Collectif OVNI ô combien protéiforme, Crippled Black Phoenix nous gratifie de Banefyre, un très long album écrit et composé dans la lignée du cycle entamé avec Ellengaest. Le noyau dur reste cristallisé autour des Anglais Justin Greaves (guitare, basse, batterie et samples), de Belinda Kordic (chant et percussions), Helen Stanley (piano, claviers, synthé, monocorde et trompette) et Andy Taylor (guitare). Le génie de son fondateur s’exprime à nouveau pour mettre en musique la voix des animaux, des outsiders, des rejetés, des opprimés, avec tripes et talen, le tout sous fond de dark rock.
[Entretien avec Justin Greaves (guitare/basse/batterie/samples) et Belinda Kordic, (chant/percussions) par Marie Gazal]
Tout d’abord, pourriez-vous me parler de votre nouvel album Banefyre ?
Justin : On utilise la musique pour nous exprimer. Belinda et moi ne sommes pas très doués pour parler ! (rires)
Belinda : Oh que non ! (sourires)
Justin : Les animaux n’ont pas de voix, donc on leur en offre une. On dispose d’une sorte de canal de communication donc pourquoi ne pas s’exprimer pour quelqu’un qui ne peut pas parler, ni se défendre ? Chaque album représente un moment dans le temps, ce que nous avons en tête à ce moment précis.
Et comment écrivez-vous ces voix justement que vous donnez aux plus démunis pour s’exprimer ?
Belinda : Justin compose la musique, bien sûr. Et quand j’écoute la musique, je vois des choses et je sais quoi écrire. Je n’écris pas des chansons niaises, car c’est important pour moi que ça signifie quelque chose. Pour les animaux, il y a tellement de choses que je voudrais faire, dire, mais je n’en aurais pas la force, comme investiguer sur des abattoirs… J’ai du respect pour les gens qui se battent pour les droits des animaux, je n’en ai pas la force mentalement. Donc je remplis ma part en chantant.
Diriez-vous que la musique de Crippled Black Phoenix est une forme d’activisme ?
Belinda : Pour moi, oui ! La musique doit signifier quelque chose.
Justin : Les gens ont peur du terme « activiste ». Ils se disent que c’est presque du terrorisme. Mais il ne faut pas en avoir peur. C’est dans le nom : on est « actif », on est pro-« actif ».
L’une de vos nouvelles chansons s’intitule « Everything is Beautiful but Us » : qu’est-ce qui a inspiré cette phrase lourde de sens ? Iriez-vous jusqu’à affirmer que l’être humain est incapable par nature de produire quelque chose de pur et magnifique ?
Justin : Ah, Belinda, c’est toi qui as écrit ça ! (Rires)
Belinda : Oui, mais Justin, c’est toi qui as trouvé le titre de celle-là ! Ce n’est pas un morceau issu de la pandémie, mais j’étais en Angleterre quand le premier confinement a débuté. C’est alors que quelque chose de merveilleux a commencé : l’air était pur, les oiseaux volaient dans le ciel, il n’y avait pas d’humains, les animaux sortaient… C’était paisible. En retirant les humains, c’est ce à quoi la nature devrait ressembler. Mais c’était également triste car ce n’était pas fait pour durer.
Justin : Quand j’ai écrit le titre, je me disais que les hommes étaient d’hideuses créatures. Mais je voulais le tourner en message positif, pour créer un effet de contraste triste et mélancolique. Dans le clip vidéo, on voulait montrer la beauté de la nature, et cela rend le message encore plus brutal, parce qu’il rappelle ce que les hommes font.
Qui a eu l’idée d’écrire une chanson à propos de la coupure électrique massive qui a eu lieu à New York en 1977 ?
Belinda : C’était Justin !
Justin : J’adore les années 70, les dystopies futuristes, la science-fiction, l’horreur… J’ai grandi en les regardant, quand j’étais trop jeune pour les voir. Je suis très influencé par ces courants, même cinématographiquement. Rollerball, Mad Max, THX 1138, Dark Star… Dans « Blackout77 », c’est dans la vraie vie que ça se passe : une histoire sombre, de vrais crimes… J’ai vu un documentaire et ça a fait tellement sens : si tu assujettis une population, si tu l’oppresses, les personnes vont se rebeller. C’est ce qui s’est passé à New York le temps d’une nuit.
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