontrer des amis, se poursuivaient, je suis devenu assez déprimé et il a fallu toute l’année 2020 pour s’habituer à la nouvelle situation et développer une nouvelle approche de la production de notre musique. Mais après cela, nous avons vraiment eu un énorme coup de pouce car nous avons finalement réussi à transformer toute la frustration en une force créative qui a poussé l’écriture à la vitesse supérieure ! Ce fut une période très douloureuse, mais avec le recul, il est gratifiant de voir que nous avons survécu et que nous sommes sortis de l’autre côté plus forts que jamais.
C’est assez étrange car que ce soit dans votre musique ou dans les titres de paroles, il y a toujours une lumière au bout du tunnel. On peut y voir une sorte d’espoir : par exemple dans la pochette de votre précédent album Wings of Fire, l’ange, ou plutôt l’archange, volait et s’élevait vers la lumière dans le ciel. Mais maintenant, sur ce nouvel album Voices In The Sky, l’artwork y est très sombre et je ne vois aucun espoir ici ou source de lumière pour un avenir meilleur dans votre univers lyrique… Ai-je raison ou tort ? Quelles sont d’ailleurs ces « Voix dans le ciel » évoquées ici dans le titre exactement ?
Tu as raison, l’ambiance sombre de ces dernières années a eu un impact direct sur l’écriture des nouvelles chansons, leurs paroles, les illustrations du nouvel album et le chant aussi sur Voices In The Sky… Un monde polarisé plein de haine, une pandémie, l’aggravation des effets du changement climatique et une guerre très proche de chez nous à l’est de l’Europe ne nous ont pas donné beaucoup d’espoir pour un avenir radieux de l’humanité. L’œuvre visuelle (pochette) raconte également cela avec du noir et blanc pour symboliser la polarisation extrême entre les gens et du rouge pour le sang d’innocents qui s’est répandu dernièrement.
Dans quel état d’esprit étais-tu alors durant le processus de création et de composition personnellement ?
En complément à ma précédente réponse, je dirai à titre de comparaison et pour mieux t’expliquer personnellement, que les chansons de Wings of Fire avaient été écrites lorsque je tombais amoureux et que je me remettais de luttes personnelles, ce fut donc une période très édifiante de ma vie. Maintenant, je peux recommencer à voir la lumière au bout du tunnel mais j’étais dans un endroit sombre quand ce nouvel album Voices In The Sky a été écrit…
Votre métal est très diversifié aujourd’hui : musicalement et vocalement. Par exemple : si l’on prend la chanson-titre de l’album « Voices In The Sky » qui représente très bien ce nouvel album. On peut y trouver de la musique folk avec des guitares acoustiques, juste après un pur heavy/speed metal et aussi quelques passages bruts de black/death avec des touches symphoniques. Est-ce un bon résumé de la musique de Brymir aujourd’hui de la faire découvrir à des gens qui ne vous connaissent pas encore ?
Oui, tu offres une bonne description des divers éléments de notre musique ! (sourires) Notre son est un mélange de tous les genres qui nous ont inspirés tout au long de notre vie. Plusieurs d’entre nous ont un lien avec la musique classique, dans mon cas, ma mère est une musicienne professionnelle et j’ai grandi en écoutant beaucoup de Bach et d’autres musiques de chambre. Plus tard, quand j’ai découvert le metal, mes genres préférés étaient le black metal, le power metal et le folk metal. L’amour pour cette combinaison particulière de ces genres était également le facteur d’union pour les membres de Brymir lorsque nous nous sommes rencontrés à l’adolescence. Ce n’est pas toujours un métalleux qui ressent une passion égale pour le black metal et le power metal. Disons que nous avons eu la chance de se trouver musicalement tous ensemble ! (rires)
Voices In The Sky est très diversifié musicalement et il y a beaucoup de travail sur les leads et les riffs de guitares aussi, mais aussi sur les voix et les chœurs, plus que par le passé je présume. Par exemple sur « Forged In War », « Llandfall » ou « Fly With Me ». Avez-vous grandi en écoutant des groupes de par chez vous comme Stratovarius, Children of Bodom, Wintersun, Amorphis et d’autres légendes finlandaises célèbres quand vous étiez plus jeune ?
Oui, forcément. Cela rejoint un peu aussi ce que je te disais précédemment.
Comme sur Wings of Fire, retrouve-t’on des invités sur ce nouvel album Voices In The Sky cette fois-ci ? Je me souviens de Noora Louhimo (Battle Beast, et carrière solo) qui a chanté en guest sur votre précédent album. Joona Björkroth de votre groupe joue d’ailleurs également dans Battle Beast. On dirait qu’il y a une forte connexion entre Brymir et Battle Beast, n’est-ce pas ?
