CARCARIASS : L’au-delà ici et maintenant

Trois ans après la sortie de l’album Planet Chaos dont le titre annonçait déjà la couleur pour les années qui suivirent, Carcariass présente aujourd’hui son sixième album, Afterworld. Si leur musique est toujours aussi accrocheuse, le groupe franc-comtois, apparu sur la scène death metal française en 1991, garde sa vision dystopique de notre monde pourtant bien actuel… [Entretien avec Pascal Lanquetin (lead guitare/compositeur) et Jérôme Thomas (chant) par Aurélie Cordonnier – Photos : DR]

Votre précédent disque est sorti en 2019 et s’intitulait Planet Chaos. Ironiquement, peu de temps après sa sortie, le monde a véritablement frôlé le chaos avec une pandémie, une guerre aux portes de l’Europe… Aujourd’hui vous revenez avec l’album Afterworld. Est-ce que cette continuité dans les titres fait référence au regard que vous portez sur ces dernières années ?
Pascal : Bonne réflexion, on pourrait, en effet, croire que c’est une suite. Quand on compose une musique, des paroles ou tout autre choses d’artistique, on est consciemment ou pas influencé par l’actualité et le milieu qui nous entoure, la musique metal et son public sont en général des éponges à émotions négatives et dépressives, et ces temps-ci, c’est un peu la fête du slip niveau bad news… ! (sourires) Cela ressort forcément dans les produits finaux que ce soit niveau messages textuels et imagés, mais ça colle au style agressif et aux sonorités du metal plutôt typées/jouées en gammes mineur. Le metal joyeux et festif, ça va cinq minutes, mais c’est vite un peu chiant, et je pense pas que c’est ce que l’on recherche quand on écoute et joue ce genre musical. 

Le death metal a tendance à être associé à a brutalité. Pour rester dans le thème : est-ce que vous trouvez que c’est le style de musique qui correspond le mieux au monde dans lequel on vit aujourd’hui ?
Pascal : Le monde devient hyper brutal, l’humanité s’autodétruit dans des mises en scène de plus en plus violentes et gratuites largement diffusées sur le net et les médias. Malgré toute notre technologie et soi-disant moralité, on est redescendu plus bas que les pires moments sombre de l’histoire. Le death, hardcore, grindcore, et compagnie sont un bon reflet du monde joyeux qui nous entoure et du bel avenir que nous laisserons à nos enfants !

« Are we humans or are we tools », ces paroles ont immédiatement raisonné en moi. Comment naissent vos textes ? Est-ce que vous vous posez, regardez ce qui se passe dans le monde et mettez des mots sur cela ? Ou est-ce que vous allez chercher dans vos ressentis personnels ?
Jérôme : Les textes essaient de coller à une ambiance cci-fi dark, qui est très présente sur les derniers albums de Carcariass. Un futur sombre, plus ou moins proche, où l’humanité n’a pas le beau rôle. Les inspirations viennent de l’observation du monde à travers une lentille déformante et grossissante, ainsi que de la littérature et du cinéma traitant de thèmes similaires. On remarque assez vite que les textes fonctionnent aussi pour le temps présent, voire passé, pas seulement pour une anticipation futuriste, ce qui en soi est assez effrayant… 

Musicalement, vous êtes connus pour votre acharnement technique et votre qualité de jeu. Et c’est vrai que ce nouvel album est impeccable. Est-ce celui dont vous êtes le plus fier à ce jour ?
Pascal : Chaque album est une étape dans la progression et évolution du groupe, une finalité après une grosse période de travail, d’attente, prises de têtes, discussions, beuveries (rires !) et quand enfin le bébé sort, alors oui, nous sommes fiers du résultat. Cela doit être l’histoire commune de tous les groupes musicaux ! Maintenant il ne faut pas s’endormir et continuer à progresser pour que le prochain soit encore meilleure, la musique est une évolution sans fin. C’est ça qui est génial et qui fait qu’on ne s’en lasse jamais !

Est-ce que vous vous mettez justement une certaine pression pour que chaque nouvel album soit meilleur que le précédent ? Ou bien est-ce que chaque nouvelle composition se fait de manière naturelle et instinctive ?
Pascal : J’ai un petit peu répondu à cela sur la précédente question, oui mon but est de faire progresser le groupe, c’est le carburant qui fait avancer la machine ! Sans ça, on stagne et ensuite la lassitude s’installe. Par contre, en termes de pure composition musicale, je n’ai pas vraiment de pression, j’exploite juste l’inspiration du moment pour trouver des mélodies qui sonnent et s’enchaînent bien. Si je suis content du résultat j’envoie ça aux autres qui rajoutent leurs parties, sinon poubelle. Et parfois j’envoie des trucs que je trouve cool que les autres n’aiment pas, et poubelle quand même, grrr… (rires)

Depuis Planet Chaos, et peut-être encore plus sur Afterworld, vous prenez un tournant mélodique assumé. Pourquoi avoir fait ce choix musical ? Est-ce qu’il était temps pour le groupe de se réinventer ?
Pascal : Ce n’est pas une façon de se réinventer mais plutôt je crois que c’est l’évolution naturelle du groupe, on n’a rien forcé là-dessus. Si on regarde le passé, nous avons évolué de plus en plus sur une tendance mélodique album après album. Alors inéluctablement on devait en arriver là, même si on reste très reconnaissable sur notre façon de sonner, et ça c’est un point qui me satisfait énormément, c’est important de garder son identité sonore.

Afterworld est un album accrocheur et ce, dès la première écoute, avec de grandes variétés dans les mélodies et un mélange de styles (death metal, heavy metal, progressif…) Est-ce que c’est une liberté musicale que l’on peut se permettre seulement quand on est un « vieux » groupe comme Carcariass ? On sait que le public sera tout de même conquis ? (sourires)
Pascal : Après des heures et des heures de studio et mixage, des centaines d’écoutes, on a plus aucun recul sur le produit fini, il nous sort même par les trous de nez ! (rires) Perso, j’écoute très peu les albums que j’ai enregistré. On n’est jamais sûr de la réaction du public, même si on est content du résultat final. Vu que le groupe est en évolution constante on va forcément perdre une part de fans qui seront mécontents de la voie empruntée, c’est la vie, les goûts et les couleurs… mais on en gagnera d’autres et ainsi de suite. Comme on fait pas tout cela pour le pognon mais juste pour le plaisir et la passion de la musique, on avance sans trop se poser de question et cela se ressent j’espère dans notre musique.

Un nouvel album, ça se défend en live. Est-ce qu’on peut espérer vous voir en live prochainement ? Si oui, où ça ?
Pascal : Pffff ! C’est compliqué encore de booker des dates en cette période post-covid, affiches décalées, associations qui ont mis la clé sous la porte, etc. Je crois que tous les groupes s’arrachent les cheveux qui leurs restent pour trouver des plans (sauf évidemment les grosses pointures !). On a des plans qui s’annoncent mais rien de confirmé alors tu comprendras que je ne m’avance pas trop pour le moment, mais on se prépare pour ça et c’est vraiment cool car c’est un travail plus fun et défoulant que le studio : bonne répètes, bonne bouffes, le bon côté d’un groupe de potes quoi.

Encore merci pour ton interview et salutations à toute l’équipe de Metal Obs !!!


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