CATALYST : L’autre monde

Si le nom de Catalyst n’évoque peut-être rien chez vous, alors comme nous, vous avez probablement manqué leur premier album The Great Purpose of the Lords. L’heure est aujourd’hui au mea culpa avec son successeur A Different Painting for a New World qui sort chez Non Serviam Records (Grief of Emerald, Pantheon I, Bliss of Flesh…). S’inscrivant dans un concept lyrique très travaillé et passionnant, nous vous invitons fortement à découvrir cette jeune formation française prodige originaire de Lorraine qui propose un death metal progressif, dynamique et épique, qui séduira les fans de Nile, Impureza, Obscura, voire Dying Fetus. Mais au-delà de ces références, Catalyst, c’est déjà, et avant tout, un quatuor déterminé et passionné. [Entretien avec Jules Kicka (guitare/chant) par Seigneur Fred – Photos : DR]


Si mes informations sont exactes, vous venez de l’est de la France, alors question classique : comment et quand est né votre groupe Catalyst que je ne connaissais malgré un premier album, j’avoue, jusqu’à présent ?
Le groupe est né en 2017 de mon fait car je souhaitais monter ce projet depuis mes quatorze/quinze ans. Quand j’ai eu mes dix-huit ans et que je suis devenu plus indépendant, j’ai commencé à chercher des membres autour de moi. Et j’ai très rapidement rencontré Jefferson, notre bassiste, ainsi que notre batteur de l’époque, puis j’ai rencontré Florian (seconde guitare) quelques mois après. Depuis, nous constituons à nous trois la base de Catalyst restée inchangée et nous avons Stéphane, notre batteur, qui nous a rejoints en août 2021. En 2016, j’avais déjà tout le premier EP de prêt, ainsi que de nombreux morceaux du premier et deuxième album que tu as aujourd’hui entre tes mains ! Évidemment, ces morceaux étaient encore à l’état d’ébauches, les choses évoluant nécessairement avec le temps, mais beaucoup d’idées étaient là avant que le projet devienne un groupe.

Originaires de Metz, êtes-vous en contact avec votre scène death metal régionale justement (Lorraine, Alsace) ? Je pense à des groupes comme autrefois Scarve, les vétérans de Carcariass, ou Exhorted, et bien d’autres, ou plus récemment Fractal Universe par hasard ? Y’a-t’il une connexion entre vous tous afin de s’épauler et partager des dates de concerts, des plans d’enregistrement, communiquer, etc. ?
Bien sûr, nous sommes en contact. Nous avons joué avec Fractal Universe en 2019 d’ailleurs, et nous avons enregistré les batteries au studio de Clément Denys, leur batteur. Nous avons également joué avec Carcariass en mars 2021, que nous avons invité dans une salle près de chez nous justement car nous aimons beaucoup leur musique. Les liens sont donc assez établis, je pense. Nous apprécions vraiment notre scène locale.

En 2019, vous avez d’abord sorti un premier album intitulé The Great Purpose of the Lords sur le label ch’ti Great Dane Records. Pourquoi ce changement de label passant de la France aux Pays-Bas chez Non Serviam Records (Grief Of Emerald, Wormwood, Pantheon I, Bliss of Flesh…). Comment fait-on pour intéresser une telle maison de disques étrangère quand on est français et que l’on débute ?
Nous souhaitions simplement changer. Nous avons candidaté auprès de plusieurs labels, nous avons reçu plusieurs propositions et Non Serviam a clairement su se démarquer. Nos échanges ont tout de suite été très fluides et intéressants. Le boss du label, Ricardo, est une personne adorable, à l’écoute et ultra passionné. En regardant mes statistiques d’écoutes du lien que je lui avais envoyé, j’avais vu qu’il a écouté vingt-six fois l’album en entier ! C’est dire à quel point il est proche de ses groupes et qu’il se concentre sur la musique. C’est un véritable plaisir de travailler avec lui.
Maintenant, sur la question de savoir comment intéresser un label étranger, je pense que la réponse est assez simple : le label a tout simplement accroché avec notre musique et il y a vu une opportunité de travail pour nous deux. Partant, nous avons avancé ensemble sur cette sortie.