Brymir et Battle Beast ont toujours été étroitement liés. Même avant que notre guitariste Joona ne rejoigne Battle Beast, son frère Janne Björkroth (notre ex-claviériste) jouait avec Battle Beast, et nous avons toujours partagé des studios, des vans, etc. Janne et moi avons respectivement des rôles similaires dans nos groupes et partageons toujours du matériel et de l’aide les uns avec les autres chaque fois que nécessaire. C’était génial d’avoir Noora en vedette sur notre précédent album, mais nous avons décidé que cette fois nous voulions vraiment explorer ce que nous pouvions faire au sein du groupe seul. Les seuls chants d’invités sont en fait de notre guitariste de session live Antti Nieminen qui remplace Joona chaque fois que ses tournées avec Battle Beast tombent en même temps que les nôtres. Antti peut donc presque être considéré comme un sixième membre de Brymir à ce stade. Plus on est de fous, plus on rit ! (rires)
Maintenant, peux-tu m’en dire plus sur cette chanson intitulée « Herald of Aegir », s’i-te-plaît Certes, un héraut est comme un messager, et Aegir est le dieu des mers dans la mythologie nordique, un peu comme Poséidon ou Aquaman en quelque sorte ! (rires) Mais là, plus sérieusement, vous essayez de faire passer aux auditeurs un message écologique avec plein de sensibilité, on dirait…
Le nom de ce morceau « Herald of Aegir » fait référence au saumon, une créature qui peut être un assez bon indicateur de la qualité de l’eau. C’est la bête la plus puissante qu’un pêcheur puisse rencontrer en Finlande mais elle reste très sensible à la dégradation de son environnement naturel. C’est pourquoi j’aime l’appeler en quelque sorte le messager de la mer (cf. Aegir dans la mythologie nordique). Je suis moi-même un pêcheur très passionné et j’aime donc passer mon temps libre au bord de l’eau (comme vous l’avez peut-être déjà compris ici ou là).
Sur un autre titre nommé « All As One », qui se trouve avant la conclusion de l’album, tu y fais une interprétation très épique sur une chanson relativement longue. Comment avez-vous composé ce joli morceau et de quoi parlent tes paroles ? De quoi s’agit-il ici au juste ?
C’est de loin la chanson la plus ancienne de l’album, écrite à l’origine par notre bassiste Jarkko Niemi il y a presque dix ans. Cependant, c’était une chanson tellement massive et dramatique que nous n’avions pas trouvé le bon angle avec le producteur. Nous pensions qu’il aurait besoin d’énormes arrangements orchestraux et d’un chœur complet pour atteindre son plein potentiel… mais pendant la production de notre nouvel album, nous avons réalisé que c’était en fait le contraire – nous l’avons dépouillé de ses éléments de base pour exprimer la plupart des éléments juste avec nos propres instruments et nos voix. Les paroles sont également de Jarkko et ses textes font partie de mes préférés de tout l’album.
Je peux citer l’explication de Jarkko (basse) sur les paroles si tu veux.
Il y raconte l’histoire d’un prisonnier quelques instants avant son exécution publique ; une «bête» qui a affronté les pouvoirs en place. Racontés de leur point de vue, les crimes commis et la validité des accusations sont laissés dans le brouillard du manque de fiabilité : le prisonnier est-il un combattant de la liberté résolu de réveiller les masses pour qu’elles retirent leurs bandeaux et renversent leurs oppresseurs, ou simplement un fou dont les divagations tentent de justifier cette fin amère ? Car bien que l’envie de voir au-delà de ce monde, le désir de tuer de faux dieux et d’accéder à des niveaux de liberté plus élevées, soit sans aucun doute une force motrice humaine nécessaire pour nous améliorer et améliorer nos sociétés ? Trop souvent les choses mauvaises et sales qui créent un véritable changement sont tous embrouillées… Lorsque nous cherchons à détruire des monstres, des choses ou phénomènes que nous ne comprenons pas ou ne voulons pas comprendre, nous pouvons devenir en fait nous-mêmes des monstres. Et au moment de l’exécution le fantastique devient réalité ; des visions apocalyptiques des mondes futurs et de la fin de ces mondes, une certaine « clarté qui voit tout et est tout » aux proportions cosmiques naît alors… Soit cela peut être le dernier aperçu qu’une âme troublée verrait après une vie de lutte, qu’une telle clarté soit un réconfort ; qu’elle soit réelle ou non, peu importe… ».
A la fin de l’album, en guise de cadeau à vos fans, vous offrez un ultime moment brutalité et de noirceur à la fin de Voices In The Sky avec la reprise « Diabolis Interium » de Dark Funeral, très brutale et speed, comme Dark Funeral ! J’avoue avoir été assez surpris et bluffé. Ton chant est très proche de celui de Magus Caligula sur ta version. Il s’agit d’une belle reprise ! Pourquoi avez-vous choisi ce répertoire de pur black metal suédois, et non une reprise d’un groupe de (black) metal finlandais comme Thy Serpent, Gloomy Grim, ou Impaled Nazarene, ou bien encore une reprise plus proche de votre style avec Children of Bodom afin de rendre hommage à Alexi Lahio (R.I.P. ), mort bien trop jeune en 2019 ?
Nous voulions choisir une reprise assez éloignée de notre style habituel. Et Dark Funeral fut un choix évident car leur musique était un point commun très important entre moi et notre batteur Patrik Fält lorsqu’il a rejoint Brymir en 2012. Nous avions tous les deux écouté Dark Funeral dès notre adolescence et l’album Diabolis Interium a joué un rôle important dans la formation de notre sens de l’esthétique musicale en ce qu’il est aujourd’hui. En fait, nous avions même déjà parlé de reprendre certaines de leurs chansons en tant que projet parallèle et avons immédiatement sauté sur l’occasion d’en enregistrer cette chanson-titre avec les ressources appropriées et de la publier sous la bannière de Brymir. J’avoue, je suis d’accord avec toi, j’ai réussi à exprimer la voix proche des prises originales de l’Empereur Magnus Caligula. D’un certain côté, cela indique peut-être combien de centaines ou de milliers de fois j’ai dû écouter cette chanson dans ma vie, donc je me souviens de chaque nuance ! J’aimerai cet album jusqu’au jour de ma mort…
Quelques mots à présent s’il-te-plaît à propos de la production sonore de Voices In The Sky ? C’est le groupe et toi-même, chanteur, qui l’avaient produit aux JKB Studios. Quoi qu’il en soit, le mastering a finalement été réalisé par Tony Lindgren (associé de Jens Bogren) dans l’un des deux Fascination Street Studios (banlieue de Stockholm ou Orebrö en Suède si j’ai raison). Pourquoi ce choix de production car parfois ça peut être dangereux de tout faire soi-même en interne ? C’est bien parfois d’avoir un autre œil extérieur sur l’album parfois…
Produire un album soi-même est risqué car il est facile de perdre tout sens de l’objectivité. En effet… C’est arrivé sur nos albums Slayer of Gods (co-produit avec Janne Björkroth) et Wings of Fire. Donc cette fois j’avais déjà appris quelques trucs pour rester sain d’esprit pendant la production. Nous avons demandé à certains de nos amis les plus accomplis dans l’industrie d’écouter des morceaux et de donner leur avis et certains de leurs commentaires ont eu un impact très positif sur les arrangements de chansons. À peut-être à mi-chemin de l’écriture, je rêvais d’embaucher un producteur pour m’aider dans le travail, mais quand le moment est venu d’en trouver un, j’ai senti que j’étais si profondément dans ce bain créatif qu’embaucher quelqu’un de l’extérieur pourrait en fait rendre les choses finalement plus difficiles – ou du moins prendre trop longtemps pour que la nouvelle paire d’oreilles s’oriente vers le projet. La meilleure chose à propos de la production d’un album assuré par soi-même est qu’elle permet un flux de travail non linéaire. La composition et la production peuvent être entièrement liées d’une manière qui rend le processus fluide et permet aux idées d’être mises en œuvre même pendant le dernier jour de mixage. Je deviens souvent très créatif très tard dans le processus et par exemple, la chanson-titre « Wings of Fire » de notre album précédent a été écrite à la dernière minute, tu sais… (sourires) En fin de compte, elle est devenue la chanson la plus réussie de cet album ! Cette fois-ci, j’ai également enregistré plusieurs des meilleures parties vocales moins d’une semaine avant le mastering de l’album. Parfois, c’est un peu trop d’être en charge de chaque phase et après chaque disque, de superviser tout. A chaque fois je dis : « Je ne produirai plus jamais ma propre musique »… mais au final, tu me retrouves à le refaire exactement pareil dans un an ou deux !! Ah ah ! (rires)
Justement, pour terminer, que veux-tu ajouter à propos de ce quatrième album studio Voices in The Sky que tu as donc produit et mixé ? Et peut-on espérer vous voir bientôt en concert en Europe (s’il n’y a pas une troisième guerre mondiale avant, bien sûr…) et surtout en France ?
Nous pensons qu’il s’agit de notre meilleur album et je crois que nous avons trouvé notre propre identité sonore à un nouveau niveau. Nous sommes également très excités pour les tournées à venir et sommes si heureux que nous allons enfin nous rendre en France pour plusieurs shows en novembre-décembre 2022. Alors, à bientôt et j’espère que ce nouveau disque vous plaira !
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