Signer avec un label indépendant est-il une nécessité selon vous de nos jours pour un jeune groupe de metal alors qu’il y a internet et que l’on peut faire financer un projet (Patreon) et tout faire soi-même avec, certes, beaucoup de travail (do it yourself) et de communication sur les différentes plateformes et réseaux sociaux ?
Évidemment, ce n’est pas nécessaire, mais si le travail du label est bien fait, c’est un atout qu’il ne faut absolument pas négliger. Faire le travail soi-même c’est bien. Je fais déjà pratiquement tout par moi-même : composition, écriture, enregistrement, vidéos, montage, réseaux sociaux… Avoir un label qui s’occupe des relations avec les médias, de la distribution, de la production et qui nous propose tout ça dans un deal intéressant, c’est exactement ce qu’il nous faut pour avancer convenablement à notre stade.
Pendant un temps, nous avions réfléchi à sortir l’album par nous-mêmes, c’était quelque chose de tout à fait faisable. Mais nous avons tous des limites en tant que personne, on ne peut pas être compétents sur tout, être partout, surtout lorsqu’on a des emplois prenants en temps à côté. Travailler avec une vraie structure qui prend soin du groupe, c’est un avantage certain, voire une chance.

À l’instar de Karl Sanders et Nile, on dirait que vous aimez les titres d’albums relativement longs !! (rires) The Great Purpose of the Lords pour votre premier LP ; et maintenant le nouveau : A Different Painting for a New World. Non plus sérieusement, faut-il y voir une recherche conceptuelle dans vos paroles et titres d’albums histoire d’intellectualiser votre death metal et d’offrir autre chose que de la brutalité et de la technicité pure aux néophytes afin de mieux séduire les réfractaires du genre ?
En réalité, les titres auraient pu être raccourcis. Mais je pense qu’il faut savoir garder le sens des mots. Il y a effectivement une histoire conceptuelle derrière notre groupe. Notre musique raconte une seule histoire à travers les différents albums et cette histoire est celle du Catalyseur (= « The Catalyst »). Pour te la raconter simplement, il s’agit de l’histoire d’un univers parallèle qui aurait été créé par une entité unique nommée le Créateur. À ses côtés, huit sages contrôlent cet univers pour en assurer l’équilibre parfait. Des millions d’années passant, le Créateur entraîne son monde dans un chaos gigantesque et les huit sages décident de se désolidariser de leur maître pour trouver quelqu’un qui aura les capacités de rétablir la pureté jadis acquise de leur univers.
Dans le premier album, les huit sages trouvent la personne qui sera le Catalyseur de leur force et le proclament Catalyseur et neuvième entité parmi eux, avec pour objectif de remplacer le Créateur. Dans le deuxième album, l’accent est mis sur la bataille entre le Catalyseur et le Créateur, que l’on voit d’ailleurs sur l’artwork, dont l’issue de la bataille a pour dessein de rendre à cet univers sa splendeur perdue.
Avec cette description, tu comprendras donc pourquoi nous avons deux titres longs : si l’on traduit en français les deux titres d’album, ils ne font qu’un : le « Grand Dessein des Sages » est de créer « une œuvre différente pour un monde nouveau ». En anglais, « The Great Purpose Of The Lords » is to create « A Different Painting For A New World ».
Je le disais au début de ma réponse, lorsqu’on prend conscience du sens des mots, on ne peut pas réduire. Nous avons été tentés d’appeler cet album « A Different Painting » (moi le premier d’ailleurs) mais le titre entier est trop important pour être réduit de la sorte.

Comment pourriez-vous résumer vos influences musicales (et annexes) ? Quelles sont les principales influences de Catalyst selon toi ? Comme ça, brut de pomme, je dirai Obscura, Necrophagist, Beyond Creation, Nile, Death, Cynic…
Tu vises plutôt juste ! Je pense que notre son se rapproche de Nile, Fleshgod Apocalypse, Death, Dying Fetus ou encore Opeth. Mais en réalité, si on approfondit un peu, ce n’est pas vraiment mes influences à l’origine. Au début du projet, ce n’était pas censé devenir du tech death. Au début, on faisait un death/thrash plus conventionnel. Notre musique a naturellement évolué vers ce style car nous avons tenté de travailler sur l’originalité et la complexité de nos titres. Peu à peu, notre technique s’est améliorée en même temps que nos chansons et nous en sommes à ce stade aujourd’hui.
Je te dirai même que mes influences d’origine sont plutôt Machine Head et Iced Earth, où j’ai beaucoup appris concernant les structures et la façon d’écrire les riffs. Je suis aussi assez inspiré par les bandes sons comme celle des jeux vidéo Zelda, dont je suis un grand fan. En tendant l’oreille, je pense qu’on peut aussi reconnaître ces influences, peut-être plus que Cynic ou Obscura en fin de compte, que je n’écoute que très occasionnellement.

Si tu devais comparer votre premier essai à ce second effort, quelles sont les principales différences et évolutions que tu constates et quel travail avez-vous accentué avant de rentrer en studio et pendant sur l’enregistrement du nouvel album A Different Painting for a New World ? Peut-être au niveau de la production sonore assurée une nouvelle fois par le Français HK Krauss du côté de Clisson ?
Je pense que la première différence, c’est notre âge. J’avais dix-huit/dix-neuf ans quand j’ai commencé à vraiment écrire ce qui deviendrait le premier album, j’en avais vingt-un/vingt-deux pour celui-là. Je pense que cette petite maturité que nous prenons tous avec les ans se répercute directement sur nos morceaux. Du coup, nous jouons mieux, on écrit mieux et on a une vraie volonté de s’améliorer. On a donné le meilleur de nous-mêmes sur cet album, même si ce n’est peut-être pas parfait. Nous saurons nous améliorer encore par la suite ! Avoir un groupe, surtout quand on apprend seul, c’est un apprentissage permanent. Chaque jour on découvre des nouvelles choses pour faire mieux qu’hier et c’est aussi ça qui est galvanisant.
Au niveau de la production, il est certain que le son est meilleur. Déjà, la batterie enregistrée chez Clément Denys de Fractal Universe est un avantage certain. Son studio et son matériel sont au top. L’autre grosse amélioration, c’est au niveau de ma voix je pense. J’ai tout enregistré chez moi et j’ai pris le temps de m’enregistrer quand je me sentais bien pour le faire. Il m’a fallu trois semaines quasi-pleines pour boucler ces voix, mais je pense que le résultat vaut le coup, il y a une nette amélioration par rapport aux précédentes productions. Aussi, nous avons veillé à avoir des prises vraiment qualitatives pour les guitares et la basse, afin de faciliter le travail de HK Krauss. Tous ces éléments font que la production nous a nécessairement fait passer un nouveau cap sur cet album.

J’ai ressenti une grande recherche dans le développement musical de vos chansons pour donner cet aspect épique. C’est à la fois entraînant, technique, et ça raconte quelque chose, une histoire, le tout avec puissance et paradoxalement avec un certain raffinement technique. Est-ce quelque chose que vous avez cherché à davantage développer sur ce nouvel album ?
Oui, totalement. Comme je le disais avant, on veut donner le meilleur de nous-mêmes, ce qui veut dire qu’on cherche à se creuser la tête sur chaque riff mais aussi sur chaque idée. Le but premier pour nous est de créer quelque chose qui nous ressemble et dont on peut être fier. On cherche à produire quelque chose d’unique, même si beaucoup d’influences entrent en compte et que nous ne sommes pas inventeurs d’un nouveau style. Je passe beaucoup de temps à peaufiner mes idées avant d’en faire concrètement quelque chose. L’autre objectif, c’est justement que nos morceaux racontent quelque chose comme tu le dis, il faut pouvoir faire passer une émotion pour provoquer un sentiment particulier chez l’auditeur.

Divers interludes et passages acoustiques ponctuent A Different Painting for a New World mais aussi de jolis chœurs et de beaux soli de guitare sans non plus en mettre partout comme dans le dernier Soulfly ! (rires) À l’écoute de tout ça, on se dit que vous n’êtes pas des manchots et êtes sûrement pas autodidactes. Parmi les membres de Catalyst, avez-vous suivi une formation musicale étant jeune au conservatoire de Metz peut-être pour être aussi polyvalent techniquement ?
Nous sommes tous autodidactes ! Personnellement, j’ai commencé la guitare à treize ans et j’ai tout de suite accroché avec l’instrument, je n’ai jamais cherché à apprendre la théorie ou à avoir un professeur. J’ai juste joué beaucoup en étant plus petit. Pareil pour le chant, je l’ai développé seul, hormis pour le chant clair pour lequel j’ai pris une petite dizaine d’heures de cours pour apprendre à placer ma voix.
Comme je le disais avant, c’est vraiment nos compositions qui nous ont poussés à aller de l’avant techniquement. Quand j’avais seize ans, je n’aurais jamais imaginé que le projet deviendrait si technique. De même, quand on a commencé le groupe avec Florian et Jefferson, aucun de nous n’imaginait une évolution en ce sens. Et ce n’est clairement pas une volonté de démonstration de notre part. On veut juste jouer de la musique extrême et épique, tout en étant jusqu’au-boutiste dans nos idées d’écriture. C’est vraiment comme ça qu’on s’est amélioré, nous n’avions pas ce niveau il y a cinq ans et je pense pouvoir affirmer ça pour chacun d’entre nous.
Par contre, Florian, notre guitariste, fait des études de musicologie depuis trois ans maintenant et est devenu professeur de guitare, donc il connaît maintenant la théorie mieux que n’importe qui dans le groupe ! Et pourtant, il était autodidacte à la base. Ses connaissances pourront être très utiles pour notre prochaine production… (sourires)

Sur le morceau « The Catalyst’End », j’ai cru entendre de la basse fretless vers la sixième minute, je me trompe ?
Malheureusement tu te trompes, il n’y a pas de bass fretless ! Tout a été enregistré avec la même basse six cordes de Jefferson. Mais cette impression vient peut-être du fait que sa façon de jouer sur ce passage est plus douce, moins métallique. Mais les frettes sont bien présentes sur son instrument ! (sourires)

Pour autant, ça tabasse quand même pas mal chez Catalyst. Vous insufflez une certaine dose de modernité, je trouve, à travers des passages plus foncièrement brutal death, voire deathcore : « To Unleash Thy Heinous Fate » ; « Paragon Of Devastation » (qui m’a rappelé un air des Américains de Chimaira). Cela fait-il partie là aussi de vos influences musicales chez Catalyst, tout en ayant une certaine volonté de faire évoluer le genre death metal de manière contemporaine ?
Franchement, je ne pense pas que ça fasse partie de nos influences. Je n’écoute quasiment pas de deathcore et j’ai dû écouter Chimaira deux fois dans ma vie. Ce qui est toutefois très juste, c’est que nous avons une volonté d’avoir un son plutôt contemporain. Je pense qu’au final nos influences sont majoritairement old-school car c’est ce qu’on écoute : le death des années 90 et 2000, les bases du genre. Mais on s’inscrit dans un registre plus moderne par notre son et par notre côté progressif et technique, je pense.

Si l’on revient sur le titre de l’album : A Different Painting for a New World. Peut-on dire qu’il s’agit là de votre définition ou représentation de notre bas monde d’aujourd’hui ? Celui-ci est en proie aux incendies, intempéries, guerres, épidémie (covid-19), l’inflation, bref, à en croire les médias (je ne citerai aucune chaîne d’information mais bon la n°15 est pas mal dans le genre), tout va mal sur Terre, c’est l’Apocalypse ! Et pourtant on croirait entendre une lueur d’espoir à certains passages sur votre nouvel album. Ne faut-il pas aussi tenter de voir le verre à moitié plein, c’est ça l’idée ?
C’est une question complexe car le concept de cet album était écrit et terminé avant l’épidémie de covid-19 et du début de cette nouvelle crise que nous traversons tous. Quoiqu’il en soit, Catalyst n’a pas vocation à passer des messages politiques ou à refléter la situation actuelle. Nous racontons une histoire fantastique conçue de toute pièce, sans aucune référence à notre monde à nous, il n’y a pas de réelle volonté de faire de parallèle.
Et surtout, sans vouloir trop en dire aux personnes qui liront mes propos, l’histoire racontée à travers cet album ne tend pas vers une lueur d’espoir, bien au contraire. Si la musique s’adoucit en fin d’album, ce n’est pas pour créer une lueur d’espoir mais plutôt pour conter l’emprisonnement du protagoniste dans un certain désespoir. Mais pour mieux comprendre cela, je vous laisse découvrir les paroles et l’histoire de l’album !

Enfin, que souhaites-tu ajouter à propos de ce nouvel album A Different Painting for a New World ? Vous avez cette tribune pour vous exprimer, Catalyst…
Nous sommes vraiment heureux de pouvoir aujourd’hui présenter cet album, après trois ans d’attente. De notre côté, cela fait désormais plus d’un an et demi que cet album est prêt et nous avons pris le temps de bien le peaufiner pour vous offrir la meilleure expérience possible. Prenez le temps de l’écouter dans l’ordre pour comprendre la logique entre les morceaux et n’hésitez pas à vous renseigner sur nos réseaux sociaux pour découvrir l’histoire accompagnant cet album ainsi que les paroles. En combinant la musique et les paroles, vous pouvez avoir une expérience complète de ce qu’est notre musique et nous espérons que vous prendrez du plaisir à découvrir ce nouveau chapitre de notre histoire fantasmagorique.

Quand pouvons-nous espérer vous croiser par chez nous en France ? Une tournée européenne est-elle envisagée pour défendre comme il se doit ce nouvel album studio maintenant que les concerts et tournées ont repris un peu partout dans le monde depuis un an environ ? Déjà des festivals de prévus l’été prochain peut-être ?
Nous aimerions beaucoup jouer en Europe pour promouvoir cet album, ce sont des choses que nous envisageons actuellement ! Plusieurs concerts sont déjà prévus en France, mais pour l’heure, je vous fais part de la Release Party que nous préparons au Gueulard Plus de Nilvange (57) le 14 octobre 2022 (entrée totalement gratuite, en ces temps difficiles c’est tout même un avantage) et nous prolongerons cette sortie le lendemain à Culoz (01) pour le New Blood Fest, en jouant l’album dans son intégralité ! (NDLR : entretien réalisé en septembre 2022)


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